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Communicantes: Avril 2002
 

L’éducation musicale
Cahiers Saint Raphaël, décembre 2000, no.61
Par Pierrette Beutter


Autant la musique peut être bénéfique pour l’auditeur, autant elle peut être nocive. Déjà les méfaits dus au Rock ont été longuement analysés : il est certain que le « Rap » et la musique « Techno » ont une action encore plus destructrice. Quelques indications vont éclairer notre propos.

Le professeur A. Tomatis (chirurgien ORL) a contribué par ses travaux à donner toute l’importance voulue à l’influence physiologique et psychologique de la musique. Il a démontré que le cerveau fonctionne comme une batterie qui se recharge et se décharge sous l’effet des sons. Ceux-ci en atteignant l’oreille interne droite mettent en branle les cellules ciliées de l’organe de Corti qui, par tout un trajet neurologique, envoie les vibrations au cerveau. Ce dernier sera rechargé par des fréquences hautes, et déchargé par des fréquences basses. Tomatis conclut que certaines musiques sont « rechargeantes » (tout particulièrement le chant grégorien et la musique de Mozart); d’autres sont, au contraire « déchargeantes » comme le Jazz et, bien entendu, le Rock, le Rap, la Techno qui en découlent. En effet, le chant grégorien et la musique de Mozart, même instrumentale, sont d’essence vocale et en harmonique, d’où leur effet dynamisant. Rappelons que l’essence spirituelle de la musique réside dans la mélodie et donc dans le chant. Le rythme en ordonne les durées et en donne la structure formelle, sa cohérence.

Qu’en est-il du Jazz et autres musiques ? D’une part, le rythme frappé par des instruments à percussion binaires est calqué sur la marche : il ne laisse donc jamais le musicien en repos. Obsessionnel, il passe de la transe à la décharge complète de l’individu. Le chant amplifié par des micros est formulaire : le même motif est indéfiniment scandé, crié même, et suscite un état de transe qui augmente progressivement. D’autre part, les fréquences sont généralement très graves, donc « déchargeantes ». De plus, Rock, Rap, Techno dans les festivals, les boîtes de nuits, sont accompagnés d’éclairs de toutes couleurs, très rapides, qui non seulement fatiguent la vue, mais déstabilisent et font perdre la notion de l’espace environnant, et coupent ainsi l’auditeur de la réalité. A cela s’ajoute la drogue, dont la dernière, le DOB, est le psychotrope le plus puissant connu, 50 à 100 fois plus puissant que l’ecstasy. Sa prise est liée à l’écoute de la Techno. De plus, à des hallucinations et à une forte agressivité allant de 24 à 36 heures, succède un sentiment anormal d’anxiété et de dépression qui peut conduire au suicide.

On parle beaucoup des dangers de l’alcool au volant. Il n’est certes pas négligeable, mais si on considère que la majorité des accidents mortels de la route se rencontrent chez les jeunes, il n’est pas interdit, bien au contraire, de mettre en cause le Rap et la Techno qu’on entend dans les boîtes de nuit ou quand passe une voiture dont les vitres sont ouvertes. Le conducteur est alors dans un état tel qu’il peut en perdre le contrôle. Sans aucun doute, le Rap et la Techno sont à l’origine de bien des accidents. Autre danger : la surdité. Cette musique est diffusée avec un volume sonore qui provoque des lésions auditives; toute une jeunesse est destinée à devenir sourde ! Et il est question de créer des classes de musique Techno dans les conservatoires. On aura des musiciens sourds mais dépourvus du génie d’un Beethoven ou d’un Gabriel Fauré!

La musique « Techno » est faite de sons produits par des procédés électroniques, elle ne fait donc pas appel à une matière vibrante. Elle ne peut donc être considérée comme un art puisque tout art demande l’action directe de l’artiste sur la matière. Pour le sculpteur et le peintre, cela ne peut être contesté. Le musicien, en agissant sur la vibration d’un instrument, crée la beauté par son contact intime avec la matière sonore. L’excès de sonorités électroniques est évidemment un désordre, il empêche de goûter le contact direct avec la vibration, ainsi voit-on où il peut mener : à un excès de « cérébralisation » dans la création musicale ou à des paradis artificiels qui conduisent au suicide. Comme chrétiens, restons fidèles à l’ordre naturel de la musique, ce qui n’empêche nullement un enrichissement continuel : le domaine sonore, toutes les possibilités rythmiques, mélodiques et même de recherche de timbres ne sont certainement pas toutes explorées. Laissons à la voix et aux instruments leur amplitude et leur résonance naturelles sans faire appel à des amplificateurs qui dénaturent plus ou moins le timbre et atteignent ainsi nos facultés d’écoute. Par le chant, retrouvons l’essence spirituelle de la musique : la mélodie.

