Pèlerinage
en l’honneur de Saint Joseph en Alberta.
Par Jean-Louis
De Vriendt
Par un beau dimanche
après-midi d’un été des années 1940, une petite fille, Mary Bauman, se
promène gaiement avec sa soeur dans un petit boisé des collines de l’Alberta,
pas très loin des montagnes Rocheuses. Elle était à admirer un petit oiseau
au chant mélodieux quand elle eut soudainement une inspiration: elle pensa
qu’un jour l’endroit où elle se trouvait serait un lieu de dévotion envers
St-Joseph et qu’une foule de fidèles venus de partout remplirait ce sous-bois
si tranquille maintenant. Soixante ans plus tard, Mary n’est plus là pour
voir la réalisation de son inspiration, mais une foule nombreuse de catholiques
assiste pieusement à la grand-messe dite dans un bel oratoire en bois
rond, caché au beau milieu du même boisé où Mary et sa soeur se promenaient
jadis.
Les trois jours précédents
la grande fête de la Pentecôte de l’an de Grâce 2002 eut lieu pour la
troisième année consécutive le pèlerinage albertain en l’honneur de St-Joseph,
qui vit les pèlerins marcher depuis Rocky Mountain House jusqu’à Sundre.
Durant ces trois jours de prières et de pénitences, les catholiques fidèles
à la Tradition ont refait le geste pieux qu’accomplissaient déjà les premiers
chrétiens qui, en esprit de pénitence et de foi, parcouraient à pieds
les chemins d’Europe pour se rendre à Jérusalem, lieu sacré entre tous,
où Notre Seigneur Jésus-Christ est mort pour nos péchés et est ressuscité;
ou à St-Jacques de Compostelle en Espagne, ou à Rome, centre et berceau
de la Chrétienté, etc… Ici, dans l’Ouest canadien, où la civilisation
chrétienne est beaucoup plus récente, si elle a jamais existé, il a fallu
créer un tel lieu de dévotion et de pèlerinage. Et qui mieux que Saint
Joseph, Patron du Canada, pour recevoir les humbles hommages des fidèles
de l’Ouest canadien ? C’est ainsi qu’un petit boisé des prémonts des montagnes
Rocheuses, situé sur une terre cédée à la Fraternité par de généreux donateurs,
vit un jour arriver une équipe de défricheurs, puis de bâtisseurs pour
enfin voir se dresser au milieu des grands sapins une magnifique chapelle
en bois rond.
L’idée germa en 1999,
quand l’abbé Belisle, alors prieur de la “paroisse” de Calgary, avec l’aide
de “la Ligue de St-Joseph” qu’il avait fondée, décida de faire un petit
oratoire en l’honneur de St-Joseph qui pourrait servir de lieu de rassemblement
annuel pour les familles fidèles à la Tradition disséminées à travers
l’Alberta. L’endroit choisi se trouve près de Sundre, petit village à
mi-chemin entre Calgary et Rocky Mountain House, les deux principaux centres
de la Fraternité en Alberta.
Des bénévoles dégagèrent
une clairière et un semblant de chemin d’accès, et ils fabriquèrent une
niche en bois pour abriter la statue de St-Joseph. La première année,
la messe eut donc lieu sous une tente dans la clairière, appelée déja
de façon prémonitoire : l’Oratoire St-Joseph. La messe en l’honneur de
St-Joseph fut suivie par
un pic-nic paroissial et des jeux.
