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Avril - Juin 2006, No. 4
 

Les Vrais Vivants, Les Saints
«Et je vis, mais ce n`est plus moi qui vit, c`est le Christ qui vit en moi.» (Gal. 2 :20)

APÔTRE DE LA CHARITÉ
St Martin de Porrès
(1579-1639)

Par M. Roger Zielke

Chers lecteurs:

Roger Zielke

 

Martin avait une grande charité envers amis et ennemis, et son amour pour les animaux était semblable à celui qu'avait St François d'Assise. La race, la couleur, ou le credo ne comptaient pas pour notre saint; sa première pensée était d'aider les autres de son mieux; que ce soit en leur donnant de l'argent, ou de la nourriture; en pansant leurs plaies, ou en leur donnant de bons conseils spirituels ou d'ordre pratique, il ne laissait jamais un acte de charité inachevé. Depuis son enfance Martin apprit à être humble. Et au monastère, il continua de s'humilier, prenant toujours la dernière place, et ne se défendant jamais. À une époque où tout le monde connaissait sa sainteté et où les ecclésiastiques et laïcs les plus éminents quémandaient ses avis, un confrère Religieux lui demanda: "Frère Martin, ne serait-il pas mieux pour vous de demeurer dans la maison de Son Excellence, l'Archevêque de Mexico, au lieu de demeurer ici à nettoyer les toilettes du Monastère?" Sans hésitation aucune, Martin répondit, selon les mots du Roi David: "J'ai choisi d'être abject dans la maison de mon Dieu" (Psaume 83; 11).


Les Premières Années

  Map of Peru
 
Peru

Martin est né le 9 décembre 1579 à Lima, au Pérou, en Amérique du Sud. À cette époque les Espagnols avaient conquis plusieurs parties de ce continent et plusieurs d'entre eux se révélaient des maîtres de cruauté, laissant plusieurs amérindiens pauvres et misérables. Il est étonnant que la Foi Catholique ait été reçue par ces pauvres gens, alors qu'ils furent si méchamment traités. Malgré que Dieu lui-même soit intervenu par des prêtres, des saints, et même des tremblements de terre pour les amener à se convertir, plusieurs Espagnols persistèrent dans leur avarice et manque de charité. Notre saint est né enfant illégitime de Jean de Porrès, noble Espagnol et Chevalier de l'Ordre d'Alcantara, et d'Anne Vélasquez, une esclave noire libérée. Au début Jean de Porrès fut vivement ennuyé de ce que le petit Martin soit noir comme sa mère, et non bronzé comme les Espagnols. Mais il se repentit bientôt, et il reconnut légalement l'enfant pour sien, ainsi qu'une soeur née deux ans après lui. Alors que Jean, avec qui elle s'était finalement mariée, devait s'absenter pour de longues périodes, ayant en effet été nommé à un poste important dans un autre pays, Anna faisait de son mieux pour s'occuper de ses deux petits. Elle devait parfois multiplier les petits emplois, afin de subvenir aux nécessités de la petite famille. Souvent elle envoyait le petit Martin au marché, et celui-ce revenait à la maison avec un panier vide, et sans argent non plus! Il y avait tellement de pauvres à Lima que Martin ne pouvait s'empêcher de leur faire l'aumône, même s'il savait que c'était avec l'argent de sa mère, et que celle-ci lui ferait de graves remontrances à son retour à la maison. Durant une de ses visites à Lima, Jean prit ses deux enfants, Martin (huit ans) et Joanne (six ans), et il s'en retourna à Guayaquil, en Équateur. Il voulait en prendre soin et les éduquer comme un vrai père. Mais au bout de quatre ans Jean fut nommé au Panama. Il laissa alors Joanne chez son grand-oncle de Guayaquil, et il emmena Martin à Lima pour y vivre avec sa mère. Il remit à cette dernière des fonds suffisants pour lui permettre de bien vivre et de fournir une bonne éducation au jeune garçon. Alors âgé de douze ans, celui-ci décida d'apprendre le métier de barbier, et devint apprenti d'un dénommé Marcel de Rivero. Il faut savoir qu'à cette époque les barbiers ne faisaient pas que couper les cheveux ou raser la barbe des clients, mais ils soignaient aussi les blessures et les fractures, ils pratiquaient des saignées, et prescrivaient des remèdes pour les maladies courantes. Étant intelligent, Martin devint rapidement maître dans son art. Souvent Marcel laissait à notre jeune ami le soin de panser les plaies des malades se présentant à la boutique. Lors d'une de ces occasions, un Indien qui avait été sévèrement battu lors d'une bagarre fut amené chez Marcel de Rivero. Notre jeune saint nettoya donc et pansa les blessures de ce pauvre homme, et au bout de quelques jours celui-ci redevint frais et dispos, et suffisamment fort pour reprendre son travail. Cet incident et d'autres du même genre furent bientôt connus, et les gens commencèrent alors à préférer se faire soigner par Martin. Grâce à ses gains de barbier, notre ami aurait pu vivre confortablement avec sa mère et s'enrichir assez vite. Mais telle n'était pas son ambition. Maintenant qu'il en avait les moyens, Martin aimait encore plus les pauvres, et il voulait les aider davantage. Lorsque notre ami refusait d'être payé pour ses services, sa mère ne le grondait pas, car elle n'était pas frivole, et se contentait de ce que son mari lui avait donné pour l'entretien de son petit ménage.


