Communicantes

Accueil
Communicantes: August - October 2002
 

Récit de la condamnation et du martyre de Sir Thomas More, 6juillet 1537

Traduit et adapté de l’anglais par René Salvador Catta, d’après l’émouvant récit de William Roper, le gendre de Sir Thomas, que celui-ci aimait comme un fils et qu’il ramena au catholicisme. Thomas More, excédé des propos hérétiques qu’il tenait, pria sa fille de lui dire qu’il ne l’écouterait plus. Les ménages de ses enfants vivaient tous dans ‘la grande maison paternelle’ à Chelsea, faubourg de Londres, sur la rive droite de la Tamise.

 

Le Roi et son Conseil discutèrent de la façon de s’y prendre pour que l’ex-Chancelier (Sir Thomas More) acceptât sous serment l’Acte de Suprématie et de Matrimonie. On voulut d’abord se contenter d’une formule qui n’impliquât pas formellement son adhésion à la Suprématie du Roi sur l’Église d’Angleterre. Mais la Reine Anne (Boleyn) tempêta au point que le Roi, exaspéré, fit modifier la formule en sorte que Thomas More fût envoyé à la Tour.

Prés d’un mois après son arrestation, sa fille Margaret, femme de Roper, vint lui faire ses adieux. Comme d’habitude avant de commencer sa journée de travail, elle récita avec lui les sept psaumes de la Pénitence et les litanies. Alors son père lui dit :

Je pense, Mag, qu’ils ont cru m’accabler en m’envoyant à la Tour. Je te le jure, ma bien chère enfant, que si ce n’était de ma femme et de mes enfants – ma plus grande responsabilité ‑ , je n’eusse pas manqué – et cela depuis longtemps – de m’enfermer dans une étroite cellule, plus étroite même que celle-ci. Mais puisque me voilà ici – qui n’est pas mon désert ‑ , j’ai confiance que Dieu dans sa Bonté me délivrera de ce soin et m’aidera à supporter de ne pas être au milieu de vous tous. Je Le remercie de ne pas me trouver plus mal ici que chez moi. Peut-être Dieu a-t-il voulu faire de moi un folâtre pour me prendre dans ses bras et me dorloter...

Sir Thomas s’enquiert ensuite des uns et des autres, femme et enfants... « Et comment va la Reine Anne ? » ‑ Elle n’a jamais été mieux, répond Mag avec assurance. – Vraiment mieux ? Hélàs, à mon corps défendant, je te le confie, dans quelle misère elle va bientôt se trouver! (...)

Le lieutenant de la Tour vint l’entretenir. Il lui rappela les bienfaits et les amitiés qu’il tenait de lui (quand Thomas More était Chancelier). Il lui tiendrait compagnie tant que son procès ne serait pas terminé, et cela en dépit de l’indigantion royale. Il le ferait, s’il y consent, et malgré son manque d’entrain naturel. – Je n’en doute pas, Monsieur le Lieutenant, dit Sir Thomas, et je vous en remercie de tout coeur. Vous êtes de mes bons amis. Mais si je ne suis pas de bonne humeur, mettez-moi dehors.

Cependant le Conseil, le Chancelier et le Secrétaire Thomas Cromwell, avaient remanié, en l’amplifiant, le serment à faire signer par Thomas More et à le rendre plus plausible. Il fut distribué à tout le Royaume comme à Thomas More. Celui-ci en parla à sa fille :

Ils m’ont enfermé ici parce que je refusais le Serment. Mais, ils ne peuvent le justifier. C’est grande pitié qu’un prince chrétien, par la flatterie d’un Conseil soumis à ses passions et par un clergé faible, qui n’a pas la grâce de se tenir ferme et avec constance à ce qu’on leur a enseigné, ait été abusé. (...)

Thomas More prit ses dispositions (dès 1532) pour lui et en faveur de ses héritiers. Cela fut déclaré nul. Ses biens furent confisqués, sauf la portion que Thomas More avait attribué à son gendre et à sa fille Mag. (...)

