Pèlerinage
à Kaposvar, en Saskatchewan
Abbé Gérard
Rusak
L’idée
du pélerinage
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L’été dernier a vu
la formation de deux groupes de jeunes dans nos centres de Messe éparpillés
dans le centre du Canada depuis Dryden en Ontario jusqu’à Saskatoon en
Saskatchewan: les Scouts de l’Autel du Christ-Roi pour les garçons et
les Guides de Marie Immaculée pour les filles. Ces organisations catholiques
traditionnelles ont pour but le bien spirituel de nos jeunes par des activités
saines et catholiques. Les Scouts de l’Autel ont bien apprécié et profité
d’un camp d’été à Dryden, en Ontario, du 15 au 20 juillet derniers. Rien
n’avait encore été fait pour les filles, lorsque l’idée d’un pélerinage
surgit dans une conversation avec quelques familles en Saskatchewan. C’est
en vérité dans la nature des Guides catholiques de faire des pélerinages.
Un pèlerinage cadre bien avec la visée spirituelle qu’une guide se doit
d’avoir, comme aussi avec son amour du sacrifice. De plus, le centre du
Canada n’avait pas encore de pélerinage annuel, tandis que les fidèles
du Québec, du Sud de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie britannique
ont tous le leur.
Le
lieu du pélerinage
L’étape suivante
était de trouver un endroit comme but du pélerinage. La plupart de nos
guides et les principales organisatrices habitent en Saskatchewan et sont
membres de notre « paroisse » de Welwyn. Il semblait donc logique
de rechercher un lieu de pélerinage dans cette zône. Parmi d’autres possibilités,
on mentionna le sanctuaire de Kaposvar. Ce sanctuaire, on le découvrit,
était justement situé à une distance inférieure à trois jours de marche,
c’est-à-dire à environ 70 km de notre chapelle de Welwyn.
Qu’est-ce que Kaposvar?
C’est un village hongrois abandonné où se tient encore debout une belle
église en pierre de taille en l’honneur de l’Assomption de Notre-Dame,
et un grotte de Notre-Dame de Lourdes. Quel meilleur endroit pouvions-nous
trouver pour constituer un objectif pour nos Guides de Marie Immaculée?
Dans cette vénérable paroisse où des catholiques hongrois s’établirent
pour la première fois en 1886, la dévotion à la Bienheureuse Vierge était
un héritage de leur patrie d’origine avec ses sanctuaires et oratoires.
Cette dévotion fut préservée au fil des années et transmise aux nouvelles
générations issues de ces pionniers.
La vieille église
en pierres fut bâtie en 1906-1907 par les deux frères Pirot, des maçons
de Belgique. Les pierres furent transportées par « bateau à pierres »
avec de grandes difficultés. Ces bateaux ne flottaient pas sur l’eau,
ils étaient tirés sur le sol. En plus de transporter des pierres de leurs
fermes avoisinantes, les colons hongrois ont tous aidé à la construction
de leur église. En 1942 une grotte en pierres en l’honneur de la Vierge
Marie fut construite par les jeunes de la paroisse. La réponse au premier
pèlerinage public en 1954 fut si spontannée et universelle que l’on put
compter environ 2500 pélerins.
En 1961 il fallut
fusionner la paroisse avec celle de Notre Dame des Victoires, car il n’y
avait plus assez de fermiers pour assurer les frais d’entretien de l’église.
C’est à cette époque que Kaposvar devint une mission, une annexe, et fut
utilisée pour des mariages, des anniversaires, ou pour des messes à intention
spéciale. Actuellement on l’utilise toujours pour ce genre d’occasions.
Elle est maintenant classée monument historique. Nous avons demandé aux
membres laïcs de l’association qui prend soin de l’église la permission
de l’utiliser pour notre messe de pélerinage. Notre demande fut acceptée.
Le
pélerinage lui-même
Le pélerinage eut
lieu la fin de semaine de la fête du travail. Nos six guides étaient présentes
en force, venant d’aussi loin que Dryden, en Ontario, et de Winnipeg,
au Manitoba, se joignant à celles de Yorkton et de Rocanville en Saskatchewan.
Les scouts de l’autel étaient aussi présents et même en plus grand nombre,
venant de ces mêmes villes. Six sont venus de Dryden, en Ontario, à huit
heures de route en voiture! Le pélerinage débuta par la Messe dans notre
église Notre-Dame de Fatima, à Welwyn. Après le petit-déjeuner, M. l’abbé
bénit les pélerins. Ils commencèrent à marcher en deux groupes. Le premier
était constitué par les guides et les femmes, le second par les scouts
et les hommes. Pendant la marche on chantait ou récitait les prières du
rosaire, et on chantait d’autres cantiques catholiques. M. l’abbé entendait
les confessions, dirigeait un groupe puis l’autre, et donnait parfois
un topo spirituel ou méditait une dizaine du chapelet avec les pèlerins.
