Communicantes

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Janvier - Mars 2005, No. 22
 
Éditorial
Faire du Temps
Par M. l`abbé Patrick Girouard FSSPX


Chers lecteurs:

M. l`abbé Patrick Girouard

 

«Faire du temps.» J’ai toujours été frappé par cette expression, courte mais tellement imagée! Dans le jargon, cela veut dire: passer son temps en prison, de manière à payer sa dette envers la société. Les cuisiniers font des repas, les maçons font des cheminées, et les prisonniers «font du temps». Ils sont obligés de donner leur temps, tout leur temps, dans un endroit et d’une manière qu’ils n’ont pas choisis, et qu’ils n’aiment pas. Ils le méritent. Cela ne peut réparer les dommages qu’ils ont causés aux individus ou à la société, mais ce don de leur temps est accepté par la société, comme une manière de satisfaire aux demandes de la Justice qu’ils ont violée par leurs mauvaises actions. Certains d’entre eux reçoivent même une sentence qui a comme un parfum d’éternité: Ils sont condamnés à «faire du temps» pendant cent, voire même mille ans. Ceci parce que la société essaie de prononcer des sentences qui reflètent la gravité de l’offense commise. Voilà pourquoi les bandits qui ont fait le plus de crimes sont ceux qui tentent le plus désespérément de ne pas se faire attraper: ils ont le plus à perdre. Alors ils se sauvent et se cachent, car ils ne veulent pas « faire de temps.» Cela nous montre combien le temps est important pour les gens. Cela nous montre peut-être aussi pourquoi Dieu lui accorde tant d’importance. Permettez-moi de m’expliquer un petit peu…

Dans ce but, je vais brièvement analyser une des magnifiques prières de la Messe. Il s’agit de la seconde après la consécration du Précieux-Sang. Elle commence par ces mots: «Supra quae propitio ac sereno vultu respicere digneris…» Cette prière dit: «Daignez Seigneur regarder celles-ci (ces offrandes) d’une Face propice et serène, comme Vous avez daigné accepter les offrandes de votre juste fils Abel, et le sacrifice de notre patriarche Abraham, et celui que vous apporta Votre Grand Prêtre Melchisedech: Un Saint Sacrifice, une Hostie Immaculée.» Ce que nous pouvons nous demander en lisant cette prière est: 1) Pourquoi l’Église mentionne-t-elle ces trois différents types de sacrifices offerts à Dieu dans l’Ancien Testament? 2) Qu’ont-ils en commun? 3) Pourquoi sont-ils différents? 4) Qu’apprenons-nous sur nous-mêmes en cette prière?

Veuillez me pardonner mon essai de répondre à ces questions pour vous:

1) L’Église veut rendre Dieu propice à notre Messe en Lui faisant se souvenir de trois sacrifices qui Lui furent agréables dans le passé. Elle le fait en honorant aussi la nature Trinitaire de Dieu: Père, Fils, Saint-Esprit.