L’année suivante,
l’abbe Ockerse se dit que pour avoir un vrai pèlerinage, il faut user
un peu ses souliers ! Et pourquoi ne pas marcher les 96 km qui séparent
Rocky Mountain House de Sundre ? C’est ce qu’une douzaine de courageux
fidèles entreprirent au printemps de l’année du millénaire, guidés par
leur valeureux chef, l’abbé Ockerse, qui n’en était pas à son premier
pèlerinage ! Trois jours d’affilée à 8 heures de marche par jour, à coucher
sous une tente (pour les hommes seulement) que l’on retrouve couverte
de glace le matin en se réveillant, cela ne se compare certes pas aux
pèlerinages à Jerusalem de nos ancêtres, mais ce n’est tout de même pas
le club Meditérranée ! De nombreux fidèles, pris par leurs obligations
familiales et professionelles, ne pouvant s’accorder trois jours de congé,
se joignirent au groupe en cours de route, tant et si bien que 45 marcheurs
finissaient la marche, et plus de 180 fidèles étaient présents le lendemain
pour la grand-messe et le pic-nic paroissial, qui consistait en un cochon
cuit dans un trou en terre.
L’année suivante,
l’abbé Ockerse, se disant que le Bon St-Joseph mérite mieux comme abri
qu’une tente et quelques branches d’arbres, organisa la conception, le
financement et la construction d’un véritable oratoire, sur le lieu même
de la clairière originale. Le résultat, tout juste prêt pour le pèlerinage
2001 est, il faut le dire, magnifique: un impressionnant ouvrage en bois
rond, ouvert d’un côté, haut de 30 pieds au faîte et qui constitue le
choeur abritant l’autel du Saint Sacrifice et bien sûr la statue de St-Joseph,
qui seul connait le nombre d’heures et la quantité de sueur qu’il en a
coûté aux fidèles pour bâtir cet oratoire ! En fait, les travailleurs
étaient encore à poser le recouvrement de la toiture quand les pèlerins
marchaient dans le village de Sundre ! Pèlerins qui cette année-là avaient
à affronter non seulement la fatigue de la marche, mais encore les caprices
du printemps albertain: pluie, neige, vent, froid, choses courantes dans
ce climat alpin.
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Cette année 2002,
le pèlerinage eut lieu du 16 au 19 mai pour se terminer le dimanche de
la Pentecôte par une messe solennelle dans l’oratoire maintenant achevé.
Cinq prêtres, trois frères et un séminariste étaient présents, dont M.
l’abbé Violette, le supérieur du district du Canada, qui nous donna un
beau sermon sur les vertus de St-Joseph. Le nombre des pèlerins au départ
du premier jour de marche s’élevait à 22, le troisième jour à 55, et,
à l’arrivée, on comptait 260 fidèles qui assistaient à la messe et au
pic-nic. Il y avait des fidèles de la Colombie britannique et même une
famille venue exprès de Post Falls, Idaho pour marcher le pèlerinage !
Preuve que celui-ci commence à prendre des proportions internationales
! Le pic-nic consistait cette fois en un cochon tourné dans une rôtissoire
spécialement fabriquée pour l’occasion. Le frère Guy, du Québec, le frère
Marcel, de Winona, et quelques paroissiens passèrent la nuit entière à
faire cuire la bête, pour offrir le lendemain aux pèlerins affamés de
la viande de porc succulente. L’innovation dans les jeux fut cette année
une cage où chacun pouvait emprisonner une victime de son choix, moyennant
une certaine somme d’argent qui aller regarnir les coffres de la paroisse.
La première victime fut l’abbé Angele, nouveau prieur de Calgary, puisqu’il
n’y avait pas assez d’hommes valides et disponibles pour maîtriser l’abbé
Violette... Après, les enfants se disputaient pour pouvoir passer un petit
moment “en prison”, qui se retrouva vite remplie à pleine capacité ! À
souhaiter que cela ne leur a pas donné des idées pour plus tard ! Un autre
jeux très populaire fut le lancer du rouleau à pâte pour les dames et
hommes mariés. Après cet excellent repas et bien du plaisir avec ces amusements
innocents, les gens commencèrent à ramasser leurs affaires et à prendre
le chemin du retour à la maison pour se donner rendez-vous l’année prochaine
pour un autre pèlerinage en l’honneur du Bon Saint Joseph.
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