Le premier jour nous
avons accompli une marche de 28 km sur des routes asphaltées et sous un
ciel ensoleillé. Les pélerins passèrent devant le monument de la grande
burette à huile de Rocanville. Ils prirent leur dîner à un endroit qui
ressemblait à un Casino, mais qui se trouva à être une partie du musée
de Rocanville. Les marcheurs arrivèrent tôt à la propriété de la famille
Green, transformée en un terrain de camping, où ils furent bien reçus
pour la nuit. Nous fûmes spécialement reconnaissants pendant ces jours
de marche envers M. et Mme Green et ceux de nos fidèles qui ont choisi
de ne pas marcher mais de nous servir par la préparation des repas, de
l’eau, des facilités de toilettes, et d’autres tâches. Ils firent le pélerinage
à leur place et manière, et sans doute avec plus de mérites.
Le second jour, dimanche,
la Messe fut célébrée dans un garage préparé pour l’occasion par les Green
et notre sacristain. La marche continua sur un autre 28 km ce jour-là,
mais le terrain était très différent. Au lieu de marcher sur des routes
asphaltées, les pèlerins commencèrent à trotter à travers les champs.
Ils contournèrent un bourbier tout en étant attaqués férocement par des
moustiques, et peu après débouchèrent sur le saillant de la vallée de
la rivière Qu’appelle, dans laquelle ils allaient devoir descendre et
qui présenta une vue à couper le soufle. Dans le fond de la vallée, beaucoup
de pèlerins choisirent d’enlever leurs chaussures pour traverser le gué
de la rivière Scissors (Ciseaux). Puis ils suivirent la pittoresque route
en gravier de la vallée de la rivière Qu’appelle en passant par le village
de Tantallon, et audelà jusqu’à notre point d’arrivée pour ce jour. On
avait décidé de revenir par voiture à la résidence des Green pour passer
la deuxième nuit, par plus grande convenance.
Après les averses
de pluie de la nuit, l’aurore du troisième jour, lundi, vit poindre des
pâles, affreux nuages à l’horizon. Mais les pèlerins étaient plus désireux
que jamais d’accomplir la marche finale. Ils s’enfournèrent dans les véhicules
qui les ramenèrent à l’endroit qu’ils avaient quitté la veille. Comme
ils pénétraient dans la vallée de la rivière Qu’appelle, ils virent les
nuages se disperser et le ciel devenir bleu comme le manteau de Notre-Dame.
A l’évidence, Elle souriait à ses enfants. Mais Elle ne voulait pas leur
enlever toute difficulté. Comme ils descendaient des véhicules, les pélerins
durent affronter un vent violent de 50 à 100 km à l’heure, contraire à
leur direction de marche. Ils marchèrent cependant, sur un autre 15 km,
dont une longue montée qui semblait ne devoir jamais finir. Qui a dit
que la Saskatchewan était un pays plat?
Enfin nous arrivâmes
tous à l’église. Les gardiens nous attendaient et nous reçurent très aimablement.
Notre sacristain prépara tout pour la messe, mais il découvrit qu’on avait
oublié le missel d’autel. Heureusement nous trouvâmes dans la vielle sacristie
un missel d’autel. Nous pûmes ainsi commencer une belle Messe chantée
en l’honneur du Coeur Immaculé de Marie. Soixante sept personnes assistaient
à la messe, en comptant les deux gardiens. L’un de ceux-ci vint en larmes
à la fin de la messe parler au prêtre dans la sacristie, le remerciant
pour sa venue et la célébration de la messe en latin. L’autre personne
a été vue en train de pleurer pendant la messe.
Après la messe, abrités
du vent par le mur de l’église et sous un brillant soleil, nos cuistôts
infatigables nous servirent un repas copieux. Puis quelques divertissements
eurent lieu où l’un de nos bryuants scouts se fit battre dans une course
à pied par un respectable Monsieur de Winnipeg. A la fin, M. l’abbé visita
l’église avec les guides et les scouts et donna sa bénédiction finale
à tous les fidèles qui étaient venus. Tous retournèrent à la maison la
joie au coeur contents d’avoir fait ce pèlerinage en l’honneur de notre
bienheureuse Mère, une première pour les fidèles traditionalistes du Canada
central.
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