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Avril - Juin 2004, No. 19
 
Itinéraire Spirituel
Par S.E. Mgr Marcel Lefebvre

Chapitre VI
Jésus-Christ, par Qui se Réalise le Retour de l`Homme à Dieu
(1ère Partie)

Après nous avoir entretenus au sujet de Dieu (Son existence, Ses Perfections, Sa Vie Trinitaire), et de la Création des Anges et du monde, le Fondateur de notre Fraternité traite en ce sixième chapitre de l`Homme-Dieu. Il nous montre les splendeurs qui constituent cet être unique qu`est Notre-Seigneur. Quelles belles lignes qui nous feront mieux connaître et aimer notre doux Sauveur!

 
Mgr Marcel Lefebvre

Le mystère de Jésus-Christ est si profond, si extraordinaire, qu'il semblerait plus naturel de l'adorer en silence que d'en parler, car nous pouvons craindre à juste titre que nos paroles, comme nos pensées, soient bien déficientes pour exprimer toutes les richesses renfermées dans ce sanctuaire ineffable qu'est Jésus-Christ.

Saint Paul pense de même: "orantes simul et pro nobis ut Deus aperiat nobis ostium sermonis ad loquendum mysterium Christi... ut ma-nifestem illud ita ut oportet me loqui" (Col. 4: 3) ("Priez aussi pour nous afin que Dieu nous ouvre une porte pour la parole. en sorte que Je puisse annoncer Ie mystère du Christ... et que je Le fasse connaître en parlant comme Je Ie dois.")

Les descriptions de saint Paul au sujet de Notre-Seigneur sont merveilleuses, et nous incitent à faire de Jésus-Christ notre vie - "mihi vivere Christus est" - et à devenir toujours plus chrétien: "Qui est imago Dei invisibilis, primogenitus omnis creaturae, quoniam in Ipso condita sunt Universa in caelis et in terra visibilia et invi-sibilia, sive Throni, sive Dominationes, sive Principatus, sive Potestates. Omnia per Ipsum et in Ipso creata sunt. Ipse est ante omnes et omnia in Ipso constant." (Col 1: 15 -17) ("C'est Lui qui est l'image du Dieu invisible, Ie premierné de toute créature; car en Lui toutes choses ont été créées dans Ie ciel et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances: tout a été créé par Lui et pour Lui, et II est avant tous, et toutes choses subsistent en Lui.").

Cette présence de Dieu incarné dans l'histoire de l'huma¬nité ne peut qu'être le centre de cette histoire, comme son soleil, vers qui tout marche et d'où tout vient. Et si l'on pense et croit que ce mystère de l'Incarnation est pour Ie mystère de la Rédemption, alors, il va de soi que sans Jésus-Christ, il n'y a pas de salut possible. Tout acte, toute pensée qui ne sont pas chrétiens sont sans valeur salvifique, sans mérite pour le salut.

Behold the Man  

Pour essayer de situer ce mys-tère, nous reproduirons la belle page du R.P. Pègues dans son catéchisme de saint Thomas d'Aquin, lorsqu'il aborde la tertia pars (3e partie) de la Somme théologique qui nous met en contact avec le mystère de Jésus-Christ ou la Voie du retour de l'homme à Dieu: "Qu'entendez-vous par le mystère de Jésus-Christ ou du Verbe fait chair? - J'entends le fait, absolument incompréhensible pour nous sur cette terre, de la seconde Personne de la Très Sainte-Trinité, le Verbe ou le Fils unique de Dieu qui, étant de toute éternité avec son Père et l'Esprit saint, le même seul et unique vrai Dieu, par qui toutes choses ont été créées et qui les gouverne en souverain Maître, est venu dans le temps, sur notre terre par son Incarnation dans le sein de la Vierge Marie de laquelle Il est né, a vécu notre vie mortelle, a évangélisé le peuple juif de la Palestine auquel il était personnellement envoyé par son Père, a été méconnu par ce peuple, trahi et livré au Gouverneur romain Ponce Pilate, condamné et mis à mort sur une croix, a été enseveli, est descendu aux Enfers, est ressuscité d'entre les morts le troisième jour, est monté au Ciel quarante jours après, est assis à la droite de Dieu le Père, d'où Il gouverne son Église, établie par Lui sur la terre, à laquelle Il a envoyé son Esprit, qui est aussi l'Esprit du Père, sanctifiant cette Église par les sacrements de sa grâce et la préparant ainsi à sa seconde venue de la fin des temps, ou Il jugera les vivants et les morts, ayant fait sortir ceux-ci de leurs tombeaux pour établir la séparation définitive des bons qu'Il prendra avec Lui dans le Royaume de son Père - où Il leur assurera la vie éternelle - d'avec les méchants qu'Il chassera, maudits par Lui et condamnés au supplice du feu éternel".

