Convictions

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Octobre 2005 - Mars 2006, No. 3
 
Éditorial
Au Sujet des Visions
Par M. l`abbé Patrick Girouard FSSPX


Chers lecteurs:

M. l`abbé Patrick Girouard

 

Nous parlerons aujourd’hui de visions. Il y a plusieurs sortes de visions. Certaines sont d’origine naturelles, d’autres surnaturelles. Dans les deux cas il y a des visions qui ont pour origine un objet extérieur, et d’autres sont produites dans le cerveau lui-même. Les unes et les autres peuvent être dites ‘matérielles’, car elles concernent des êtres sensibles, matériels. Mais il y a aussi des visions dites ‘abstraites’ car elles ont rapport à la pensée. Ainsi disons-nous que la pensée de quelqu’un sur un sujet donné constitue sa ‘vision’. Si certaines visions ‘matérielles’ peuvent être bizarres ou terrifiantes, ce n’est rien comparé à certaines visions ‘abstraites’. Par exemple, rappelons-nous les visions qu’avaient Hitler, Staline, et Mao Tsé Toung, sur le monde tel qu’ils le croyaient devoir être! C’étaient là des conceptions monstrueuses, comme des millions de victimes ont pu le constater d’horrible façon!

D’une certaine manière, je puis dire que je suis moi-même un peu effrayé en pensant à une certaine vision. Non, non, il ne m’est rien arrivé, et je suis parfaitement sobre. Je ne parle pas ici d’une vision d’être matériel, mais bien d’une vision ‘abstraite’. Rassurez-vous, il ne s’agit pas du tout de ma vision personnelle, mais bien de celle de notre bien-aimé Archevêque de Winnipeg, Son Excellence Mgr James Weisgerber. En effet, le 19 novembre dernier, afin de commencer la célébration du 90ème anniversaire du diocèse, et pour en préparer le centenaire, il a exposé, dans une Lettre Pastorale, sa vision du futur de l’archidiocèse. Et je vous le dit: Elle est effrayante!

Nos lecteurs comprennent bien que la situation de l’Église de Winnipeg n’est pas meilleure que celle des autres diocèses dans le monde. Nous avons les mêmes ministres laïcs, filles ‘servants de messe’, femmes ‘administrateurs paroissiaux’, cours de catéchisme dilués, messes ‘rock-and-roll’, principe d’ ‘inclusion’, et tout le reste. Ce qui est effrayant dans la vision de Mgr Weisgerber, c’est son intention pour le futur du diocèse de «redécouvrir l’enseignement du Concile ». Il ajoute: « Les documents de Vatican II demeurent le prisme à travers lequel nous nous voyons et découvrons ce que nous sommes appelés à être comme église… L’Église est toujours un projet en construction.» Mgr Weisgerber continue en disant: «Ensemble, nous sommes appelés à bâtir une église de communion.» Il n’explique cependant pas pourquoi il dit parfois ‘Église’, et à d’autres moments ‘église’. Peut-être que par le premier terme il désigne l’Église universelle, et par le second son diocèse? Qui sait?

Quoiqu’il en soit, il semble bien que l’archevêque se voit, coiffé du casque blanc de contremaître, dirigeant la construction de son ‘église’, selon les plans dessinés par Vatican II. Il est troublant de constater que, même si son diocèse a suivi le courant moderniste depuis les années soixante, Mgr Weisgerber considère qu’il doit appliquer le Concile, comme si on en était encore dans les jours suivant sa clôture en 1965: «Comment cette vision de Vatican II peut-elle prendre racine dans l’archidiocèse de Winnipeg aujourd’hui? Premièrement, il nous faut reconnaître que ceci est un temps nouveau. COMME ÉGLISE, NOUS N’AVONS JAMAIS ÉTÉ ICI AUPARAVANT; NOUS CREUSONS DE NOUVELLES FONDATIONS». (L’emphase est de nous). On peut presque voir le contremaître Weisgerber, entouré de grues, de bulldozers, et j’en passe! Incroyable! Il rédige une Lettre Pastorale pour commémorer le 90ème anniversaire du diocèse, et il dit qu’en tant qu’Église «nous n’avons jamais été ici auparavant ». Oubliés les travaux, les prières, les sacrifices de ses prédécesseurs! Mgr Weisgerber semble reconnaître le fait que l’Église traditionnelle a été détruite, et qu’une nouvelle doit la remplacer, d’où le creusage de «nouvelles fondations ». Peut-être me direz-vous que les mots de Mgr l’Archevêque veulent tout simplement dire que les membres de l’Église de Winnipeg n’ont jamais auparavant vécu à notre époque… Oui, mais cela reviendrait à dire: ‘Hé! Le monde! Nous n’avons jamais encore vécu en 2006!’ Je suis sûr qu’une telle déclaration serait reconnue comme le trait de génie du siècle! Mais cela ne serait quand même pas une excuse pour essayer de continuer, et même d’accélérer la Révolution de Vatican II! Nous vivons en 2006, c’est bien vrai, mais, en autant que je sache, l’humanité elle-même n’a pas évolué. Nous sommes toujours blessés par le péché originel, et nous avons toujours besoin de recevoir la doctrine et les sacrements de Notre Seigneur. Il n’y a donc rien qui justifie de dire que «nous creusons de nouvelles fondations»! D’une manière ou d’une autre, Mgr Weisgerber tourne le dos à la Tradition, et telle est la réalité, quoique signifient ses paroles ambiguës.

