Cet essai a pour but
d’éclaircir une cause de problèmes dans les
relations sociales, en essayant de découvrir certaines
motivations à l`origine des actes humains… On se
rend compte par l`analyse que ces actions et réactions
peuvent généralement être regroupées
en 3 catégories: Celles du «pragmatisme», du
«légalisme», et du «réalisme».
1-Les Trois Catégories En Général
L’homme
«pragmatique», ou libéral, relativise à l’infini la vérité:
chez lui, à chaque instant, le mot qu’il utilise prend un sens
nouveau. Pour ce genre d’esprit, la théorie est une chose, son
incarnation dans le concret peut être contradictoire. N’est
vrai que ce qui réussit, ce qui est efficace. Il n`y a pas de
vérité absolue. Il n’y a pas non plus de liberté dépendante
du bien, c`est le bien qui dépend de la liberté. Avec le même
acharnement donc il maltraite la notion du bien. Il vous dit:
«Vous voyez le mal là où il n’est pas.» Ou encore: «La
fin justifie les moyens.» En révolte continuelle avec les
exigences du vrai et du bien transcendants, sa conscience élastique
repousse sans cesse à l’intérieur de son esprit les bornes du
bien agir au profit de son propre égoïsme. Cette perspective,
qui ne considère que les résultats, l`efficacité, autorise l’homme
pragmatique à baptiser le vice vertu et, vice versa, la vertu
vice.
L’homme
«légaliste», ou «borné», semble plus près de la vérité;
ses idées correspondent à des vérités, mais il est incapable
de bien les évaluer dans leurs incarnations concrètes. C`est
un esprit étroit, obtus, qui manque de finesse et de pénétration.
Il ne sait adapter ses idées au réel, au quotidien, et aux mille
et une circonstances de la vie. Captif d’un catalogue de lois
légales, prisonnier d’une collection de vérités, il ne sait
pas faire la part des choses. Au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ,
il avait pour nom Pharisien. En outre, la vérité chez
lui, est compartimentée: elle n’existe que sous forme de rubriques,
de données toutes définies: chez lui, la distinction, voire
le mystère n’existe pas: c’est blanc ou c’est noir.
Fort
de son idéal, du haut de sa tour d’ivoire, il se complaît égoïstement
dans son idéal, et passe les perfections ou les imperfections
des autres au crible de son jugement. Il ne tient compte de
rien ni de personne et demande des comptes à tout venant. Tous
ont tort, lui seul a toujours raison. Il oublie que la loi est
faite pour le bien commun, i.e. pour le bien de l`homme vivant
en société. Il ne comprend pas que la loi est un moyen, non
une fin. En effet, ce n`est pas la loi qui fait le bien ou le
mal, contrairement à la perception des légalistes (ex.: aux
USA certains soutiennent qu`à partir du moment ou l`avortement
est légal, il ne peut plus être mauvais moralement).
L`homme
«réaliste», ou «des nuances», a le bonheur de goûter
réellement à la vérité et au bien transcendants qui se trouvent
reflétés dans toute la Création. Cet homme juge de tout avec
nuance et en toute charité; l’équité lui fait rendre à chacun
ce qui lui revient: tout ce qui l’entoure n’est que le miroir
de la splendeur de Dieu. Les défauts ou les qualités de son
prochain le renvoient sans cesse en Dieu. Il connaît l’origine
de l’homme – le néant – , il constate son impuissance face au
mal; en revanche, tout ce qui est beau, bon, bien, vrai … est
pour lui l’écho de Dieu, de CELUI QUI EST. En dehors de Dieu,
tout est de la poussière, mais ce qu’il y a de beau dans la
création est signé “Made in Heaven”. Il s`appuie sur
la vérité et les bons principes pour établir sa marche à suivre
dans les circonstances variables de la vie, utilisant pour ce
faire la vertu de prudence.
En Résumé
L’homme
pragmatique ou libéral ne cesse de profaner la vérité et le
bien, par le seul fait de les considérer; l’homme borné et légaliste
emprisonne dans son esprit étroit la plénitude inépuisable de
la vérité et du bien. L`homme réaliste ou «des nuances» s`attache
à la vérité et au bien tels que réflétés dans la Création, il
comprend que les deux sont indissociables, et sont le fondement
du bien commun de la société humaine. Guidé par la vertu de
prudence, il sait être fidèle aux principes, tout en s`adaptant
aux circonstances concrètes de la vie.
2- Les Trois Hommes Et La Crise De L`Église
Vient
maintenant l’application de ces quelques réflexions au domaine
de la crise de l’Église, lorsqu`on étudie les trois regroupements
de personnes qui se sont formés depuis le concile Vatican II.
Bien sûr, “Omnis comparatio claudicat” (Toute comparaison
est boiteuse). Je n’entends pas décrire chaque individu
de chaque regroupement selon les trois catégories vues plus
haut. Ce serait de ma part tristement simpliste, j’entrevois
seulement une dominante au niveau de l’orientation de chaque
mouvement.