Ce bref aperçu dogmatique et historique du mystère de l'In¬carnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous éc1aire déjà quelque peu sur les dons et privilèges du Dieu incarné, et sur les conséquences qui découlent de cette Incarnation pour toute l'humanité, pour tous les hommes pris individuellement qui sont tous concernés profondément par la venue de Dieu parmi eux et dont l'avenir pour l'éternité dépendra désormais de leur relation avec Jésus-Christ, qu'ils en soient conscients ou non, qu'ils le veuillent ou non.

Nous ne méditerons jamais as-sez sur les richesses du trésor qu'est Notre-Seigneur Jésus-Christ: "Si scires donum Dei: Si tu connaissais le don de Dieu" dit Jésus à la Samari¬taine. "Au milieu de vous, dit Jean-Baptiste, Il y a quelqu'un que vous ne connaissez pas... je ne suis pas digne de dé-nouer la courroie de sa chaussure" (Jn 1: 26-27). Dieu le Père et le Saint-Esprit se manifestent pour nous décou-vrir le mystère de Jésus "et comme Il sortait de l'eau, Il vit les cieux s'ouvrir et l'Esprit saint descendre sur Lui comme une colombe. Et du Ciel une voix se fit entendre: Tu es mon Fils bien aimé, en Toi J'ai mis mes complaisances." (Mc. 1: 10-11). "J'ai vu l'Esprit descendre du Ciel comme une colombe et Il s'est reposé sur Lui. Et moi je ne Le connaissais pas, mais Celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et se reposer, c'est Lui qui baptise dans l'Esprit saint. Et moi j'ai vu et j'ai rendu témoignage que celuilà est le Fils de Dieu" (Jn 1: 32 ss).

Tout confirmera dans la suite le jugement de Jean-Baptiste, de même que, depuis l'annonce de l'Ange à Marie, tous les événements Le concernant l'avaient déjà manifesté. Jésus est bien l'Emmanuel, Dieu parmi nous.

Si cet homme est Dieu, quelle abondance de dons doit remplir son âme et son corps! Cette prise en charge par Dieu Lui-même de cette âme et de ce corps, confère à cet homme des attributs, des droits, des dons, des privilèges uniques et dépassant tout ce que l'on peut imaginer.

Essayons d'approcher de ce sanctuaire divin pour mieux l'estimer et l'adorer plus parfaitement et plus profondément et nous consacrer avec un enthousiasme sans bornes à son service. Comment ne pas nous sentir appelés comme les apôtres qui ont immédiatement tout abandonné pour Le suivre?

Trois grâces particulières ornent l`âme et le corps de Jésus dès sa conception dans le sein de la Vierge Marie, et dès l'infusion de l'âme dans le corps qui lui est préparé.

St Jean Baptiste  
St Jean Baptiste

 

1 - La première grâce, qui est aussi la source des deux autres, est unique dans toute la Création. Par sa décision éternelle d'unir à sa personne une âme et un corps, Dieu Ie Verbe communiquait à ces créatures d'une manière ineffable et mystérieuse sa divinité même, dans toute la mesure où ces créatures, par la Volonté divine, étaient capables de la recevoir. C'est la grâce dite de l'union hypostatique, qui confère à cette âme et à ce corps une dignité divine. Tous les actes de cette âme et de ce corps seront divins, attribués à Dieu qui assume la responsabilité de toute l'activité de cette âme et de ce corps.

Cette grâce d'union confère par nature, et nécessairement, à cette per-sonne vivant dans cette nature humaine, des titres uniques: Médiateur, Sauveur, Prêtre et Roi. Toute médiation, tout sacerdoce, toute royauté parmi les créatures ne pourront être que des participations à ces propriétés qui sont les joyaux naturels et propres à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Comment ne pas constater alors la sublimité de notre sacerdoce qui est une participation à cette grâce d'union propre à Notre-Seigneur. C'est en effet par son sacerdoce que Notre-Seigneur exercera sa médiation, son rôle de Sauveur, et l'acte essentiel de son sacerdoce sera son sacrifice du Calvaire par lequel nous sont méritées toutes les grâces du salut. La Croix apparaît déjà par cette grâce d'union, comme le signe de l'immolation de son corps divin et de l'oblation de sa sainte âme à son Père, dans une prière souve-rainement efficace.

Ce sera l'essentie1 de son héritage légué à l'Église: son sacrifice eucharistique et propitiatoire, continué sur les autels par des élus qui participeront à son unique sacerdoce.

Puissent les séminaristes, les prêtres et les évêques, trouver l'intelli-gence de leur sacerdoce dans ces quelques vérités fondamentales sur la grâce d'union en Notre-Seigneur, et estimer à sa juste valeur la sublimité de l'héritage qui leur est légué, qui doit être la source de leur sanctification et la source de leur apostolat: l'acte du sacrifice. Ce1uici étant l'acte constitutif du sacrement de l'Eucharistie, la vie du Christ Prêtre et Victime, qui doit être leur vie intérieure, est aussi celle de leur ministère: donner Jésus aux âmes. (Cette union indissoluble du sacrifice et du sacrement qu'a voulue dans sa Sagesse le Verbe incarné, c'est précisément ce que les protestants rejettent et ce que les novateurs de Vatican II ont pratiquement fait disparaître par oecuménisme!)

