Chapitre
VI
Jésus-Christ, par Qui se Réalise le Retour
de l`Homme à Dieu
(1ère Partie)
Après
nous avoir entretenus au sujet de Dieu (Son existence,
Ses Perfections, Sa Vie Trinitaire), et de la Création
des Anges et du monde, le Fondateur de notre Fraternité
traite en ce sixième chapitre de l`Homme-Dieu.
Il nous montre les splendeurs qui constituent cet
être unique qu`est Notre-Seigneur. Quelles belles
lignes qui nous feront mieux connaître et aimer
notre doux Sauveur!
Le mystère
de Jésus-Christ est si profond, si extraordinaire,
qu'il semblerait plus naturel de l'adorer en silence que d'en
parler, car nous pouvons craindre à juste titre que
nos paroles, comme nos pensées, soient bien déficientes
pour exprimer toutes les richesses renfermées dans
ce sanctuaire ineffable qu'est Jésus-Christ.
Saint
Paul pense de même: "orantes simul et pro nobis
ut Deus aperiat nobis ostium sermonis ad loquendum mysterium
Christi... ut ma-nifestem illud ita ut oportet me loqui"
(Col. 4: 3) ("Priez aussi pour nous afin que Dieu nous
ouvre une porte pour la parole. en sorte que Je puisse annoncer
Ie mystère du Christ... et que je Le fasse connaître
en parlant comme Je Ie dois.")
Les descriptions
de saint Paul au sujet de Notre-Seigneur sont merveilleuses,
et nous incitent à faire de Jésus-Christ notre
vie - "mihi vivere Christus est" - et à
devenir toujours plus chrétien: "Qui est imago
Dei invisibilis, primogenitus omnis creaturae, quoniam in
Ipso condita sunt Universa in caelis et in terra visibilia
et invi-sibilia, sive Throni, sive Dominationes, sive Principatus,
sive Potestates. Omnia per Ipsum et in Ipso creata sunt. Ipse
est ante omnes et omnia in Ipso constant." (Col
1: 15 -17) ("C'est Lui qui est l'image du Dieu invisible,
Ie premierné de toute créature; car en Lui toutes
choses ont été créées dans Ie
ciel et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit
les trônes, soit les dominations, soit les principautés,
soit les puissances: tout a été créé
par Lui et pour Lui, et II est avant tous, et toutes choses
subsistent en Lui.").
Cette
présence de Dieu incarné dans l'histoire de
l'huma¬nité ne peut qu'être le centre de
cette histoire, comme son soleil, vers qui tout marche et
d'où tout vient. Et si l'on pense et croit que ce mystère
de l'Incarnation est pour Ie mystère de la Rédemption,
alors, il va de soi que sans Jésus-Christ, il n'y a
pas de salut possible. Tout acte, toute pensée qui
ne sont pas chrétiens sont sans valeur salvifique,
sans mérite pour le salut.