Chez les Dominicains

St. Martin  
St. Martin

 

Martin travaillait fort. Il se levait à l'aube, et s'arrêtait en chemin à l'église St Lazare, où il servait autant de Messes que le temps lui permettait. Puis, après avoir servi les pauvres et les affligés qui s'étaient présentés à la boutique, il s'enfermait dans sa chambre pour lire et prier. Il demeurait alors à genoux, immobile, son visage ruisselant de larmes, ses bras étendus en forme de croix, et ses yeux fixés sur le crucifix. Une telle spiritualité ne pouvait faire autrement que de produire de bons fruits et, à l'âge de 16 ans le jeune Martin entra dans l'Ordre des Dominicains. Il était assoiffé de sainteté. Le Christ lui avait tout donné, et il voulait tout donner au Christ. Quittant son emploi de barbier et sa pauvre mère, il demanda à être admis à la plus humble position qu'il y avait au Monastère du Saint Rosaire, celui de membre du Tiers Ordre, ou "donado" ("donné"). Ces membres se dévouent au service du Monastère; ils y vivent sous l'habit dominicain, y recevant ce qui est nécessaire à leur subsistance. Ils se voient confier les tâches les plus pénibles, et prennent rang sous les simples Frères. Le jour où il reçut le saint habit, Martin considéra que cela avait plus de valeur que sa liberté, son métier, et son apostolat dans le monde. Il se dévoua donc aux travaux les plus humbles; il balaya les cloîtres et les corridors, il nettoya les toilettes. Et à cause de son expérience dans le monde, on lui confia aussi le poste de barbier du Monastère.

Un jour que Martin apprit que son Prieur s'en était allé au marché pour y vendre des biens du Monastère afin de payer des dettes et fournir de la nourriture à la communauté, il se mit à courir après lui dans les rues de Lima, le rattrapa, et le supplia en ces termes: "Ne vendez pas ces objets que vous portez, mais vendez-moi, puisque le Monastère gaspille ses fonds à me garder moi, un pauvre idiot et un mulâtre; un marchant pourrait payer un bon montant pour moi, car je suis fort et je peux bien travailler. Et ce sera pour moi une grande bénédiction de trouver enfin quelqu'un qui me traitera comme je le mérite." Le Prieur fut d'abord confus; mais quand il comprit la proposition de Martin, ses yeux se remplirent de larmes et il répondit: "Retournez au monastère, mon Frère, vous n'êtes pas à vendre!"

Cloisters at old Monastery
Le cloître du vieux monastère


Un Infirmier Patient… Et Efficace!

Avec le temps les Supérieurs de Martin reconnurent ses habiletés médicales, et ils lui confièrent le soin des malades à l'infirmerie. Voyant le Christ en toutes les âmes affligées, le saint Frère servait les malades avec un dévouement total, voyant à tous leurs besoins, même les plus répugnants. Souvent, il les servait même à genoux, "avec le coeur enflammé d'un Séraphin" dira un témoin. Il s'agissait là de la position qu'il préférait, surtout vis-à-vis des prêtres. Il ne s'asseyait jamais en leur présence, et il leur baisait les pieds, car il reconnaissait en eux les prédicateurs de l'Évangile. Prendre soin des malades n'était pas toujours une tâche facile. Quand ceux-ci récompensaient son dévouement par des impatiences et des mots durs, Martin prenait tout cela en bonne part. Il savait combien la souffrance peut rendre les gens impatients et de mauvais poil. Il se réjouissait même d'être la cible de ces sautes d'humeur, et il sentait qu'il devait même être reconnaissant envers ceux qui le rebutaient ou l'insultaient. D'un patient qu'il l'avait traité rudement il disait: "Je dois prendre un meilleur soin de celui-ci, car il me connaît mieux que les autres." L'humilité de Martin résistait autant aux louanges qu'aux insultes, et il réagissait à celles venant de ses égaux ou inférieurs de la même façon qu'il le faisait quand elles lui venaient de ses Supérieurs.

Selon les circonstances, notre jeune saint se servait d'herbes ou de ses talents médicaux pour effectuer des guérisons, même quand les herbes n'étaient pas nécessaires: Notre ami avait en effet le don de thaumaturgie... Le frère Ferdinand était aux portes de la mort, et les médecins avaient abandonné tout espoir. Le pauvre homme avait de la difficulté à respirer et souffrait terriblement de la poitrine. Une nuit Martin vint sur les lieux, enroula un bandage autour de la poitrine du Fr. Ferdinand, déposant des feuilles de trèfles sous les plis du pansement. Le frère dormit bien cette nuit-là, et le lendemain se trouva complètement guéri, et en mesure de vaquer à ses travaux coutumiers! Le Père Christophe avait quant à lui une sévère rage de dents, et se remit aux soins d'un frère pour se faire arracher la dent pourrie. Or le frère fit un travail de boucher, arrachant la racine de la dent et une partie de la gencive, si bien que le pauvre prêtre souffrit d'une hémorragie, et de douleurs intenses durant une semaine, ne pouvant ni s'alimenter ni dormir. Il commença à désespérer de guérir. Martin vint le visiter et lui tapa doucement sur la joue. Il déposa ensuite du fil à coudre au sein de la cavité dentaire. L'hémorragie arrêta sur le coup, et les souffrances cessèrent. Mais à une heure le lendemain matin, les douleurs reprirent de plus belle. Martin se trouvait au choeur, en prière. Il apparut néanmoins près du prêtre, retira le fil de la cavité, et tapa gentiment sur sa joue. Cette fois le malade fut guéri pour de bon. Un des plus grands miracles qu'opéra notre ami fut auprès du vieux Frère Thomas, qui se mourait dans sa cellule, sous la garde d'un Frère. Celui-ci quitta les lieux pour un court moment, et quand il y revint, le Frère Thomas était mort! On appela Martin et il se mit en prière devant un crucifix, aux pieds du mort, lequel était alors proprement "refroidi". Il fut soudainement inspiré de crier: "Frère Thomas!" dans l'oreille du mort. Celui-ci répondit par un faible soupir. Martin recommença, avec le même résultat. A la troisième reprise, le vieux Frère reprit des couleurs et revint à la vie!


