La Canonisation
de Mgr Jose Maria Escriva de Balaguer Est-elle Infaillible?
Abbé
Peter Scott, extrait du magazine « The
Angelus », du district américain, juillet 2002
Il est certain que
le grand nombre des canonisations effectuées par le Pape actuel nous étonne,
voir nous inquiète, surtout parce que les règles traditionnelles contenues
dans l’ancien code de Droit Canon, qui avaient pour but d’empêcher toute
possibilité de canoniser par erreur une personne dont la foi et la vie
n’auraient pas été parfaitement exemplaires, toutes ces règles traditionnelles,
disons-nous, ont été balayées, et remplacées par des règles moins exigeantes.
Il faut dire que jusqu’à présent, il s’est agi uniquement de saints ayant
vécu avant le concile Vatican II, des catholiques dont la vie fut très
sainte. Mais le projet de la canonisation du fondateur de l’Opus Dei est
très différent. Car c’est lui qui a anticipé, 30 ans avant le Concile,
une théologie nouvelle, révolutionnaire, de l’état laïc, et qui a accepté
le principe du pluralisme, acceuillant dans l’Opus Dei des hommes de toute
foi et de toute religion1.
Cet indifférentisme ne peut être considéré, sous quelque critère traditionnel
que ce soit, comme un exemple de sainteté.
Les théologiens acceptent
comme étant théologiquement certain que l’église est infaillible dans
le canonisation solennelle des saints, contrairement à la béatification
des bienheureux2. La raison
en est que la canonisation n’est pas seulement une permission d’honorer
un saint, comme c’est le cas de la béatification. C’est une définition,
et un commandement, faits par le souverain pontife avec l’usage de sa
pleine autorité, et qui donc lie les catholiques. C’est quelque-chose
de semblable à une proclamation de la foi, mais ayant pour objet la gloire
d’un saint au ciel.
Cependant, tous les
saints canonisés ne sont pas déclarés comme tels par l’Église. Dans les
dix premiers siècles de l’histoire de l’Église, les papes donnaient simplement
leur approbation à la vénération des saints et des martyrs par les fidèles.
Ils sont aujourd’hui considérés comme des saints. Mais puisqu’il n’y a
pas eu dans leur cas de procès solennel de canonisation, l’autorité et
l’infaillibilité entière de l’Église ne sont pas engagées pour de tels
saints. On doit donc dire que ce n’est pas le fait qu’une personne soit
appelée un saint qui engage l’infaillibilité, mais la déclaration et la
définition solennelle par le Souverain Pontife liant les catholiques.
C’est de ceci que dépend la réponse à la question de l’infaillibilité
de la canonisation de Mgr Escriva. Si le décret définit formellement et
oblige d’accepter sa sainteté, alors il sera infaillible, en dépit des
défauts dans les procès pour canonisation des saints qui existent depuis
Vatican II. Si cependant le décret de canonisation n’était pas solennel,
et ne contenait pas des expressions comme « nous définissons »,
et « nous commandons » la vénération de ce saint, alors ce décret
ne serait pas infaillible, à l’instar de l’approbation de la vénération
des saints dans les premiers siècles de l’Église. La même distinction
s’applique au concile Vatican II, qui, en refusant de définir clairement
la doctrine, a refusé d’utiliser l’autorité infaillible de Magistère extraordinaire
qu’il aurait pu utiliser pour condamner des hérésies.
Surgit alors la question
de savoir, dans l’hypothèse d’une canonisation accomplie solennement et
selon les règles, si nous sommes tenus de vénérer ce saint particulier
comme un patron et un modèle. Saint Thomas dit que la vénération que nous
rendons aux saints est « celle par quoi nous croyons qu’ils partagent
la gloire des saints »3.
L’objet de la canonisation est ainsi la vision que le saint a de Dieu
au ciel et seulement indirectement la sainteté de sa vie et sa valeur
comme modèle. Ces dernières ne sont donc pas l’objet de la définition
infaillible par le pape, et, bien que, normalement, on ne les met pas
en doute dans un saint canonisé, dans le cas particulier dont nous parlons,
il semblerait possible de les mettre sérieusement en doute, tout en acceptant
que ce saint canonisé est au ciel. Ainsi nous pourrions croire que Mgr
Escriva est un saint du ciel (ce qui d’ailleurs n’est pas difficile à
admettre pour un prêtre, étant donnés son état d’esprit conservateur,
sa piété authentique, sa réception fréquente des sacrements) sans cependant
accepter d’aucune façon le pluralisme et le laïcisme qu’il a favorisés.
1.
Cf. « Opus Dei : A Strange Pastoral Phenomenon, » The
Angelus, Sept. 1995
2.
Cf. Zubizaretta, Theologia Dogmatico-Scholastica, Vol. I, §§
487‑489.
3.
Quodlibet 9, a. 16, in Zubizarreta, op. cit.
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