Pour
essayer de situer ce mys-tère, nous reproduirons la
belle page du R.P. Pègues dans son catéchisme
de saint Thomas d'Aquin, lorsqu'il aborde la tertia pars (3e
partie) de la Somme théologique qui nous met en
contact avec le mystère de Jésus-Christ ou la
Voie du retour de l'homme à Dieu: "Qu'entendez-vous
par le mystère de Jésus-Christ ou du Verbe fait
chair? - J'entends le fait, absolument incompréhensible
pour nous sur cette terre, de la seconde Personne de la Très
Sainte-Trinité, le Verbe ou le Fils unique de Dieu
qui, étant de toute éternité avec son
Père et l'Esprit saint, le même seul et unique
vrai Dieu, par qui toutes choses ont été créées
et qui les gouverne en souverain Maître, est venu dans
le temps, sur notre terre par son Incarnation dans le sein
de la Vierge Marie de laquelle Il est né, a vécu
notre vie mortelle, a évangélisé le peuple
juif de la Palestine auquel il était personnellement
envoyé par son Père, a été méconnu
par ce peuple, trahi et livré au Gouverneur romain
Ponce Pilate, condamné et mis à mort sur une
croix, a été enseveli, est descendu aux Enfers,
est ressuscité d'entre les morts le troisième
jour, est monté au Ciel quarante jours après,
est assis à la droite de Dieu le Père, d'où
Il gouverne son Église, établie par Lui sur
la terre, à laquelle Il a envoyé son Esprit,
qui est aussi l'Esprit du Père, sanctifiant cette Église
par les sacrements de sa grâce et la préparant
ainsi à sa seconde venue de la fin des temps, ou Il
jugera les vivants et les morts, ayant fait sortir ceux-ci
de leurs tombeaux pour établir la séparation
définitive des bons qu'Il prendra avec Lui dans le
Royaume de son Père - où Il leur assurera la
vie éternelle - d'avec les méchants qu'Il chassera,
maudits par Lui et condamnés au supplice du feu éternel".
Ce bref
aperçu dogmatique et historique du mystère de
l'In¬carnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous
éc1aire déjà quelque peu sur les dons
et privilèges du Dieu incarné, et sur les conséquences
qui découlent de cette Incarnation pour toute l'humanité,
pour tous les hommes pris individuellement qui sont tous concernés
profondément par la venue de Dieu parmi eux et dont
l'avenir pour l'éternité dépendra désormais
de leur relation avec Jésus-Christ, qu'ils en soient
conscients ou non, qu'ils le veuillent ou non.
Nous
ne méditerons jamais as-sez sur les richesses du trésor
qu'est Notre-Seigneur Jésus-Christ: "Si scires
donum Dei: Si tu connaissais le don de Dieu" dit Jésus
à la Samari¬taine. "Au milieu de vous, dit
Jean-Baptiste, Il y a quelqu'un que vous ne connaissez pas...
je ne suis pas digne de dé-nouer la courroie de sa
chaussure" (Jn 1: 26-27). Dieu le Père et le Saint-Esprit
se manifestent pour nous décou-vrir le mystère
de Jésus "et comme Il sortait de l'eau, Il vit
les cieux s'ouvrir et l'Esprit saint descendre sur Lui comme
une colombe. Et du Ciel une voix se fit entendre: Tu es mon
Fils bien aimé, en Toi J'ai mis mes complaisances."
(Mc. 1: 10-11). "J'ai vu l'Esprit descendre du Ciel comme
une colombe et Il s'est reposé sur Lui. Et moi je ne
Le connaissais pas, mais Celui qui m'a envoyé baptiser
dans l'eau m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre
et se reposer, c'est Lui qui baptise dans l'Esprit saint.
Et moi j'ai vu et j'ai rendu témoignage que celuilà
est le Fils de Dieu" (Jn 1: 32 ss).
Tout
confirmera dans la suite le jugement de Jean-Baptiste, de
même que, depuis l'annonce de l'Ange à Marie,
tous les événements Le concernant l'avaient
déjà manifesté. Jésus est bien
l'Emmanuel, Dieu parmi nous.
Si cet
homme est Dieu, quelle abondance de dons doit remplir son
âme et son corps! Cette prise en charge par Dieu Lui-même
de cette âme et de ce corps, confère à
cet homme des attributs, des droits, des dons, des privilèges
uniques et dépassant tout ce que l'on peut imaginer.
Essayons
d'approcher de ce sanctuaire divin pour mieux l'estimer et
l'adorer plus parfaitement et plus profondément et
nous consacrer avec un enthousiasme sans bornes à son
service. Comment ne pas nous sentir appelés comme les
apôtres qui ont immédiatement tout abandonné
pour Le suivre?
Trois
grâces particulières ornent l`âme et le
corps de Jésus dès sa conception dans le sein
de la Vierge Marie, et dès l'infusion de l'âme
dans le corps qui lui est préparé.