Et il semble tout excité par cette idée, comme il le dit avec enthousiasme: «Recevoir l’enseignement du Concile, mettre en pratique sa nouvelle vision (nous y voilà de nouveau… une vision), et construire de nouvelles manières de travailler ensemble créent une période de défis. Mais c’est aussi un temps de créativité, de risques, un temps de victoires et de désappointements, un temps de compréhension, de compassion, de pardon. Un temps vraiment merveilleux!» Aye! Aye! Aye! Cette vision est effrayante! Pour l’Archevêque, la prise de risques, quand le salut des âmes qui lui sont confiées est en jeu, est quelque chose de merveilleux. Cela nous montre qu’il ne comprend rien à sa vraie mission telle que Dieu la conçoit.

Mais ce qui est triste et pathétique, c’est que Mgr Weisgerber semble croire qu’à moins de se lancer dans la nouveauté, il ne serait qu’un moins que rien. Eh, bien! J’ai de mauvaises nouvelles pour lui: Ce qu’il nous annonce comme étant ses mesures pour bâtir une nouvelle ‘église’ n’ont rien de nouveau. La plupart des autres membres de l’illustre épiscopat ‘Post Vatican II’ en ont fait autant il y a déjà quarante ans, et parmi ceux-ci on retrouve des figures célèbres! Je ne mentionnerai que le fameux Mgr Fulton J. Sheen. Oui! Vous m’avez bien entendu: LE Mgr Sheen! En effet, nous n’avons qu’à lire un article à son sujet dans le numéro de novembre 1968 de la revue ‘Catholic Digest’ pour nous en convaincre. L’auteur, un nommé Douglas J. Roche, dit que huit mois après son intronisation comme Évêque de Rochester, New York, le 28 octobre 1966, Mgr Fulton Sheen publia un document par lequel «la révolution conciliaire, lancée par le Pape Jean, prenait racine dans le sol local…» M. Roche dit que l’évêque «a commencé à écouter ses gens, à les faire participer, à donner des ouvertures à ceux qui voulaient aller de l’avant.» Mgr Sheen créa d’abord un sénat ou conseil de prêtres pour participer à la gouverne du diocèse. Puis il transféra les affaires financières du diocèse à un groupe de laïcs. La chancellerie, dont le nom «évoquait trop un aspect juridique», fut rebaptisée ‘Bureau de Pastorale’. Il forma aussi une équipe de laïcs chargée «d’aider les autorités du Séminaire à décider de l’acceptabilité des candidats à l’ordination sacerdotale». Mgr Sheen fut aussi au centre de l’expérimentation des ‘Messes Maison’ se tenant dans les sous-sols, et ayant toutes les caractéristiques de la future ‘Nouvelle Messe’.

La ‘vision’ de l’Archevêque de Winnipeg est donc loin d’être entièrement nouvelle. Elle comporte cependant des éléments démontrant sa volonté de se rendre plus loin que ses prédécesseurs. Bien qu’il n’expose pas son plan en détail dans sa Lettre Pastorale, on peut avoir une idée de ce qu’il fera, en lisant le texte d’un article du ‘Winnipeg Free Press’ du 19 novembre, publié sur le site Internet de l’Archidiocèse. En effet, le journaliste John Longhurst y dit: «L’un des endroits où Weisgerber (sic) veut que les laïcs soient plus actifs est celui de la direction des cérémonies: ‘C’est par la manière dont on prie ensemble qu’on montre ce que l’on croit… Que tous les gens sont participants, pas seulement le gars en avant.’ …Weisgerber dit que la liturgie elle-même a besoin d’être révisée, remodelée, et qu’elle doit être présentée ‘en des mots, des termes, des symboles, que le peuple comprend aujourd’hui… Nous devons trouver de nouvelles formes, et cela va vraiment nous demander de la créativité.’» Longhurst rapporte aussi que «l’Archidiocèse organise des ateliers au sujet du rôle des musiciens dans la direction des cérémonies, et veut que les gens développent des habiletés en ce qui regarde la lecture des écritures (sic)». Et comme Mgr Weisgerber espère que plus de laïcs vont «partager leurs dons», et vont participer activement aux activités pastorales, cela plaît déjà à bien des gens. Comme le dit m. Longhurst: «Cathy Laviolette, administrateur pastoral de la paroisse St Michel à Gimli, aime la façon dont la nouvelle vision diminue la distinction entre le clergé et les laïcs. ‘J’aime cet aspect de la vision,’ dit-elle, ajoutant que malgré qu’elle ait un bon groupe de laïcs travaillant avec elle, il y a encore plus de personnes dans la paroisse ‘qui ont des dons à partager’.»