La Prière Et La Pénitence

Martin était un homme de prière. Il avait acquis cet art dès sa jeunesse, mais après son entrée au Monastère, sa vie entière devint une prière. En toutes ses occupations, qu'il soit en train de balayer les planchers, de soigner les malades, de secourir les pauvres, ses pensées demeuraient fixées en Dieu. Et lorsqu'il se déplaçait au cours de ses travaux, il ne manquait pas de s'incliner devant les images des saints ou même de s'agenouiller devant une statue pour une courte mais fervente prière. Et il ne faut pas oublier la chapelle que Martin aimait le plus: celle dédiée à Notre Dame du Rosaire. Il s'y rendait souvent pour dire à la Vierge son ardent désir d'aimer Son divin Fils, et pour lui présenter toutes ses difficultés. Là, à chaque soir il suppliait Marie: "Veillez sur moi, et ne permettez pas que je tombe dans le péché." En signe d'amour envers Notre Dame il allait tous les matins au lever du soleil dans le clocher pour y sonner l'Angélus, et il continua ce pieux devoir jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent à la fin de sa vie. Marie lui enseigna la sagesse, et elle l'aida même physiquement, comme lorsqu'un certain soir, alors qu'il avait prolongé sa prière mariale et se pressait pour aller rejoindre la communauté au choeur, elle lui envoya deux anges vêtus de robes blanches et portant des cierges allumés, afin d'empêcher le Frère Martin de se heurter à des obstacles dans le noir. Martin aimait aussi beaucoup la chapelle susdite en raison du Saint Sacrement qui y était réservé. Il y avait découvert un recoin idéal pour pouvoir adorer son Jésus sans être vu. Il s'agissait d'un espace sous le toit de la chapelle. Il pouvait y grimper et se glisser jusqu'au dessus du tabernacle. Il pouvait rester là durant des heures, et on l'y aperçu un jour flottant dans les airs, dans la posture de l'adoration! De plus, à chaque fois que Martin longeait le cloître supérieur et passait devant une fenêtre donnant sur l'intérieur de la chapelle, il s'arrêtait et s'agenouillait quelques instants pour adorer le bon Dieu.

  St. Martin
 
St Martin soignant
les malades

St Martin de Porrès aimait la Sainte Messe, la Fête-Dieu, le troisième dimanche du mois, et tous les jeudis. Quand le Saint Sacrement était exposé durant ces journées dédiées à l'Eucharistie, il se tenait immobile pendant des heures, tel une statue figée en adoration. En ce temps-là les religieux ne recevaient la sainte Communion qu'aux grandes fêtes de Jésus et de Marie, et le dimanche. Martin reçut en outre la permission de communier les jeudis. Lorsqu'il s'approchait pour recevoir son Seigneur, sa face était comme un charbon allumé. Après la Messe il allait se cacher dans la salle du Chapitre, et il passait un long temps à converser avec son Rédempteur. La nuit était par ailleurs la période que Martin préférait pour s'adonner à la prière. Il y dormait peu, se contentant de prendre de brèves siestes durant le jour, lorsqu'il attendait des visiteurs. Il choisissait souvent la salle du Chapitre pour faire ses dévotions. Il arriva plus d'une fois que des confrères le surprirent en pleine lévitation dans la chapelle, élevé à la hauteur du grand crucifix d'autel. Il avait alors les bras étendus et posait ses mains sur les mains clouées de Jésus! Ses progrès dans la vie de prière étaient en grande partie dus à sa grande mortification. Imitant Saint Dominique, le Fondateur des Dominicains, notre ami se donnait la discipline sur le dos trois fois par soir. Avant Minuit, pour s'unir aux souffrances endurées par Notre Seigneur lors de sa flagellation, Martin se servait d'une discipline faite de chaîne de fer et de pointes acérées. À Minuit, il utilisait une corde garnie de noeuds, et à la pointe du jour, il demandait à un confrère de le fustiger sans pitié avec une branche d'arbre. Il voulait cette pénitence pour soulager les âmes du Purgatoire. Puis, pour faire bonne mesure, il revêtait sous ses habits, durant le jour, un cilice de crin et une chaîne de métal autour de la taille. Enfin il jeûnait durant presque toute l'année, même si cela n'était pas commandé par le Règle de son Ordre.