St
Jean Baptiste
1
- La première grâce, qui est aussi la
source des deux autres, est unique dans toute la Création.
Par sa décision éternelle d'unir à sa
personne une âme et un corps, Dieu Ie Verbe communiquait
à ces créatures d'une manière ineffable
et mystérieuse sa divinité même, dans
toute la mesure où ces créatures, par la Volonté
divine, étaient capables de la recevoir. C'est la grâce
dite de l'union hypostatique, qui confère à
cette âme et à ce corps une dignité divine.
Tous les actes de cette âme et de ce corps seront divins,
attribués à Dieu qui assume la responsabilité
de toute l'activité de cette âme et de ce corps.
Cette
grâce d'union confère par nature, et nécessairement,
à cette per-sonne vivant dans cette nature humaine,
des titres uniques: Médiateur, Sauveur, Prêtre
et Roi. Toute médiation, tout sacerdoce, toute royauté
parmi les créatures ne pourront être que des
participations à ces propriétés qui sont
les joyaux naturels et propres à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Comment
ne pas constater alors la sublimité de notre sacerdoce
qui est une participation à cette grâce d'union
propre à Notre-Seigneur. C'est en effet par son sacerdoce
que Notre-Seigneur exercera sa médiation, son rôle
de Sauveur, et l'acte essentiel de son sacerdoce sera son
sacrifice du Calvaire par lequel nous sont méritées
toutes les grâces du salut. La Croix apparaît
déjà par cette grâce d'union, comme le
signe de l'immolation de son corps divin et de l'oblation
de sa sainte âme à son Père, dans une
prière souve-rainement efficace.
Ce sera
l'essentie1 de son héritage légué à
l'Église: son sacrifice eucharistique et propitiatoire,
continué sur les autels par des élus qui participeront
à son unique sacerdoce.
Puissent
les séminaristes, les prêtres et les évêques,
trouver l'intelli-gence de leur sacerdoce dans ces quelques
vérités fondamentales sur la grâce d'union
en Notre-Seigneur, et estimer à sa juste valeur la
sublimité de l'héritage qui leur est légué,
qui doit être la source de leur sanctification et la
source de leur apostolat: l'acte du sacrifice. Ce1uici étant
l'acte constitutif du sacrement de l'Eucharistie, la vie du
Christ Prêtre et Victime, qui doit être leur vie
intérieure, est aussi celle de leur ministère:
donner Jésus aux âmes. (Cette union indissoluble
du sacrifice et du sacrement qu'a voulue dans sa Sagesse le
Verbe incarné, c'est précisément ce que
les protestants rejettent et ce que les novateurs de Vatican
II ont pratiquement fait disparaître par oecuménisme!)
2
- La grâce d'union confère à
l'âme et au corps de Notre-Seigneur une grâce
sanctifiante unique au monde également. Elle sera si
abondante qu'elle deviendra la source de toutes les grâces
sanctifiantes, qui ne sont autres que la communication de
l'Esprit saint, l'Esprit de charité de Notre-Seigneur
"de Quo nos omnes accepimus: duquel nous avons tous
recu." (Jn. 1: 16)
Cette
grâce sanctifiante produit dans l'âme et le corps
de Notre-Seigneur des effets merveilleux. Cette âme,
dès son existence, reçut la vision béatifique,
dont Notre-Seigneur a joui, dans son âme, tout au cours
de son existence, même sur la Croix; grand mystère,
certes, que cette âme inondée du bonheur le plus
parfait et abreuvée de douleur et de tristesse! C'est
pour-quoi Notre-Seigneur ayant dans son âme la vision
béatifique ne pouvait avoir que la vertu théologale
de charité, la foi et l'espérance disparaissant
dans la vision bienheureuse.
I1 est
difficile d'apprécier à sa juste valeur la profondeur
et la richesse de la charité de l'âme de Jésus.
