Harry
Potter
Et le problème du bien et du mal
Marian Therese Horvat,
Ph.D.
Traduit du
“Remnant”, 2539 Morrison Ave. St Paul, Minnesota 55117
L’un des plus grands
méfaits de l’engouement pour les livres de Harry Potter est, selon ce
qu’il m’apparaît, l’énorme confusion entre le bien et la mal que ces livres
ne manqueront pas de favoriser chez la jeunesse, particulièrement dans
l’ambiance de morale relative qui existe déjà. Les enfants non seulement
ont besoin d’absolus, mais ils les recherchent. Quand j’étais jeune, j’avais
dans mon esprit une vive image du diable, d’après les illustrations de
l’histoire de Wupsey dans le magazine « Catholic Treasure Box ».
Wupsey était l’ange gardien du petit Sunny à la mission de Mantuga. Le
diable était clairement méchant, dépeint qu’il était avec des taches rouges,
une queue fourchue, des touffes de poils en feu et un nuage de fumée sulphureuse
qui le talonnait comme son ombre. Avec plein de ruses, le démon était
toujours en train de comploter quelque mal contre Sunny ou de le tenter
par quelque fruit défendu, mais la puissance du bon ange triomphait toujours.
Par ce genre d’images,
le démon était un être bien réel pour moi, et même terrifiant. Ces images
m’inspiraient une crainte salutaire de tout ce qui est associé à Satan
et ses oeuvres – comme les sorciers, les magiciens, les sortilèges, les
charmes, etc... En même temps, j’avais la confiance solide que mon ange
guardien était beaucoup plus puissant et que, si je recourrais à lui durant
quelque frayeur nocturne, il triompherait toujours des ruses de Satan.
Vision simpliste, peut-être, mais une vision très saine.
C’est cette vision
innocente et bien fondée du monde qui fut menacée par l’apparition d’imaginaires
« bonnes » sorcières et de « bonne » magie – d’abord
Samantha, puis la populaire Sabrina, l’adolescente sorcière, et Buffy,
le terrasseur de Dragons. Il semblait possible, au moins dans l’esprit
de beaucoup de jeunes, même catholiques, d’être tout à la fois bon et
sorcier.
Et maintenant, pour
que la magie blanche ne soit pas accusée de favoriser le sexe faible,
nous avons Harry Potter, le héros de la série de best-seller composés
par l’auteur anglais Janet Rowling. Harry Potter, un orphelin de onze
ans élevé par des membres de sa famille qui le maltraitent, se trouve
à être par hasard un magicien. Entendez, un « bon » magicien.
Il est gentil, généreux, partage avec d’autres, et défend des justes causes,
selon ce que le site Internet officiel proclame. Il a bien quelques défauts
comme un langage grossier, et de l’insolence d’adolescent, mais rien de
trop fort assurément pour les enfants modernes de la rue. Fait plutôt
surprenant, même un magazine catholique « conservateur » comme
Crisis, édité par le Père John Neuhaus, a donné son sceau d’approbation
à la « révolution de lecture » que la série de Harry Potter
a apportée à la jeunesse. Un ministre de l’église anglicanne d’Angleterre
a ouvert un service familial spécial Harry Potter, avec des magiciens,
des chapeaux pointus et des manches à balais. C’est à croire qu’aujourd’hui
les enfants sont trop évolués pour confondre les symboles associés au
mal et ceux associés au bien : ils savent distinguer entre les « bons »
magiciens et les mauvais.
En réalité, selon
la doctrine catholique, de la bonne sorcellerie ou magie, cela n’existe
pas. Il n’y a pas d’autres bons esprits que les anges; il n’y a pas
d’autres mauvais esprits que les démons. Le prétexte populaire aujourd’hui
est qu’il s’agit de « magie blanche ». D’après les dictionnaires,
« magie blanche » consiste à neutraliser des sorts et à utiliser
les « puissances occultes, les puissances des ténèbres » pour
le bien, (contradiction s’il en est une), tandis que la « magie noire »
consiste à jeter des sorts dans un mauvais but, par méchanceté. Cette
conception est très répandue. En réalité cependant, la « magie blanche »
concerne toute sorte d’enchantements faits sans un appel direct
au démon, tandis que la « magie noire » implique une dépendance,
ou un appel explicite au démon. C’est facile à voir. Comme le dit clairement
le Père Gabriele Amorth dans son livre Un exorciste raconte, un
best-seller, il n’y a pas de différence essentielle entre magie « blanche »
et magie « noire ». Toute forme de sorcellerie implique un recours
à Satan, soit directement, explicitement, soit indirectement ou implicitement.