Comme le souffrit le saint Curé d'Ars, le démon se tenait près de Martin. En voici un exemple: Le saint Frère devait parfois visiter l'infirmerie durant la nuit, et il utilisait comme raccourci un vieil escalier situé entre sa chambre et la salle des malades. Un soir, alors qu'il avait les bras chargés de matériel, il s'engagea dans l'escalier. Un terrible monstre aux yeux brillants lui barra la voie. Martin savait à qui il avait affaire. "Que fais-tu ici, toi le Maudit?" demanda-t-il. Le démon répliqua: "Je suis ici parce que ça me plaît, et parce que j'en attend du profit." Martin s'écria alors:"Va-t-en d'ici vers les profondeurs maudites où tu vis!" Le monstre refusa de bouger. Martin déposa son fardeau, retira sa ceinture de cuir, et se mis à en battre le monstre, lequel disparut bientôt, sachant qu'il ne gagnerait rien à rester dans les parages.


Les Trois Vœux et Les Vertus

Durant neuf ans Martin le "donado" avait édifié la communauté par ses vertus, et son Supérieur lui demanda donc de faire Profession en tant que Frère laïc. C'est ainsi qu'un jour, en présence de tous ses frères réunis à la salle du Chapitre, et après une cérémonie où il invoqua la miséricorde de Dieu et de l'Ordre Dominicain, Martin de Porrès fit les voeux solennels de Pauvreté, Chasteté, Obéissance. Bien qu'aucun changement ne fût extérieurement remarqué, l'âme de Martin se trouva baignée dans la grâce et la miséricorde de Dieu, et c'est désormais à pas de géant qu'il allait parcourir le dur chemin de la vie spirituelle.

Martin aimait la sainte pauvreté, et la pratiquait à un degré héroïque. Il ne faisait jamais usage des choses nouvelles, et tous ses habits étaient de seconde main. Il disait à ses confrères qu'il préférait utiliser des choses vieilles et laides, car il n'avait pas à les entretenir ou à s'en préoccuper. Un certain jour sa soeur Joanne voulut lui donner un nouvel habit, afin de pouvoir laver celui que Martin portait, mais il refusa son offre, disant:"Quand je lave mon habit, ma tunique me suffit pendant le temps où il sèche; et quand je lave ma tunique, c'est mon habit que je porte. Ça serait vraiment du superflu que d'avoir deux habits à mon usage." Il choisissait ses souliers parmi les paires jetées au rebut par ses frères. Son désir de pauvreté allait si loin qu'il n'avait même pas de cellule, et que c'est dans une chambre d'entreposage qu'il avait installé son lit de planches. On ne voyait sur les murs de cette chambre qu'une pauvre croix de bois, avec une image de la Sainte Vierge et de St Dominique. Notre ami était aussi un modèle de pureté. Tous ceux qui le connurent de son vivant s'accordaient à dire qu'il avait conservé sa virginité toute sa vie. C'est en s'efforçant de développer une union de plus en plus intime avec Dieu que Martin augmentait sans cesse son degré de pureté. Chacun de ses gestes, de ses actions, de ses paroles, manifestait la pureté de son coeur, et inspirait son entourage à plus de dévotion. Les affligés se sentaient consolés rien qu'à le regarder. Et que dire de son obéissance? Celle-ci était basée sur un tel sentiment de respect envers l'autorité, qu'on pourrait presque parler de vénération, et cela s'appliquait tant à l'autorité civile qu'à l'ecclésiastique, car il y voyait un reflet de l'autorité de Dieu. Un prêtre témoignera que le saint Frère "obéissait et révérait les prélats tant religieux que diocésains, ainsi que tous ceux qui étaient investis d'une dignité ecclésiastique ou civile, comme s'il vénérait en eux Dieu, Son Autorité et Sa Puissance déléguées." Un frère disait que Martin "accomplissait son voeu d'obéissance avec une volonté prompte, joyeuse, et virile."

  St. Dominic
 
St. Dominic de Guzman (1170-1221)

Étant fort avancé dans la science des saints, Martin servait souvent d'arbitre lors des disputes théologiques entre les Frères étudiants, et il leur donnait souvent une réponse exacte et rapide lorsqu'ils le questionnaient. Bien qu'il n'ait pas le temps de lire ou d'étudier, à cause de ses multiples activités, il connaissait la Somme de Saint Thomas. Lorsqu'il entendit un jour un étudiant discuter d'un problème soulevé par St Thomas, Frère Martin lui dit:"Pourquoi vous exciter autant pour cette question, quand St Thomas a lui-même résolu cette difficulté?" Il donna alors au Frère clerc l'endroit exact où il trouverait la solution du Docteur Angélique! Comme St Bonaventure et beaucoup d'autres saints, c'est par ses longues heures de contemplation devant le Crucifix ou le saint Sacrement que le Frère avait acquis une telle science de Dieu.