 

La musique nous apprend à écouter

Saint Pie X attachait une grande importance à la restauration et au maintien d’une musique intrinsèquement sacrée et à l’influence d’une éducation musicale bien comprise. En cela, il n’a fait que répéter ce que, bien avant lui, les Pères de l’Église conseillaient. Ainsi, selon saint Basile, « lorsque le Saint-Esprit vit combien il était difficile de conduire les hommes à la vertu et combien de fois ils étaient, par leur naturel pour les plaisirs sensuels, détournés du droit chemin, que fit-il? Il mêla aux préceptes religieux la suavité de la mélodie pour que, par l’intermédiaire de l’oreille, nous acceptions, sans nous en douter, le contenu des paroles... »

Saint Jean Chrysostome conseille : « Apprends à chanter à tes enfants des psaumes pleins de sagesse. Si tu les leur rends familiers dès le premier âge, tu pourras, au bout de peu de temps, les conduire aussi vers les chose supérieures ».

Les cantiques et les hymnes, toujours selon les Pères, exercent une action élévatrice sur l’âme. Ainsi Diodore de Tarse cite le Cantique comme « éveillant dans l’âme un ardent désir pour le contenu du morceau chanté; il calme les passions suscitées par la chair; il éloigne les mauvaises pensées qui nous ont été suggérées par des ennemis invisibles; il inonde l’âme pour qu’elle féconde et rapporte divers bons fruits; il rend ceux qui combattent avec piété aptes à supporter les épreuves les plus terribles; il est pour toutes les personnes pieuses un remède contre les maux de la vie terrestres ». Saint Hilaire, de son côté, considère que les cantiques et les psaumes contiennent la doctrine et la science des bonnes oeuvres.

Nous voyons que les prémices du chant grégorien, selon les Pères, favorisent la foi. Celle-ci, comme la musique, passe par l’oreille, disent les théologiens.

Le Prologue de la Règle de saint Benoît commence par le conseil suivant : « Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître, et incline l’oreille de ton cœur. »

Saint Bernard considère que la Foi passe par l’oreille. Ainsi s’explique-t-il dans un de ses sermons commentant le Psaume 90 : « De fait, la Foi vient de ce qu’on entend (Rom. 10 : 17), non de ce qu’on voit. Elle constitue en outre la substance des réalités qu’on espère, la preuve de ce qui n’est pas apparent (Heb. 2 :1). Or dans la Foi comme dans l’Espérance, l’œil est défaillant : seule l’oreille est efficace. Le Seigneur m’a ouvert l’oreille, dit le Prophète (Isa. 50 : 5). » Dans un sermon sur la Pentecôte, il fait la remarque suivante : « Un serpent tortueux fut envoyé par le diable pour faire pénétrer son venin, par l’oreille de la femme, jusque dans son esprit et le faire répandre dans toute sa postérité dès l’origine (Gen. 3 :1). Mais sur ces entrefaites, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu pour prononcer dans l’oreille de la Vierge et susciter dans son sein et son esprit le Verbe du Père (Luc 1 : 26 sq.). Ainsi l’antidote suivrait le même chemin que le venin. »

Saint Jean de la Croix mentionne également la nécessité de l’écoute en citant saint Paul : « La foi vient de l’audition, et l’audition de la parole du Christ » (La montée du Carmel).

Dans tous les cas nous voyons que la parole passe par l’oreille. Encore faut-il ne pas se contenter d’entendre, mais d’écouter. Cette attitude d’écoute est favorisée par l’audition de la musique et encore plus par la pratique musicale, donc par une éducation bien comprise. L’éducateur doit commencer par faire comprendre à son élève, quel que soit son âge, que l’essentiel de toute pratique musicale passe par l’oreille, et qu’il est nécessaire, par conséquent, de se mettre dans un état d’écoute très différent de ce que l’on a l’habitude de concevoir par entendre.

Nous entendons les bruits environnants, les conversations, souvent sans y prêter une véritable attention. Écouter, c’est d’abord faire le silence en soi dans le but de recevoir un message sonore, attitude dynamique favorisée par une bonne tenue assise, le dos droit et non, comme le favorisent les fauteuils des salles de concert et de cinéma, en se laissant aller le dos rond, les jambes étendues, position non seulement négligée mais favorable au laisser-aller et au sommeil ! Une fois que l’on a compris la nécessité de cette attitude et de cet état d’écoute, la musique, véritable langage par la mélodie, l’harmonie des sons et le rythme, influe une vie profonde dans l’être, car étant vibration, elle le fait vibrer au sens propre du terme. Ainsi retrouve-t-on la pensée de saint Bernard : par l’oreille, l’homme peut entrer en communion avec le pire comme avec le meilleur. Comme tout langage, la musique peut nous conduire au bien, à Dieu même, comme au contraire, elle peut être l’agent des pires excès, tout au moins y aider puissamment, d’où notre devoir d’en connaître les éléments pour les utiliser pour notre bien personnel et le bien commun.