Dans les deux cas, il s’agit bien d’un recours au diable.
Une maxime bien connue
dit que quand la religion régresse, la superstition progresse. Nous sommes
témoins aujourd’hui d’une prolifération de l’occulte ‑ spiritisme
et sorcellerie ‑ et d’une explosion de l’intérêt parmi les jeunes
pour les dangereuses connections de l’occulte et pour le côté noir du
pouvoir des sorciers. Des documents sérieux montrent le lien qui existe
entre la musique rock et le satanisme, l’occulte (voyez le nouveau livre
de Michael Matt : Gods of Wasteland). Nous sommes témoins
de crimes horribles à couleur satanique commis par des adolescents parfois
pas plus âgés que 11 ans. En même temps beaucoup de gens, et même des
prêtres et des théologiens catholiques, minimisent non seulement l’influence
de Satan sur les affaires humaines, mais mettent en doute l’existence
même de Satan. Si Satan n’existe pas, alors bien sûr, il n’y a pas de
mal dans un peu de magie ou de sorcellerie. Mais le Père Amorth, l’un
des exorcistes catholiques les plus connus dans le monde, et qui sait
par expérience que le diable existe vraiment, nous dit : « Ces
théologiens modernes qui identifient Satan avec l’idée abstraite du Mal
sont complètement dans l’erreur ». « C’est vraiment une hérésie;
c’est-à-dire, cela contredit ouvertement la bible, les Pères de l’Eglise
et le Magistère de l’Eglise ». Et, ajoute-t-il, il est évident que
cette idée facilite grandement le travail des anges révoltés.
Cette attitude, qui
ne prend pas très au sérieux la sorcellerie, les charmes et les sorts,
imprègne tous les romans de Harry Potter. Mais le Père Amorth établit
clairement que dans ce domaine, même les choses apparemment les plus indifférentes
sont mauvaises. Il y a un attrait universel à posséder un pouvoir caché
sur les choses et les personnes, que ce soit la capacité de lier la langue
du professeur d’Anglais ou de concocter une potion d’amour. Mais ce qui
débute comme amusement et farçe peut aboutir à une réalité horrible. Le
Père Amorth note sérieusement que c’est par la sorcellerie que, de façon
la plus commune, une personne peut souffrir, même en étant innocente,
des puissances du Mal. La sorcellerie est aussi la cause la plus fréquente
des possessions diaboliques et des autres influences du Mal. Or la sorcellerie
est présentée dans les livres de Harry Potter avec légèreté et ingénuité.
Les parents qui croient que leurs enfants ne seront jamais tentés de tremper
dans les noirs artifices qui rendent les livres de Harry Potter si populaires
sont aussi naïfs que ces hommes d’Eglise qui refusent de croire à la sorcellerie.
Les malédictions
ou imprécations sont une autre réalité présentée dans les livres de Harry
Potter sans les distinctions que les catholiques ont toujours apprises.
Il y a, de fait, des malédictions qui sont saintes. Elles viennent de
Dieu, par exemple lorsqu’Il maudit le serpent dans le jardin du Paradis.
Mais il est clair que les malédictions qu’on trouve dans les livres de
Harry Potter ne sont pas de ce type. Dans le site Internet de Harry Potter,
on peut trouver une liste de sortilèges utilisés dans les livres, certains
paraissant assez indifférents : Alohomora – la formule pour
ouvrir les portes, ou Tarantallegra – la formule qui fait danser.
Mais il y a aussi le Avada Kedavra – la formule pour tuer (une
malédiction sans merci), et le Crucio! – pour faire souffrir. Ou
encore le Imperio – une imprécation pour le contrôle total. Ces
sortes de malédictions ont une définition simple chez les catholiques :
nuire au prochain par le biais d’une intervention démoniaque. L’Ecriture
interdit gravement ces pratiques (même pour une fin bonne, il faut le
préciser), parce qu’elles impliquent un rejet de Dieu et un recours (même
s’il n’est parfois que implicite) à Satan : « Qu’on ne trouve
parmi vous personne qui brûle son fils ou sa fille comme offrande, personne
qui pratique la divination, ou qui soit un augure, un sorcier, un charmeur,
un medium, un magicien ou un nécromancien. Car quiconque pratique ces
choses est en abomination au Seigneur. » (Deut. 18 :10-12) On
pourrait citer beaucoup d’autres versets. Ce que je crains c’est que les
jeunes lecteurs des aventures de Harry Potter ne se rendent pas compte
que ces imprécations invoquent le Mal (même implicitement); or l’origine
de ce Mal est satanique. De plus, le Père Amorth nous avertit que « lorsque
les imprécations sont formulées avec une vraie perfidie, et spécialement
s’il existe un lien de sang entre celui qui les lance et la victime, le
résultat peut être terrible ». Et il donne beaucoup d’exemples terrifiants.