Son amour pour les âmes était sans limites. À chaque jour, après qu'il eut servi leur repas aux malades et aux domestiques du Monastère, et qu'il eut donné de la nourriture aux pauvres, frère Martin réunissait un groupe de jeunes garçons et d'ouvriers du Monastère, et il leur enseignait la doctrine et les prières chrétiennes, et il les instruisait aussi sur la manière de vivre en bons Chrétiens. Ses auditeurs étaient non seulement attentifs, mais ils s'efforçaient vraiment de mettre en pratique ce que le saint religieux leur avait enseigné. Martin avait particulièrement à coeur le salut des enfants. Il y avait en effet beaucoup d'orphelins vagabondant dans les rues de Lima, et Martin travailla beaucoup à l'établissement de l'Orphelinat de la Sainte Croix pour les recueillir et les éduquer. Il choisissait avec beaucoup de soins les professeurs et autres employés de l'Orphelinat, et s'assurait qu'ils recevaient un bon salaire. Le but du Frère était de transformer ces pauvres orphelins en hommes et femmes qui vivraient en bons Catholiques. Il avait réalisé qu'une bonne éducation permettrait aux garçons de s'établir dans la vie, et il s'assurait aussi que les filles aient toutes une dot suffisante pour leur permettre de faire un bon mariage. Bien sûr, une telle entreprise requérait beaucoup d'argent, mais cela n'inquiétait pas notre saint. Il avait de nombreux amis- des gens riches et nobles, et même le vice-roi- qui lui donnèrent avec grande générosité, car ils savaient qu'il allait utiliser leurs dons pour faire la volonté de Dieu. Et celui-ci bénit les donateurs de telle sorte que plus ils donnaient, plus ils gagnaient d'argent par la suite!

St. Martin et les enfants  
St Martin
et les enfants

 

La bilocation est le fait de se trouver en deux endroits différents dans le même temps, et c'est un don miraculeux qui fut accordé à peu de saints. Martin fut un de ces privilégiés. Il désirait ardemment aller répandre la Foi en Chine et au Japon, et voulait faire le don de sa vie à Dieu par le martyre. Même si le bon Frère n'eut jamais l'occasion de réaliser son souhait, Dieu s'en contenta. Des témoins ont rapporté que Martin fut vu à plusieurs reprises en ces deux contrées d'Orient, et qu'il réunissait alors près de lui les petits Asiatiques pour leur enseigner la Foi. À la fin de chaque leçon de Catéchisme, il donnait aux enfants des images, des bonbons, et des fruits exotiques que ceux-ci n'avaient jamais vues où goûtés auparavant. Il arriva aussi que notre ami usera de ce don pour soulager les Catholiques prisonniers des Turcs et qui se trouvaient en danger de se décourager et d'abjurer leur Foi. On rapporte qu'un homme qui fut prisonnier des Turcs pendant plusieurs années et puis avait été libéré, était allé au monastère du Saint Rosaire de Lima, et qu'il avait rapporté aux Pères que le Frère Martin avait été le visiter, lui et ses compagnons d'infortune, à plusieurs reprises, leur apportant du pain, de l'argent, etc., et qu'il prenait soin des malades, et encourageait tous les prisonniers à rester fidèles à la foi Catholique. Ces visites du saint Frère avaient été les seules consolations de son existence de prisonnier, et l'argent qu'il en recevait petit à petit lui permirent finalement de payer sa liberté. On rapporte aussi qu'une certaine nuit Martin quitta le Couvent malgré les portes verrouillées, et qu'il alla assister un Indien qui se mourait à l'Hôpital Ste Anne de Lima. Il demanda au mourant s'il était baptisé, et celui-ci répondit que non. Le Frère envoya chercher l'aumônier de l'hôpital. Celui-ci baptisa donc l'Indien, qui mourut peu après, et notre saint ami retourna au Monastère en passant au travers des lourdes portes barrées.

Un autre fait surprenant... Le frère Martin avait entre autres soins celui de veiller aux choses utiles aux malades:Linges, vêtements, draps, etc. Il s'assurait en outre que les habits et tuniques de rechange des Frères et Pères étaient bien propres et bien rangés. Mais il y avait au monastère des intrus qui semblaient prendre un malin plaisir à trouer et salir le linge et les tissus. L'un d'eux fut un jour attrapé par Martin. Il s'agissait d'une souris. Il lui tint alors ce discours:"Petite soeur, pourquoi est-ce que toi et tes compagnes faites tant de dommages aux choses des pauvres malades? Vois, je ne te tuerai pas, mais tu devras assembler toutes tes camarades, et les conduire au fond du jardin. Si vous laissez mes armoires en paix, je vous apportai tous les jours de quoi manger." La petite souris entendit, sauta au sol, et disparut. Soudainement il y eut grand bruissement; du plafond, des armoires, des craques du plancher, surgirent des centaines de souris qui se rassemblèrent et se dirigèrent vers le fond du jardin où elles trouvèrent suffisamment de place pour s'y creuser des trous bien confortables. A partir de ce moment, il n'y eut plus de dégâts ni de dommages dans les armoires, et Frère Martin alla tous les jours nourrir ses petites compagnes. Le Monastère était délivré, ou presque, des souris!