Les «pragmatiques»
Quand
nous évaluons la Fraternité Saint-Pierre, les gens de l’Indult,
les conservateurs et autres gens de cette mouvance, nous discernons
la tendance libérale, pragmatique, qui rend incapable de supporter
la contradiction à laquelle nous accule le mystère d’iniquité
à l`oeuvre dans l`Église: à savoir un Pape qui semble travailler
pour le Diable. Le «pragmatique» préfère les avantages
pratiques pour l`apostolat, ou pour sa situation personnelle,
à la défense de la vérité. N`ayant pas une solide théologie,
spécialement au sujet de l`Infaillibilité Pontificale, il adopte
une position qui résulte souvent d`un attachement sentimental
désordonné aux personnes en autorité. Il opte pour le compromis
au détriment de la vérité. Ces «Ralliés» ne sont pas prêts à
payer le prix pour demeurer dans la vérité, ils préfèrent la
légitimité, une vérité qui ne les isole pas, qui ne les coupe
pas de la sympathie du monde, ce monde pour lequel Notre Seigneur
n’a pas prié. Ils préfèrent être en accord avec les hommes plutôt
que de sembler être dans l’illégitimité. C’est facile de dire
la messe de Saint-Pie V avec la soi-disant bonne conscience
de se dire qu’on n’est pas excommunié, et que l’on garde même
la bonne doctrine. Malheureusement pour eux, ils ont baissé
les armes face au cœur du problème de la liberté religieuse,
cette théorie conciliaire selon laquelle la conscience individuelle
a tous les droits, ce qui fait de la Religion une simple matière
de choix personnel.
Les «légalistes»
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Messe
Traditionnelle |
À
l`autre extrémité du spectre, le sédévacantisme reproduit le
mieux l’homme légaliste et borné. Il se déplace, cet homme,
avec sa mallette remplie d’idées définies qui ne souffrent aucune
variation possible devant le monde concret. La réalité doit
se plier à ses idées abstraites, sans aucune adaptation circonstancielle.
Il préfère dire que la Nouvelle Messe est invalide et que le
Saint Siège est vacant, pour ne pas avoir à supporter une contradiction
où le placerait le déséquilibre, l’inconfort du mystère. Encore
ici il y a à la fois une déficience en théologie, spécialement
par rapport à l`Infaillibilité Pontificale, et une réaction
émotionnelle exagérée devant les actions néfastes du Pape. Donnons
ici un exemple du manque de réalisme de ces légalistes que sont
les sédévacantistes: En 1972-1973, Mgr Lefebvre permettait à
ses séminaristes pendant les vacances d’assister à la messe
de Paul VI, en certains endroits où ils n’avaient pas accès
à la messe de Saint Pie V. Plus tard, vu les effets toujours
plus néfastes de la messe dite de Paul VI, il les invitera à
ne plus y prendre une part active. Il n`a pas fallu attendre
longtemps avant que les «bornés» accusent Mgr Lefebvre de contradiction,
alors que celui-ci ne faisait qu`utiliser la vertu de prudence,
laquelle tient compte des circonstances avant de prendre une
décision pratique.
Les «réalistes»
La
Fraternité St Pie X, le clergé et les communautés amis incarnent
l’homme «des nuances». Devant Rome qui émet de moins en moins
de lumière surnaturelle, et qui s’enténèbre de plus en plus
de l’obscurité provenant de l’erreur, les fidèles de la Tradition
y discernent toujours le visage du Christ, mais un visage tel
celui du Saint Suaire, tuméfié et sali par les coups et les
crachats infligés par les autorités juives et romaines. Ils
savent que c’est toujours l`Église qu`ils sont en train de regarder,
mais ils sont conscients qu’elle est occupée par des individus
aux idées qui la masquent, et la rendent inapte à diriger en
tout et partout les brebis du Seigneur. Si le Saint Père veut
reconnaître les fidèles de la Tradition comme membres «en
règle» de l`Église, ce devra être sans préjudice à la vérité:
Rome doit retrouver le chemin de la Tradition, sans conserver
les nouveautés hétérodoxes et gnostiques dont elle est entichée
actuellement, sans quoi elle ne pourra reconnaître la partie
de son troupeau qu’elle a écarté du bercail parce qu’elle criait
au loup ravisseur.
En
Résumé
Parmi
les trois tendances divisant ceux qui se veulent fidèles à l`Église
de toujours, il semble que les défenseurs de la Tradition intégrale
se trouvent mieux représentés par la catégorie du «réalisme».
En effet ils ne veulent ni sacrifier les principes ni les circonstances
concrètes dans leur processus de décision: Ils font usage de
la vertu de prudence. L’homme borné ou «légaliste» est
prisonnier d`idées rigides et de principes abstraits, il manque
de connaissances théologiques, et il réagit émotionnellement
aux maux affligeant l`Église. Les libéraux ou «pragmatiques»
sont des opportunistes, ils sont d`avantage préoccupés par les
résultats, et eux aussi sont déficients en théologie, et ils
laissent leurs émotions les guider dans leur jugement sur la
crise de l`Église.
Conclusion
Nous
espérons avoir montré qu’on doit savoir reconnaître les divers
états d`esprit qu’on peut parfois avoir, et qui risquent de
nous entraîner à prendre des positions erronées, tant au plan
humain et social, qu`au sujet de la crise de l`Église. Le « pragmatique »,
en relativisant le bien et le vrai, recherche l`efficacité avant
tout et ne sait analyser la réalité de la crise. Le « légaliste »
est déconnecté de la réalité, et vit dans une bulle de principes.
L`attitude de ces gens les fait passer aux extrémités, le premier
par son mépris pour l’amour du bien et de la vérité, le second
par son attachement à la «lettre qui tue». Il ne nous
faut être ni pragmatiques comme les ralliés, ni légalistes et
bornés comme les sédévacantistes. À nous d’éviter ces écueils
en étant «hommes des nuances», et en utilisant la vertu
de prudence, et en ayant une bonne compréhension de l`Infaillibilité
Pontificale. Et aussi il ne faut pas être dominés par les sentiments.
Le Mystère d’Iniquité est aujourd’hui à son apogée, et il nous
faut tenir les deux chaînes de la Tradition d’hier et de l’Église
d’aujourd’hui. Nous sommes écartelés comme le Christ en croix
en nous accrochant à ces deux réalités, mais Dieu détient entre
ses mains l’anneau manquant. Faisons confiance à Sa Sagesse
et à Son Amour Miséricordieux.