Thomas More, regardant par la fenêtre de sa cellule, vit sortir de la Tour pour se rendre au lieu d’exécution, un Père de Sion qu’il connaissait, homme instruit et religieux, et trois moines de Charterhouse. Tous avaient refusé de signer le Serment.

Vois-tu, dit Thomas More à sa fille, ces bienheureux Pères s’en vont joyeusement à la mort, comme des fiancés au mariage. Tu peux saisir ainsi la différence entre ceux qui ont passé toute leur vie dans la pénitence et ceux-là qui, comme ton père, sont dans le monde à se consumer dans les plaisirs et les aises. Car Dieu, considérant la vie menée par les premiers, qui ont vécu dans les peines et une dure pénitence, ne souffre pas qu’ils demeurent plus longtemps dans cette vallée de misères et d’iniquités. Il les envoie savourer l’Éternelle félicité, tandis que ton stupide père a passé toute sa misérable vie de façon pitoyable, comme un bagnard. Dieu a jugé qu’il nétait pas digne d’entrer de si tôt dans l’éternelle Béatitude, et l’a laissé plonger dans les tourbillons et la misère du monde. (...)

Le Secrétaire du Conseil privé, Thomas Cromwell, lui confirme les amitiés du Roi, lequel demeurait son gracieux Seigneur; nulle affaire ne le troublait; le condamné ne devait se faire aucun scrupule et garder sa conscience tranquille. A la suite de cette visite, Thomas More écrivit ce poème :

Las, flatteuse Fortune, aujourd’hui si charmante
Qui vint me faire un début de sourire,
Voudrais-tu donc réparer mes ruines ?
Tant que je vis tu ne peux me séduire.
Dieu, ma confiance! Encore un peu, je passe
Au Ciel des cieux, place forte, immuable.
En Ton Calme je ne craindrai l’orage.

Au bout d’un certain temps, Mrs Alice More vint voir son mari dans la Tour en simple femme et pourtant d’allure mondaine, elle le salua de façon abrupte :

Bien le bonjour, Monsieur More. Je m’étonne qu’un homme jusqu’ici considéré comme très avisé, pousse la folie jusqu’à loger dans cette prison infecte, enfermé au milieu des souris et des rats, alors qu’il pourrait vaquer dehors en toute liberté, jouir de la faveur et des attentions du Roi et de son Conseil. Si seulement vous vouliez faire comme tous les évêques et les gens les plus lettrés du Royaume! Et dire que vous avez à Chelsea une très jolie maison avec votre bibliothèque, vos livres, la galerie, le jardin, le verger, toutes les commodités possibles à votre convenance, la compagnie de votre femme et de vos enfants, dans une atmosphère joyeuse. Je me demande quel genre de créature de Dieu vous faites à vous trouver ici ...

Chère Madame Alice, cette maison n’est –elle pas aussi proche du Ciel que la mienne ?

Bone Deus, Bone Deus! Vous ne changerez donc jamais de tournure ?

S’il doit en être ainsi, c’est bien. Madame Alice, je ne vois pas pourquoi je tirerais tant de joie de mon charmant manoir et de tout ce qui s’y trouve si, après sept ans passés sous terre pour y rentrer, j’y trouvais quelqu’un qui me ferait sortir en me disant qu’elle n’est pas la mienne. Alors pourquoi aimerais-je une maison qui a si tôt oublié son maître ? (...)

Sir Richard Southwell et M. Rich vinrent lui « trousser » ses livres. M. Rich lui dit :

On sait, M. More, que vous êtes très sage et avisé aussi bien quant aux lois du Royaume qu’en autre chose. Permettez que j’ose vous proposer ce cas : Supposons qu’un acte du Parlement décide qu’on me considère dans tout le Royaume comme le Roi, obéiriez-vous ?

Certainement, répondit Sir Thomas More.

Je vais donc plus loin, dit M. Rich. Un Acte du Parlement décide qu’on me prenne dans tout le Royaume comme le Pape. Obéiriez-vous aussi ?

Dans le premier cas, répondit Sir Thomas, le Parlement peut se mêler du statut des princes temporels. Quant au second, je vous dirais ceci : Supposez que le Parlement décide que Dieu n’est pas Dieu, le diriez-vous, M. Rich ?