On comprendra mieux pourquoi Mme Laviolette est heureuse, quand on saura que Mgr Weisgerber déclare dans sa Lettre Pastorale, juste après avoir cité les mots de st Paul disant qu’il n’y a pas de différences entre Juif et Grec, esclave et homme libre: «Et j’ajouterais qu’il n’y a aucune distinction entre le clergé et les laïcs… Chacun des baptisés a reçu l’onction de l’Esprit… Dans le baptême, nous sommes tous égaux en dignité…». Un peu plus loin il explique que la raison pour laquelle il y a une hiérarchie dans l’Église est que «bien que nous partagions une égalité dans le baptême, il existe une variété de tâches qui requièrent différentes formes de commandement. Afin de préserver et ordonner les dons de tous vers le bien commun, le Seigneur a établi des pasteurs ayant autorité, pour s’assurer que cette communauté aux dons multiples demeure unie dans la foi et l’amour.» Voici là le principe majeur de la vision de l’Archevêque. À partir de cette vérité que nous partageons en commun le don du baptême, il élabore une nouvelle perspective pour la structure de l’Église: Nous sommes tous égaux dans le baptême, donc il n’y a pas de distinction fondamentale entre le clergé et les laïcs. Les évêques et les prêtres n’ont qu’une autorité spéciale pour assurer ordre et unité dans l’Église. Tout le monde peut donc participer à l’administration des paroisses, et peut diriger les cérémonies liturgiques, selon les dons particuliers à chacun. Ce que Mgr Weisgerber veut donc construire c’est une nouvelle structure ecclésiale et une nouvelle forme de culte, les deux étant basés sur le sacrement de baptême. Dans cette Église il n’y aurait plus de clergé, parce que le sacrement de l’Ordre ne serait plus que le symbole d’une autorité spéciale qu’aurait le ‘ministre ordonné’, dans le but d’assurer l’unité et l’ordre de la communauté. Puis, comme le rite de la célébration de la Messe aura été changé pour refléter cette ‘vision’, et comme elle n’a déjà plus que l’apparence d’un repas, il n’y aurait plus d’obstacle à laisser des laïcs ‘présider’ les cérémonies liturgiques. À ce moment-là, vu que les ‘églises’ protestantes n’ont pas de vrai sacerdoce, le dernier obstacle à un culte conjoint avec elles aurait été écarté. Alors Hourra! Nous aurions vraiment une ‘Église’ laïque et œcuménique! Je vous le disais, la vision de l’Archevêque est effrayante! En effet, les Catholiques connaissant leur Foi savent que le sacrement de l’Ordre confère un ‘caractère’ spécial à l’âme du prêtre, et lui donne des pouvoirs spéciaux que n’ont pas les laïcs: Ceux de la consécration de l’Eucharistie, de l’absolution des péchés, de l’Onction des malades, de la Confirmation et de l’Ordre (dans le cas des Évêques). Accompagnant ces pouvoirs surnaturels vient aussi la distinction, établie par Notre Seigneur lui-même, entre l’Église ‘Enseignante’ et l’Église ‘Enseignée’. Ce qui signifie la différence entre le Pape et les Évêques (et les Prêtres et Diacres qu’ils délèguent), et les simples fidèles. C’est la distinction venant de ce que le clergé enseigne la Foi aux fidèles. En d’autres mots, la Foi Catholique nous enseigne que la distinction entre le clergé et le laïcat est fondée sur deux choses: Le véritable et surnaturel ‘caractère’ et les pouvoirs conférés par le Sacrement de L’Ordre, et la Mission donnée aux Apôtres et à leurs successeurs par Notre Seigneur lui-même. Je ne crois pas que Mgr Weisgerber ait le pouvoir de changer cela!