2 - La grâce d'union confère à l'âme et au corps de Notre-Seigneur une grâce sanctifiante unique au monde également. Elle sera si abondante qu'elle deviendra la source de toutes les grâces sanctifiantes, qui ne sont autres que la communication de l'Esprit saint, l'Esprit de charité de Notre-Seigneur "de Quo nos omnes accepimus: duquel nous avons tous recu." (Jn. 1: 16)

Cette grâce sanctifiante produit dans l'âme et le corps de Notre-Seigneur des effets merveilleux. Cette âme, dès son existence, reçut la vision béatifique, dont Notre-Seigneur a joui, dans son âme, tout au cours de son existence, même sur la Croix; grand mystère, certes, que cette âme inondée du bonheur le plus parfait et abreuvée de douleur et de tristesse! C'est pour-quoi Notre-Seigneur ayant dans son âme la vision béatifique ne pouvait avoir que la vertu théologale de charité, la foi et l'espérance disparaissant dans la vision bienheureuse.

I1 est difficile d'apprécier à sa juste valeur la profondeur et la richesse de la charité de l'âme de Jésus. Évidemment cette grâce créée, quoique d'une perfection ineffable, ne peut se comparer avec la source infmie de charité, d'ou elle provenait, qui n'est autre que la Vie divine de Jésus dans le sein de la Trinité. Cette grâce sanctifiante, unique dans sa richesse, combla l'âme de Jésus, des vertus, des dons, des béa-titudes et des fruits de l'Esprit saint.

3 - A cette grâce "gratum faciens", source de la sainteté de l'âme et du corps de Jésus, venaient encore s'ajou-ter toutes les grâces "gratis datae" dont Jésus a joui pour remplir son rôle unique, de Sauveur, de Sanctificateur, de Glorificateur: grâces des guérisons, des miracles, des prodiges, de la diversité des langues, de l'interprétation des discours, et surtout de la prophétie, Jésus étant Le Prophète par sa nature divine et humaine. Après Jésus il n'y aura plus de prophète, mais les apôtres, étant les instruments du Prophète, constitueront par la Tradition et l'Écriture, le dépôt de la foi, qui sera clos à la mort du dernier des apôtres. Les successeurs des apôtres n'auront plus qu'à transmettre fidèlement et exactement les vérités contenues dans ce dépôt. À la période prophétique succédera la période dogmatique, durant laquelle les papes et les évêques auront la charge de conserver et de transmettre le dépôt sans altération "in eodem sensu et eadem sententia" («selon le même sens et la même formulation») jusqu'à la fin des temps. Ainsi apparaît comme capitale, la juste notion de Jésus Prophète.

Le corps de Jésus possédait aussi des dons merveilleux de miracle, il aurait dû être glorieux, comme fruit de la vision béatifique. C'est par un miracle de plus que Jésus ne mani¬festa pas la gloire de son Corps, sauf au jour de sa Transfiguration et de sa Résurrection. Tout l'Évangile manifeste la puissance du corps de Jésus. Même durant sa sépulture le corps de Jésus incorrup-tible demeura uni au Verbe, qui lui rendit son âme et le ressuscita.

La grâce sanctifiante de Jésus est source si abondante et unique de salut, qu'elle porte à juste titre un nom qui est propre à Notre-Seigneur: "Gratia Capitis", la grâce du chef ou de la tête, signifiant ainsi à l'évidence que c'est à Jésus-Christ seul ou au Fils de Dieu incarné que tout se rapporte et que tout revient, en dernière analyse, dans l'action salutaire ou dans l'action qui a trait au bien surnaturel.

"Non est in alio aliquo salus"; i1 n'y a pas de salut en dehors de Notre-Seigneur. C'est donc sur ce principe de la grâce capitale de Notre-Seigneur que va se baser l'action de tous ceux qui travaillent au salut des âmes. Tout ce qui peut se faire sans aucune relation avec Notre-Seigneur, directe ou indirecte, est vain et ne sert à rien pour le salut.

Ce sera aussi un principe direc-teur de notre pastorale, nous efforçant de tout surnaturaliser, par la prière, la charité, évitant de faire rentrer dans nos activités trop de participants qui manifesteraient leur opposition à tout geste religieux et chrétien. - Autre chose est d'accepter ceux qui ont de bonnes dis-positions mais sont ignorants et peu-vent se convertir à Notre-Seigneur. Tout dans le plan de Dieu étant ordon-né au salut des âmes par Jésus-Christ, et par Lui seul, nous encouragerons dans tous les domaines, social, politique, économique, familial, ceux qui s'efforcent de rattacher leur action à la Loi de Notre-Seigneur, naturelle et surnaturelle. Car Notre-Seigneur domine tout; sa Loi doit être celIe de tou-tes les nations et de tous les hommes sans exception.

(À suivre)

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