Non, Monsieur, je ne le ferais pas, vu qu’aucun parlement ne peut faire une pareille loi.

Pas davantage, reprit Thomas More, le Parlement ne peut-il faire du Roi le chef suprême de l’Église.

Ceci fut rapporté en haut lieu et Thomas More fut accusé de haute trahison. (...)

Quand Sir Thomas fut ramené de Westminster aux avant-postes de la Tour, sa fille Margaret, ma femme, désireuse de voir son père qu’elle pensait ne plus jamais revoir en ce monde et voulant recevoir sa bénédiction, attendait près du terre-plein de la Tour, sachant qu’il devait passer par là. Aussitôt qu’elle le vit, elle tomba à genoux pour recevoir sa bénédiction, puis, se hâtant, sans se préoccuper de sa sécurité, se frayant un chemin dans la presse et parmi les gardes qui, avec les halebardes et les piques, entouraient le prisonnier, elle courut à lui, et, devant tout le monde, l’embrassa, lui mit les bras autour du cou. Thomas More que cet amour filial émouvait, lui donna encore sa bénédiction et la réconforta. Quand elle s’en détacha, la vue de son cher père ne lui suffisant pas, elle courut encore vers lui et l’embrassa plusieurs fois, puis s’en détacha le coeur lourd. Cette scène si pathétique, un tel chagrin, gagna la foule qui se mit à gémir et à pleurer.

Thomas More demeura plus d’une semaine encore à la Tour. La veille supposée de l’exécution, il envoya sa chemise de crin à sa femme et à sa chère fille avec une lettre écrite au charbon de bois insérée dans un receuil de ses oeuvres :

« Je vais t’encombrer, chère Mag, par cet envoi, mais j’espère ne pas devoir attendre au delà de demain. Demain est la fête de saint Thomas et de saint Pierre. J’ai hâte à demain pour aller à Dieu en pareil jour. Ta tendresse ne m’a jamais autant réjoui que lorsque tu es venue hier m’embrasser. J’aime cet amour filial. Une vraie charité ne se préoccupe pas de courtoisie mondaine ».

Le lendemain était un mardi, Octave de la fête de saint Pierre et l’an du Seigneur 1537 selon la date tracée la veille sur la lettre. Tôt le matin vint le trouver son singulier ami Sir Thomas Pope lui dire de la part du Roi et du Conseil privé, qu’il eut à subir la mort avant 9 heures, il devait s’y préparer.

Monsieur Pope, voilà de bonnes nouvelles et je vous en remercie du fond du coeur. J’ai toujours été confus des présents comme des honneurs dont sa Grâce m’a comblé, mais je le suis encore plus qu’il m’ait placé ici; j’ai eu assez de temps et d’espace pour me rappeler ma fin dernière. Que Dieu surtout me vienne en aide, Monsieur Pope. Je remercie Sa Majesté qu’il lui ait plu de me débarasser si tôt des misères de ce mode méprisable.

Le Roi, reprit M. Pope, souhaite que, lors de votre exécution, vous ne fassiez pas de discours.

Vous faites bien de m’avertir, Monsieur Pope. Autrement... Sa Majesté ou tout autre personne aurait pu s’en trouver offensée. Cependant, quelles que soient mes intentions, je suis prêt à obéir et à me conformer à ses ordres. Bon Monsieur Pope, je vous prierais d’agir auprès d’Elle à seule fin que ma fille Margaret soit présente à mon enterrement.

Mais le Roi, rétorqua M. Pope, est dores et déjà assuré que votre femme, vos enfants et vos amis auront la liberté de s’y trouver.

Oh! Combien dois-je à Sa Majesté pour pareille condescendance!

Sur quoi M. Pope prit congé sans pouvoir contenir ses larmes. Sir Thomas le réconforta ainsi :

 

Home | Contact | Mass Centres | Schools | Pilgrimages | Retreats | Precious Blood Residence
District Superior's Ltrs | Superor General's Ltrs | Various
Newsletter | Eucharistic Crusade | Rosary Clarion | For the Clergy | Coast to Coast | Saints | Links