  Le Sacrifice d'Abel
  Le Sacrifice d'Abel

2) Ces sacrifices ont tous en commun qu’ils étaient de très bonnes offrandes. Cela parce que ceux qui les ont faits ont tous sacrifié quelque chose qui leur était tellement cher, que c’était pour eux comme de s’arracher une partie du cœur et le donner à Dieu. Ils ont compris qu’en fait ils ne faisaient que rendre quelque chose à Dieu. C’est pour cela que le sacrifice d’Abel, et non celui de Caïn, fut accepté par Dieu. En effet Abel, qui était un éleveur de moutons, s’est séparé, par amour pour Dieu, de ses agneaux premiers-nés. Ceux qui connaissent un peu ce que c’est qu’être un éleveur, comprendront que ce n’était pas là un mince sacrifice. Pour Abel, ces animaux étaient les premiers de son troupeau, ils étaient un peu ses chouchous, presque comme des animaux de compagnie. Néanmoins, quand le temps fut venu de rendre un culte à Dieu, Abel ne fut pas chiche. Pour montrer son amour envers son Créateur, il Lui donna ce à quoi son cœur était le plus attaché: Les premiers-nés de son troupeau. En ce qui concerne Abraham, nous voyons encore un acte de pur amour: Il accepta de sacrifier son fils unique Isaac; le fils du miracle (Sarah était stérile)! Malgré son immense amour envers Isaac, il fut déterminé à rendre à Dieu ce que Dieu lui avait donné: Un fils auquel son cœur était fortement attaché. Abraham, en fait, donnait son cœur à Dieu. Pour ce qui est de Melchisédech, il n’offrit pas à Dieu un sacrifice sanglant, mais plutôt un spirituel, représenté par l’offrande du pain et du vin. Ces deux choses représentent en effet ce qui est absolument essentiel à la vie humaine, la nourriture et la boisson. Le sacrifice de Melchisédech était donc celui de ce à quoi tout le monde est le plus attaché, ce que nous avons le plus à cœur: notre vie. C’était un sacrifice spirituel, la consécration totale de son âme à Dieu. Donc ces trois sacrifices ont plut à Dieu parce que, par chacun d’eux, celui qui offrait donnait ce qu’il aimait ardemment. Tous offraient leurs cœurs. Bien sûr, ces trois sacrifices préfigurent aussi le Sacrifice de Notre-Seigneur: Agneau de Dieu (…Abel); Fils Unique, et Fils du Miracle (…Abraham); Sacrifice de Sa vie, perpétué à la Messe (…Melchisédech).

3) Mais ces sacrifices sont aussi différents les uns des autres: Bien qu’ils concernent tous le cœur, qu’ils soient tous le sacrifice de ce qui est ardemment aimé, il y a une nette progression du premier au troisième: Les agneaux premiers-nés (…Abel); Le fils unique (…Abraham); Soi-même (…Melchisedech).

Le Sacrifice d'Isaac par Abraham  
Le Sacrifice d'Isaac par Abraham

 

4) Maintenant nous savons ce que cette magnifique prière nous enseigne. Nous comprenons que le sacrifice qui plaît à Dieu est celui où nous nous séparons de ce que nous aimons. Faire cela par amour pour Lui, c’est comme Lui donner nos cœurs. Mais il y a des degrés dans ces actes d’amour de Dieu. On peut se détacher de choses, de personnes, ou de soi-même. Il est évident que le sacrifice le plus parfait est celui de la troisième forme, comme le fut celui de Melchisédech, et celui de Jésus sur la Croix, à la Messe, et au Tabernacle. Nous réalisons trop peu le fait que Notre-Seigneur, au Saint Sacrement, s’offre à Son Père sans arrêt. Là Il apaise le Très Haut en Lui offrant Son Cœur percé pour le rachat des pécheurs. C’est le sacrifice le plus parfait. Il nous montre la manière de plaire à Dieu: Nous sacrifier nous-mêmes par amour de Dieu, et pour la conversion des pécheurs.

Alors, quand nous méditons sur le Sacrifice de Notre-Seigneur, on se rend compte qu’Il «fait du temps». Il est, en effet, Prisonnier du Tabernacle. Il donne, pour ainsi dire, de son temps, en un endroit et d’une manière qu’Il ne choisit pas: C’est le prêtre catholique qui décide quand il consacrera le pain et le vin, et où il conservera les Saintes Hosties. Il revient au prêtre de choisir un endroit et une manière digne de Jésus ou non. De même, c’est encore le prêtre qui fait sortir ou rentrer Notre-Seigneur dans Sa cellule d’amour, et c’est lui qui Le donne au peuple. Notre-Seigneur ne résiste pas. Il est enchaîné par les liens de Son Amour pour nous. Il continuera ce Sacrifice, Il «fera du temps», jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de temps, i.e. jusqu’à la fin du monde, quand le nombre des élus sera complété. Maintenant nous comprenons que si nous voulons plaire à Dieu, nous devons imiter Notre-Seigneur, et Lui donner non seulement des choses ou des personnes, mais bien ce que nous avons de plus à cœur: Nous-mêmes. Comment réaliser cela? La réponse est très simple: Nous devons donner notre temps à Dieu. Ce n’est pas suffisant de sacrifier des choses, comme les bonbons, la cigarette, des jeux, des animaux de compagnie… Ou de quitter des personnes pour mieux servir Dieu... Tout cela plaît au bon Dieu, c’est bien sûr! Mais nous pouvons faire mieux. Nous pouvons nous détacher de la seule chose à laquelle nous nous accrochons désespérément; ce dont il nous est le plus difficile de nous séparer: Notre temps libre!