Un Père Pour Les Jeunes Religieux

Sans être Maître des Novices, Martin était comme un père pour eux. Dès que l'un d'entre eux avait besoin d'une nouvelle chemise ou d'un livre, notre ami s'empressait de l'aider. Il voulait s'assurer que ces jeunes religieux ne se décourageraient pas dans leur vocation à cause du manque de choses nécessaires; il était en quelque sorte leur ange gardien, fussent-ils en bonne santé ou malades. Il leur rappelait:"Les garçons, étudiez attentivement, parce qu'un jour le crédit et la gloire de la Province dépendront de vous." Il les encourageait souvent par de telles paroles, et renouvelait leur amour et enthousiasme envers l'Ordre Dominicain. On rapporte le cas d'un certain Frère François. Celui-ci était novice depuis un mois quand son père, qui allait prendre sa retraite et voulait donner à son fils son poste de Secrétaire du Trésor Royal, vint au Couvent et planifia le fuite de son fils. Un trou devait être percé dans le mur autour du Monastère, et François devait quitter l'Ordre en secret au milieu de la nuit. Ce soir-là, Martin alla voir le Frère François et le taquina de ce qu'il voulait quitter l'Ordre:"Ce que tu ne voulais pas faire par amour pour Dieu, tu le feras par crainte de Dieu." Le jeune Frère alla ensuite pour souper mais, dès qu'il fut assis à table, il fut pris de tremblements et de frissons:Une forte fièvre l'obligea à prendre le lit. Ses projets tombaient à l'eau. Un mois plus tard, s'étant remis de cette maladie, il arrangea un nouveau projet d'escapade. Or il tomba à nouveau malade. Mais il se remis, et organisa une nouvelle tentative. Peine perdue! Il tomba malade à nouveau. Cette fois il comprit le message, et il persévéra dans la vie religieuse. Un autre jour, le Maître des Novices demanda à Martin de rechercher deux novices qu'on ne pouvait retrouver nulle part. Notre ami arpenta les rues de la ville, et les retrouva ensemble dans une maison. Il entra en passant au travers la porte verrouillée et il encouragea les deux jeunes religieux à continuer dans la vie religieuse. Honteux de leur fuite, les deux Frères revinrent au Monastère, et ils y pénétrèrent avec Martin, malgré les portes barrées! Un jour, le Maître des Novices envoya ceux-ci voir notre saint durant leur récréation. Ils allèrent donc à sa cellule, et pendant que Martin allait à la cuisine pour leur préparer une collation, les novices fouillèrent les tiroirs du saint, et y découvrirent des fruits et un pièce de monnaie. Lorsqu'il revint sur les lieux, notre ami dit aux novices qu'ils pouvaient manger les fruits qu'ils avaient trouvés, et ceux-ci s'empressèrent de s'exécuter. Puis ils firent mine de partir, lorsque Martin les arrêta en disant à l'un d'eux:"Frère, remettez l'argent où vous l'avez trouvé, il ne nous appartient pas, mais appartient à quelqu'un d'autre." Alors que l'interpellé feignait l'ignorance, Martin reprit:"Enlevez la pièce de monnaie cachée dans votre soulier. Il est mauvais de prendre ce qui appartient aux pauvres de Jésus-Christ." Un autre fait: Lors d'une belle journée de vacances, le Frère Martin de Porrès avait emmené trente novices pour une promenade en campagne. Ce fut une joyeuse randonnée, et ils s'arrêtèrent au sommet d'une petite montagne pour y pique-niquer. L'après-midi fut très agréable. Mais soudainement, les novices se rendirent compte qu'ils auraient dû depuis longtemps se mettre en route pour retourner au monastère, et qu'ils allaient arriver en retard aux offices et être punis. Seul Martin ne semblait pas préoccupé. Alors que la petite troupe se trouvait encore à deux kilomètres du monastère, la cloche de celui-ci sonnait l'Avé. Panique chez les novices! Quelle ne fut donc pas leur surprise de se retrouver au monastère en moins de trois minutes, juste à temps pour l'office!

Notre saint avait reçu le don de conseil, et il comprenait que Dieu voulait qu'il en fasse bénéficier ses frères, novices ou non. Lorsque la communauté ne pouvait arriver à conclure une élection aux divers postes du monastère car les résultats étaient trop serrés, on demandait l'avis de Martin. Celui-ci disait parfois à l'un des candidats:"Vous n'êtes pas fait pour cet emploi", et à un autre;"Vous n'avez pas encore assez de maturité pour cette position". Personne ne s'offensait de tels jugements, et tout le monde y voyait l'expression de la volonté de Dieu.

Souvent Dieu donne à un saint un ami qui en est un aussi, et cela arriva pour Martin. Il eut en effet la joie d'avoir St Jean Massias comme ami. Celui-ci était aussi un Dominicain, vivant au monastère Ste Marie-Madeleine à Lima. Les deux saints avaient la permission de se rencontrer de temps à autre, et ils profitaient de l'occasion pour échanger sur leurs expériences mystiques, et ils concluaient leur rencontre en se donnant mutuellement la discipline jusqu'au sang.


Bienfaiteur Et Ami Des Pauvres,
Et Autres Créatures

Marin aimait les pauvres, et ceux-ci le lui rendaient bien. À l'heure du souper, notre ami ne tenait plus en place, et il ne retrouvait la paix qu'en se retrouvant au milieu de ses chers pauvres. Mais auparavant, il mettait dans un gros pot sa propre nourriture puis allait de table en table quémander les restes de ses Frères. Cela fait, il allait prendre les restes de la cuisine de l'infirmerie. Les pauvres étaient là qui l'attendaient écuelles en mains. Ils avaient aussi apporté celles de leurs camarades trop faibles pour se déplacer. Un jour Martin s'était rendu ainsi à la cuisine de l'infirmerie et le cuisinier lui dit qu'il n'y aurait même pas assez de nourriture pour les religieux malades, en grand nombre ce jour-là. Martin lui répondit:"Vous ne devriez pas être découragé ou abattu pour si peu. Dieu va sûrement pourvoir à tous nos besoins, puis qu'Il soutient le monde!" Puis il prit la louche des mains du Frère, et alla verser de généreuses portions dans les écuelles. Il y en eut suffisamment pour tous les malades, et même pour les pauvres! Avant de remplir les écuelles, les bols, les tasses présentées par les mendiants, Martin faisait toujours une prière:"Puisse Dieu, en son infinie miséricorde, multiplier cette nourriture." et Dieu ne manquait pas d'exaucer une telle confiance. Il se trouvait toujours de la nourriture dans la marmite, jusqu'à ce qu tous les plats soient remplis, même ceux des chiens et des chats!