Le mot maléfice –
dont le sens est analogue à sortilège – vient du latin male facere
– faire du mal. Des sortilèges peuvent être réalisés, par exemple, en
mélangeant quelque-chose dans le nourriture ou la boisson de la victime.
Ils sont réels, insiste le Père Amorth. Il a pratiqué beaucoup d’exorcismes
pour délivrer des gens de ces sortes de maléfices. Leur efficacité ne
vient pas tant de la substance comme telle qui est utilisée, que de la
volonté de nuire par l’entremise d’un pouvoir occulte (le démon). Or c’est
cette intervention du démon que les romans de Harry Potter ignorent si
abominablement. La magie y est présentée comme quelque-chose d’amusant,
un jeu. Les sortilèges sont « cool ». Des livres sont publiés
sur le sujet, comme : « Spells of Teenage Witches – Sortilèges
d’adolescents magiciens » qui est présenté par son auteur comme un
livre pour aider les jeunes. Un sorcier et officier de la « Pagan
Federation – la Fédération païenne » a écrit le livre « The
young Witches Handbook – le Manuel des jeunes sorciers », qui
comprend des sorts pour passer des examens scolaires ou pour attirer un
partenaire. Apparemment il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Personne ne
parle du fait que ce qui commence comme stupides sortilèges peut conduire
à des dommages spirituels et psychologiques, et même à l’obsession ou
la possession diabolique.
Ce qui est le plus
dangereux dans les romans de Harry Potter est justement ceci : ils
ne paraîssent pas dangereux. Harry Potter et ses amis jettent des sorts,
lisent dans des boules de cristal, et tout va bien. L’auteur semble savoir
que l’Eglise catholique a toujours condamné la sorcellerie et averti ses
enfants de fuir la magie, les charmes, les sortilèges, la sorcellerie,
les tables Ouija, etc, mais elle en traite d’une façon légère et triviale,
presque pour rire. Mais dans le climat actuel, rempli de sollicitations
à expérimenter l’occulte, c’est déjà trop que d’entrouvrir la porte même
d’un pouce au Prince des Ténèbres, « qui parcourt le monde pour la
perte des âmes ». Les livres qui dépeignent la sorcellerie et les
sortilèges comme un amusement sans danger sont trompeurs. Au mieux, ils
encouragent certainement les enfants à regarder la sorcellerie avec un
sourire tolérant propre au Nouvel-Âge. A mon avis, déjà cela est trop.
Il n’est pas permis
aux chrétiens de tremper dans la magie ou la sorcellerie, dit saint Thomas
d’Aquin : « L’homme n’a pas reçu de pouvoir sur les démons pour
les employer pour n’importe quel but. Au contraire, il est établi que
l’homme doive mener la guerre contre les démons. Il n’est donc d’aucune
façon licite pour lui de faire appel à l’aide du démon par des contacts,
soit tacites, soit explicites. » (II-II, Q96 art.3) Je trouve lamentable
que l’exorcisme a été enlevé du rite du baptême, et je trouve presque
criminel que la prière à saint Michel Archange, qui était récitée après
la messe, a été éliminée dans les messes du Nouvel Ordo. Et je pense qu’il
y aura beaucoup de mea culpas à faire par ces parents évolués qui jugent
des critiques comme celle-ci des livres de Harry Potter « trop sérieuses »,
alors même que l’auteur elle-même de ces livres les avertit que ses romans
vont devenir de plus en plus noirs et perturbants. Il est nécéssaire de
considérer que même les âmes innocentes des enfants, sous l’influence
de ce type de perversité, et sans le recours habituel à la foi et l’assistance
de la grâce, peuvent subir dans un futur plus ou moins lointain des sérieux
désordes et pratiquer des crimes horribles. Comme je considère les aventures
de Harry Potter, qui présentent la sorcellerie et toute forme de sortilèges
et divinations comme quelque-chose de normal, je me rappelle la condamnation
faite par le prophète Isaïe : « Malheur à ceux qui appellent
le mal bien, et le bien mal, qui prennent les ténèbres pour la lumière
et la lumière pour les ténèbres ». (5 :20) "
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