 

De l’utilité de l’éducation musicale

Après avoir considéré l’influence de la musique sur notre comportement, l’utilité de son apprentissage doit nous paraître évidente.

Apprendre à écouter est naturellement le fondement de l’éducation musicale. Quand la musique fait partie de la vie familiale, la future mère qui chante plonge son bébé dans le monde de sa voix. Il en reçoit les vibrations, il est bercé par le rythme respiratoire venant du chant. Plus tard, les berceuses, les comptines, les rondes, les chansons populaires font se développer son instinct musical sur lequel peut s’édifier l’apprentissage de la musique proprement dit. Insistons sur la nécessité de ce vécu naturel qui, tout en favorisant l’harmonie du développement humain, peut devenir un lien entre les membres d’une même famille. En effet, le chant en commun, la pratique d’instruments de musique divers permettent aux parents et enfants de faire de la musique ensemble, instants de vie communautaire pleins de plénitude et de joie, tellement plus riche que les heures passées devant la télévision ! Pourquoi ne pas conclure la prière par un cantique chanté d’abord à l’unisson, puis à plusieurs voix ?

Chaque composante de la musique, dans sa pratique, stimule notre activité. Ainsi le chant, dès le plus jeune âge, introduit le langage et apprend à maîtriser sa respiration. Le rythme, par son mouvement, stimule la motricité. Ainsi voyons-nous les avantages que le solfège, si souvent détesté, peut apporter. Une prise de conscience du mouvement sonore ascendant et descendant permet de mieux se situer dans l’espace. S’efforcer de chanter juste oblige à écouter et à maîtriser sa propre voix. Les durées des notes impliquent une attention au temps qui s’écoule; les rythmes frappés puis exécutés sur un instrument favorisent la rapidité des réflexes, ordonnant la motricité tout en lui donnant une finesse d’action qu’elle n’a pas dans la vie courante. La lecture des notes exige le sens de l’observation et développe celui de la logique, en raison de la succession des notes dans la gamme et des intervalles. Cela conduit à l’harmonie, superposition des notes formant des accords et leurs enchaînements qui font appel au raisonnement et à l’intelligence. Les fameuses « dictées musicales » demandent la prise de conscience du langage musical, son analyse, dont la transcription exige une certaine maîtrise de la sensibilité.

Le développement de la mémoire se fait par les chansons, qui permettent aussi de mieux intégrer la musique. Plus tard, les exécutions des grandes oeuvres, comme les sonates par exemple, exigent une mémoire analytique pour suivre la structure du morceau au cours de l’exécution.

L’apprentissage d’un instrument est dans le prolongement de ce qui précède. Il demande en plus l’attention sur la posture corporelle, fondée sur notre centre de gravité, le plexus solaire, quel que soit l’instrument. Les instruments à vent font appel à la respiration, au mouvement des lèvres, au geste relié au souffle, entre autres. Les instruments à cordes comme le violon demandent une activité complètement différente de la main droite et de celle de la main gauche. La première tient l’archet tandis que les doigts de la seconde agissent directement sur les cordes. Les instruments à clavier développent les facultés d’ordre par la disposition des doigts qui suivent l’ordonnance des notes, en montant et en descendant, mais dans un plan horizontal, ce qui cause certaines inversions chez les débutants.

Toute exécution instrumentale demande une grande maîtrise musculaire, une excellente latéralisation (facteur d’équilibre général), une grande dissociation dans les gestes, qui sont eux-mêmes dictés à la fois par la vue (la lecture des notes) et par l’audition. Cette connaissance et maîtrise de soi exigent une grande énergie, une non moins grande concentration de l’esprit jointe à une discipline journalière dans le travail pour arriver à un résultat satisfaisant. Mais quel est ce résultat? L’essentiel de tout art est la beauté, une beauté qui se révèle dans la qualité du son, du geste qui le produit avant de se manifester dans un morceau de musique si simple soit-il. Or nous savons que Dieu est la beauté même, aussi, à notre échelle si modeste soit-elle, en cultivant et en recherchant la beauté, la perfection dans une exécution musicale, nous pouvons « rejoindre » son essence divine. Faisons donc de la musique, non seulement pour le plaisir et notre formation, mais également pour mieux aimer et servir notre Créateur.