  St. Martin
 
St. Martin at bedside
of a dying man

Il semble que Dieu ait donné aux animaux vivant près du monastère l'instinct de savoir que Martin serait toujours leur bienfaiteur. En voici quelques exemples amusants et touchants... Notre ami se faisait un jour demander pourquoi il était en train de découper en bandelettes un drap usé, alors que personne n'était blessé. Il répondit: "En ce moment, non, mais quelqu'un en aura bientôt besoin." Peu après, un gros chien entra à l'infirmerie, ses intestins sortant de son ventre blessé. Martin les remit en place, recousit et pansa le ventre de l'animal, et lui ordonna de s'étendre sur des peaux de mouton qu'il avait mises par terre. Le saint garda le chien quelques jours, et lorsqu'il fut guéri le renvoya: "Maintenant va, et recommence à travailler pour ton maître!". Le brave animal s'empressa d'obéir... Un autre jour un chien vint prendre la file derrière les malades. Il avait quatre plaies ouvertes, et même une arme lui passant de part et d'autre du corps! Il avertit le Frère de son grave état par quelques jappements plaintifs. Martin vint le prendre par l'oreille et le mena à sa chambre où il soigna ses plaies. Cependant le chien montra les crocs, et notre ami comprit qu'il s'agissait d'un malcommode et il l'avertit: "Tu es mieux d'être tranquille et d'apprendre à devenir bon, car les malotrus finissent mal!" Après quelques jours le quadrupède fut guéri et montra dès lors sa gratitude en suivant Martin partout. Mais malgré le bon conseil du frère l'animal ne s'était pas amélioré, et grognait dès que quelqu'un s'approchait du religieux. Martin lui dit: "Frère, quand apprendras-tu à devenir bon? Fais attention, ou bien la prochaine fois tu te feras chasser à coups de trique!" Quelques jours plus tard le chien attaqua un Frère, et celui-ci, accompagné de quelques autres, le chassa hors du monastère à coups de bâtons. Un fait encore plus surprenant: le vieux Frère Jean, Économe du monastère, avait un chien âgé de 18 ans qui avait la gale et d'autres infirmités dues à la vieillesse. Frère Jean se sentit un jour obligé de se débarrasser de son vieux compagnon, lequel d'ailleurs dégageait maintenant une odeur infecte. Il confia donc le chien à un laïc pour être éliminé, et l'homme tua le chien en lui écrasant la tête d'un coup de pierre. Il allait le jeter ensuite à la rivière quand survint Martin qui lui réclama et en obtint la dépouille de l'animal; il l'apporta dans sa cellule et la déposa sur le plancher. Au contact du plancher, le chien revint à la vie et s'assit! Martin lui prit la tête entre ses mains, la nettoya, et la referma. Quatre jours plus tard le pauvre animal était parfaitement guéri, non seulement des ses blessures, mais de la gale et de ses infirmités! Quelles ne furent pas la surprise et la joie du frère Jean de retrouver son fidèle compagnon! Mais les chiens n'étaient pas les seuls animaux à bénéficier de la présence du Frère Martin. Celui-ci soignait aussi les chats, et même les dindes! Un jour, comme il les nourrissait il dit aux membres de sa petite ménagerie: "Maintenant mes petits frères, ne vous chicanez pas et mangez ensemble comme de bons frères, autrement je devrai vous renvoyer!" Les assistants ne pouvaient s'empêcher d'admirer le fait de ces animaux divers, chiens, chats, même souris, manger en paix à partir d'un même plat! Même lorsqu'il visitait une ferme, les animaux s'y trouvant venaient le trouver et le caresser, fussent-ils des taureaux, ou des ânes. Les poulets se laissaient prendre par lui sans témoigner aucune crainte.