Évidemment cette grâce créée, quoique
d'une perfection ineffable, ne peut se comparer avec la source
infmie de charité, d'ou elle provenait, qui n'est autre
que la Vie divine de Jésus dans le sein de la Trinité.
Cette grâce sanctifiante, unique dans sa richesse, combla
l'âme de Jésus, des vertus, des dons, des béa-titudes
et des fruits de l'Esprit saint.
3
- A cette grâce "gratum faciens",
source de la sainteté de l'âme et du corps de
Jésus, venaient encore s'ajou-ter toutes les grâces
"gratis datae" dont Jésus a joui
pour remplir son rôle unique, de Sauveur, de Sanctificateur,
de Glorificateur: grâces des guérisons, des miracles,
des prodiges, de la diversité des langues, de l'interprétation
des discours, et surtout de la prophétie, Jésus
étant Le Prophète par sa nature divine et humaine.
Après Jésus il n'y aura plus de prophète,
mais les apôtres, étant les instruments du Prophète,
constitueront par la Tradition et l'Écriture, le dépôt
de la foi, qui sera clos à la mort du dernier des apôtres.
Les successeurs des apôtres n'auront plus qu'à
transmettre fidèlement et exactement les vérités
contenues dans ce dépôt. À la période
prophétique succédera la période dogmatique,
durant laquelle les papes et les évêques auront
la charge de conserver et de transmettre le dépôt
sans altération "in eodem sensu et eadem sententia"
(«selon le même sens et la même
formulation») jusqu'à la fin des temps.
Ainsi apparaît comme capitale, la juste notion de Jésus
Prophète.
Le corps
de Jésus possédait aussi des dons merveilleux
de miracle, il aurait dû être glorieux, comme
fruit de la vision béatifique. C'est par un miracle
de plus que Jésus ne mani¬festa pas la gloire de
son Corps, sauf au jour de sa Transfiguration et de sa Résurrection.
Tout l'Évangile manifeste la puissance du corps de
Jésus. Même durant sa sépulture le corps
de Jésus incorrup-tible demeura uni au Verbe, qui lui
rendit son âme et le ressuscita.
La grâce
sanctifiante de Jésus est source si abondante et unique
de salut, qu'elle porte à juste titre un nom qui est
propre à Notre-Seigneur: "Gratia Capitis",
la grâce du chef ou de la tête, signifiant ainsi
à l'évidence que c'est à Jésus-Christ
seul ou au Fils de Dieu incarné que tout se rapporte
et que tout revient, en dernière analyse, dans l'action
salutaire ou dans l'action qui a trait au bien surnaturel.
"Non
est in alio aliquo salus"; i1 n'y a pas de salut en dehors
de Notre-Seigneur. C'est donc sur ce principe de la grâce
capitale de Notre-Seigneur que va se baser l'action de tous
ceux qui travaillent au salut des âmes. Tout ce qui
peut se faire sans aucune relation avec Notre-Seigneur, directe
ou indirecte, est vain et ne sert à rien pour le salut.
Ce sera
aussi un principe direc-teur de notre pastorale, nous efforçant
de tout surnaturaliser, par la prière, la charité,
évitant de faire rentrer dans nos activités
trop de participants qui manifesteraient leur opposition à
tout geste religieux et chrétien. - Autre chose est
d'accepter ceux qui ont de bonnes dis-positions mais sont
ignorants et peu-vent se convertir à Notre-Seigneur.
Tout dans le plan de Dieu étant ordon-né au
salut des âmes par Jésus-Christ, et par Lui seul,
nous encouragerons dans tous les domaines, social, politique,
économique, familial, ceux qui s'efforcent de rattacher
leur action à la Loi de Notre-Seigneur, naturelle et
surnaturelle. Car Notre-Seigneur domine tout; sa Loi doit
être celIe de tou-tes les nations et de tous les hommes
sans exception.