 

Faisons de la musique en famille

« La radio qui nous offre généreusement tant d’occasions d’écouter de la bonne musique, a malheureusement rendu plus rare la musique at home exécutée par les amateurs. Dans la familiarité du foyer, ceux-ci interprétaient régulièrement un soir par semaine des quatuors à corde ou des trios avec piano; ces exécutions établissaient entre les participants des rapports délicieusement fraternels. Chaque dimanche soir, trois pasteurs près d’Yverdon se réunissaient chez mon grand-père, pasteur violoniste, à Montagny, pour faire de la musique de chambre. A minuit ils se séparaient et marchaient pendant plusieurs heures dans la nuit noire pour regagner leur demeure. Aujourd’hui, le nombre des quatuors familiaux se compte sur les doigts; c’est grand dommage, car la musique que nous interprétons nous-mêmes répond plus directement que par son audition à nos besoins d’évasion du train-train habituel et du plongeon momentané dans l’idéal. Au concert, on écoute les exécutants; chez soi on a en outre le plaisir de s’écouter soi-même tout en écoutant ses partenaires. »

Ainsi s’exprimait le grand pédagogue suisse Émile Jacques Dalcroze (1865-1950) aux alentours de 1940. Tout en considérant les avantages de la radio et du disque, qui permettent de découvrir de plus en plus d’œuvres musicales, il ne craint pas d’en dénoncer à plusieurs reprises dans ses écrits les inconvénients : isolement de l’individu qui écoute, passivité, absence d’analyse qui fait absorber aussi bien le bon que le mauvais. Que dirait-il maintenant de la télévision et des cassettes ?

Nous vivons non seulement une crise de l’Église, mais aussi une crise de la société et donc de la vie familiale. Un juste emploi de la musique pourrait y remédier, non seulement par l’écoute de belles oeuvres (c’est déjà bien) et le refus de faire entrer dans nos maisons le poison « Rock » entre autres, mais surtout en redécouvrant la pratique musicale. Celle-ci peut être fondée sur notre patrimoine folklorique, chant et, pourquoi pas, certaines danses folkloriques.

L’expérience menée par la Hongrie lorsqu’elle était sous la coupe de l’U.R.S.S., il y a une trentaine d’années est particulièrement intéressante. Sous l’impulsion de Béla Bartok et grâce à ses recherches sur le patrimoine musical magyar, son disciple Kodaly avait créé toute une méthode d’enseignement musical pratiquée dans les écoles, conservatoires, de la maternelle au plus haut niveau, basée sur le Folklore national. La musique est devenue ainsi pour la Hongrie un moyen de conserver son identité nationale en pleine occupation russe. Bien entendu cette méthode n’est plus suivie à l’heure actuelle puisqu’elle s’oppose à l’uniformisation du Mondialisme.

Reprendre dans les écoles, dans les familles, notre Folklore serait un moyen de garder, si ce n’est retrouver dans bien des cas, notre identité nationale.

Mais, direz-vous, tout le monde n’est pas musicien. Allons donc! Sauf de rares exceptions, tout le monde peut chanter, souffler dans une flûte à bec, frapper sur un tambourin ou encore sur un xylophone. D’autre part, adultes et enfants peuvent s’initier à un instrument de musique. Notre expérience de professeur nous a montré combien la musique peut devenir un moyen de communication entre les membres d’une même famille. Lorsque frères et sœurs se mettent au piano pour jouer à quatre mains, les cassettes, téléviseurs et jeux électroniques sont bien oubliés. La musique en famille devient un moyen d’écoute mutuelle et crée un climat de joie et de détente. C’est le meilleur contrepoison à l’affluence d’informations sonores dont nous sommes envahis.

N’attendons pas, dans les familles catholiques, d’être à la Chapelle pour chanter des cantiques. Dans la liturgie, le chant grégorien a la priorité, mais sachons reprendre les cantiques à la maison; certains sont riches d’enseignements : saint Grignon de Montfort les utilisait dans ses missions. Chantons-les en famille, ils feront partie de la prière du soir et ainsi rayonnera la joie d’une famille chrétienne. Je chante faux, direz-vous ? Laissons la parole à un grand musicien, Robert Schuman : « Tâchez, même si vous n’avez pas une bonne voix, de chanter à première vue sans l’aide du piano; par ce moyen votre oreille se perfectionnera continuellement. Mais si vous possédez une bonne voix, n’hésitez pas un moment à la cultiver comme le plus beau don que le Ciel vous ait accordé ».

Le fonctionnement harmonieux – au sens propre du terme – des deux cerveaux droit et gauche maîtrisant le cerveau reptilien étant assuré, grâce à cette pratique musicale, l’équilibre de la vie familiale sera favorisé, et par voie de conséquence, celui de la Cité.

 

 

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