Déjà, il me semble sentir vos cœurs frémir, saigner, se déchirer, et je puis entendre vos hurlements de douleur! LE TEMPS! Donner de notre précieux temps! Quel martyre! Quel sacrifice! Précisément. Voilà l’offrande la plus agréable à Dieu! Parce que, en pratique, c’est ce qui nous brise le plus le cœur! Vous en doutez? Eh! Bien, regardez autour de vous, regardez-vous, regardez même les âmes consacrées à Dieu. Qu’est-ce qui est le plus dur pour tout le monde? C’est de donner de son temps libre à Dieu. C’est tellement vrai qu’on peut dire que plus une personne donne de son temps à Dieu, plus elle est avancée en sainteté. Pensez-y: Le temps est la seule chose qui nous reste quand on a tout perdu! Alors, ne faisons pas comme les bandits qui essaient de fuir la justice de l’homme, parce qu’ils ne veulent pas « faire du temps ». Au contraire, allons à l’église, et visitons Jésus, qui est Prisonnier au Tabernacle! Rappelons-nous qu’Il « fait du temps » pour satisfaire la Justice de Dieu offensée par nos péchés. Prenons de notre temps bien-aimé pour lire la Parole de Dieu, et pour méditer sur Sa Révélation sacrée! Sacrifions une partie de nos récréations pour élever nos âmes à Dieu en une fervente prière! Finalement, réfléchissons au fait que si nous essayons de fuir le sacrifice de notre temps, nous courons le grand risque de devenir prisonniers de l’Enfer, et donc de souffrir en un endroit et d’une manière que nous n’aurons pas choisis. Un endroit où le sacrifice de soi ne sera plus jamais possible parce que, entre autres choses, nous serons dans la dimension de l’Éternité, où le temps n’existe plus!  ←

Je prie le bon Dieu de vous bénir tous, et de vous donner beaucoup de grâces
lors du Carême et du temps pascal!


NOTA BENE:
Avec la bénédiction de notre Supérieur de District, nous avons décidé de changer le nom de notre magazine. La raison en est que la majorité de nos lecteurs n’ont aucune idée de ce que «Communicantes» signifie. Et je ne les en blâme pas, parce que c’est du latin, que ça sonne bizarre et tout cela. C’est encore pire quand je parle de notre magazine en dehors des cercles traditionalistes! Alors je vous demande de faire fonctionner au maximum vos petites cellules grises, comme le dirait mon ami Poirot, et de me donner des suggestions. Mais voici quelques règles à suivre:

  1. Le nom devra consister en un seul mot.
  2. Le nom devra être bilingue, c’est-à-dire avoir la même orthographe et la même signification en anglais et en français.
  3. Le nom devra exprimer d’une certaine manière le but du magazine, qui est de former chez les lecteurs un esprit catholique.

Maintenant, je vais être honnête avec vous: Je connais un nom qui remplit toutes ces conditions. Si vous m’en proposez un meilleur, je vais le prendre. En tous les cas une chose est sûre: Si Dieu le veut, notre édition d’avril-juin paraîtra sous un nouveau nom!

 

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