Les Derniers Moments

Partagé entre le soin de la communauté et l'aide aux pauvres et même aux animaux, la vie de Martin s'écoula rapidement et, même si ses frères eussent voulu le garder près d'eux encore longtemps, Dieu avait tracé la limite de la vie terrestre de Martin de Porrès. À l'été de 1639, celui-ci était âgé de 59 ans, et Lima recevait la visite du nouvel Archevêque de Mexico, Mgr Felician da Vega, qui malheureusement avait attrapé une pneumonie durant son voyage. Mgr de Vega connaissait et même honorait Martin de son amitié. Il se rendit au monastère du Saint Rosaire, et notre saint le guérit de son mal. L'Archevêque demanda alors au Provincial des Dominicains s'il pouvait emmener Martin avec lui à Mexico et, malgré qu'il en ait eu le coeur brisé, le Provincial accepta. Notre ami en fut très heureux:Il allait enfin pouvoir échapper aux marques d'admiration qu'il ne cessait de recevoir à Lima, et il se trouverait plus près du Japon, une terre sanctifiée par le sang de nombreux martyrs Dominicains. Son départ n'était cependant prévu que dans quelques mois, et la vie continua comme à l'habitude. Quelle ne fut donc pas la surprise de la communauté, lorsqu'elle vit un jour le Frère Martin revêtu d'un habit flambant neuf! Cela n'était jamais arrivé en 45 ans! On comprend que notre saint se préparait à se rendre à Mexico, et qu'il ne voulait pas humilier son Archevêque par une mise vraiment trop pauvre... Mais on était à l'automne, saison où Martin souffrait toujours d'une récurrence de fièvre quarte, et il fut en effet attaqué de nouveau. Les Frères ne s'inquiétèrent donc pas trop, mais Martin leur dit que cela serait sa dernière maladie. On appela le médecin, mais ce fut en pure perte. La fièvre consuma le corps du Frère, mais celui-ci demeura serein et calme malgré de terribles souffrances. Bientôt la ville de Lima eut vent de la nouvelle, et les amis de Martin se pressèrent à son chevet pour recevoir de lui un dernier conseil, un suprême encouragement.

Voyant qu'il avait une dernière chance de ravir l'âme de notre saint, le Démon vint lui rendre visite lui aussi. Il le soumis à une tentation d'orgueil: "Maintenant tu as gagné! Tu as foulé aux pieds tous les obstacles; tu es devenu un saint! Tu peux cesser désormais de te frapper la poitrine; voici arrivé le moment du triomphe!" Mais le saint Frère ne devait pas se faire jouer, il repoussa le Diable en redoublant ses actes d'humilité. Puis Martin entra en extase. La Vierge Marie, St Dominique, St Vincent Ferrier, d'autres saints et plusieurs anges vinrent le visiter. Martin fit une confession générale et demanda pardon à tous pour les mauvais exemples qu'il leur avait donnés. Il reçut le Saint Viatique et l'Extrême-onction. On sonna, et toute la communauté vint se ranger auprès du lit du mourant, priant et chantant des hymnes. Le frère ferma les yeux, et poussa son dernier soupir. Son âme était partie pour le Ciel. Son corps était mort. L'Archevêque da Vega, présent à la scène dit à la communauté: "Mes Frères, apprenons du Frère Martin comment mourir. C'est la leçon la plus difficile et la plus importante." Les religieux qui préparèrent le corps de notre ami pour ses funérailles furent émus de voir son corps meurtri par les macérations. Alors qu'ils le vêtaient d'un habit de circonstance, des cris perçants se firent entendre de l'infirmerie. C'était le Père Jean de Vargas, malade depuis plusieurs jours, qui se tordait de douleurs. On lui dit d'invoquer Martin; le Père le fit et aussitôt la douleur le quitta. Après une nuit de sommeil paisible le prêtre se réveilla totalement guéri de son mal! Martin était mort en odeur de sainteté, et lorsque son corps fut exposé il dégagea effectivement une odeur céleste qui pénétrait les âmes de joie spirituelle. Une foule de gens déferla autour du cercueil, vague après vague, et il fallu changer plusieurs fois l'habit de notre ami, car tout le monde voulait rapporter de l'église une relique du Frère.

Plusieurs personnes ont par la suite invoqué l'assistance de Martin et en ont obtenu des guérisons et autres faveurs insignes. Sa cause fut introduite suivant les formes et délais canoniques, et le 29 octobre 1837, Martin fut déclaré Bienheureux par le Pape Grégoire XVI, seulement une semaine après que son ancien ami Jean Massias ait été lui-même canonisé! C'est le 16 mai 1962 que Sa Sainteté Jean XXIII canonisa Saint Martin de Porrès. Durant son homélie il dira: "St Martin, toujours obéissant et inspiré par son divin Maître, vécu parmi ses frères avec ce profond amour qui vient de la Foi pure et de l'humilité du coeur. Il aima les hommes parce qu'il les voyait comme des enfants de Dieu, et comme ses propres frères et soeurs. Telle fut son humilité qu'il les aima plus qu'il ne s'aimait lui-même, et qu'il les considérait comme étant meilleurs et plus vertueux que lui-même... Il excusait les fautes des autres. Il pardonna les insultes les plus amères, convaincu qu'il était qu'il méritait de plus sévères châtiments à cause de ses propres péchés. Il essaya de toutes ses forces de sauver les coupables; il consola amoureusement les malades; il fournit des remèdes, de la nourriture, des vêtements aux pauvres; il aida tant qu'il fut possible les ouvriers agricoles et les Nègres, sans oublier les mulâtres, qui en ce temps étaient considérés ni plus ni moins que comme des esclaves. Il est triste de dire que nous ne comprenons pas tous ces valeurs spirituelles autant que nous le devrions; nous ne leur donnons pas leur propre place en nos vies. Plusieurs d'entre nous, en fait, fortement attirés par le péché, regardons peut-être ces valeurs comme ayant peu d'importance, ou même comme étant nuisibles, ou bien nous les ignorons simplement. Il est très enrichissant pour les hommes s'efforçant de se sauver de suivre les pas du Christ et d'obéir aux commandements de Dieu. Si seulement nous pouvions tous apprendre cette leçon à partir de l'exemple que Martin nous a laissé."


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