Maintenant, qu’est-ce qui a bien pu amener cette vision d’une ‘Église’ laïque? Bien que chacun puisse avoir sa propre opinion là-dessus, je crois qu’on peut trouver la réponse en étudiant la situation de l’Archidiocèse: Il s’écroule! Mgr Weisgerber est bien placé pour le savoir. En effet, les statistiques officielles nous montrent une terrible réalité: Si la tendance se maintient, il n’y aura bientôt plus de prêtres pour diriger les paroisses, administrer les sacrements, célébrer la sainte Messe. Comparons un peu les chiffres fournis sur l’Archidiocèse de Winnipeg par le ‘Catholic Year Book’ de 1955, avec ceux qu’on retrouve sur le site Internet du même diocèse pour 2005:

ARCHIDIOCÈSE DE WINNIPEG
1955
2005
Population Catholique
70,000
170,590
Nombre de Paroisses
75
68
Prêtres Séculiers
62
64 (incluant 14 à la retraite)
Prêtres Réguliers
83
28
Total des Prêtres
145
92
Séminaristes
18
4
Proportion Prêtres/Fidèles
1/482
1/1854

Maintenant, si nous comparons la proportion Prêtres/Fidèles de 1955 avec celle de 2005, nous voyons qu’elle a diminué de 280% durant les cinquante dernières années! Oublions toutes les subtilités et les beaux discours des prélats de l’Église moderne, et regardons les chiffres! Ils nous indiquent qu’il y a presque trois fois moins de prêtres au service des fidèles aujourd’hui qu’il n’y en avait il y a 50 ans! Voilà un résultat concret de Vatican II! Et j’ai été très généreux, car j’ai inclus dans les chiffres de 2005 les 14 prêtres à la retraite. Quand on sait jusqu’à quel point les autorités modernistes utilisent leurs prêtres âgés, on comprend que ces 14 là sont probablement tous en chaise roulante, et qu’ils ne sont plus en mesure de servir les fidèles. Si nous les enlevions de la colonne 2005, la proportion Prêtres/Fidèles deviendrait 1/2187, et nous aurions ainsi une diminution de 352% comparé au ratio de 1955! Nous pouvons aussi constater que, malgré une augmentation de 100,000 Catholiques dans le diocèse, le nombre de vocations est passé de 18 à 4, soit presque cinq fois moins qu’avant!

On voit que le futur de l’Église de Winnipeg n’est pas très reluisant. Confronté à cette situation, Mgr Weisgerber se devait de réagir. Malheureusement, au lieu de tenter de changer cette tendance, il a décidé de s’en accommoder et de transformer la structure de l’Église. Il y a trois fois moins de prêtres, et cinq fois moins de Séminaristes aujourd’hui? Pas de problème! On n’a qu’à dire qu’il n’y a plus de distinction entre le clergé et les laïcs, et on n’a qu’à demander à ces derniers de remplir le vide! Après tout, n’avons-nous pas tous «reçu l’onction de l’Esprit»? Et ne sommes-nous pas «tous égaux dans le baptême»? Les membres de la hiérarchie n’exercent-ils pas seulement une autorité, celle-ci n’ayant pour but que de «…préserver et ordonner les dons de tous vers le bien commun»?

Ah, là, là! Quelle terrible vision! Mgr Weisgerber semble avoir besoin de nouvelles lunettes! Au lieu de voir que les aberrations du Concile sont la cause de l’effondrement de son diocèse, et au lieu de tenter de renforcir les murs affaiblis, il déclare que « comme église nous n’avons jamais été ici; nous creusons de nouvelles fondations ». Et il n’est probablement pas le seul évêque dans le monde à penser de cette façon. Ils sont tous devant la même terrible situation, et je n’ai jamais entendu parler d’un évêque ayant décidé de rejeter Vatican II, et de reconstruire son diocèse sur la terre ferme de la Tradition Catholique. Alors mes chers amis, nous sommes forcés d’admettre que l’ ‘Église’ de Vatican II professe de plus en plus une nouvelle Religion. Que Dieu ait pitié de nos âmes! ?

 

Quelques nouvelles et avis…

1- M. l’Abbé Loren Gerspacher a été officiellement transféré du Prieuré de Vernon (C-B) à celui de Toronto (Ont). Cela permettra M. l’Abbé Violette de consacrer plus de temps à son travail de Supérieur du District du Canada.

2- M. l’Abbé Médard Biebibang est finalement arrivé à notre école de Lévis. Merci pour vos prières.

3- Au sujet de l’expiration de votre abonnement à Convictions: Il se termine au numéro indiqué dans le coin supérieur droit de l’étiquette montrant votre adresse, après l’inscription ‘Convictions expires’. Mais vous n’avez pas à vous en faire, car j’inclus toujours une lettre de rappel dans votre dernier numéro. Merci de répondre à une telle lettre rapidement, cela m’épargne bien du temps.

4- Comme vous avez pu le constater, il n’y a pas eu de numéro ‘Octobre-Décembre’. Nous avons eu des problèmes avec nos programmes d’ordinateur à l’automne, et n’avons pu rattraper notre retard. Nous nous en excusons, et nous vous souhaitons de saintes et joyeuses Pâques!

 


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