Pélerinage
de la Tradition à Sainte Anne de Beaupré
Philippe
Roy
Le
27 juillet dernier, à Sainte-Anne de Beaupré a eu lieu le pèlerinage annuel
de la Tradition au Québec. Ce pèlerinage fut fondé en 1984 par une douzaine
de jeunes hommes dont monsieur l’abbé Daniel Couture, alors jeune prêtre.
Ce premier pèlerinage se déroula sur deux jours. Le premier soir, les
pèlerins dressèrent leurs tentes à deux kilomètres de la basilique, et,
autour d’un feu de camp, ils lurent l’histoire des Martyrs Canadiens.
Le lendemain, les jeunes hommes, accompagnés de monsieur l’abbé Couture,
se présentèrent à la sacristie du sanctuaire ou on accorda à monsieur
l’abbé le privilège de célébrer sa messe dans une des chapelles latérales.
L’année suivante, seize personnes se réunirent pour rendre hommage à la
Bonne Sainte-Anne, mais cette fois la basilique leur était refusée
pour la messe. En 1993, on fêta le dixième pèlerinage; une centaine de
personnes entrèrent en procession dans la basilique. Cette année, le sanctuaire
a accueilli trois cents pèlerins qui, sous le chant « Vive Sainte-Anne
», se rendirent solennellement à la statue de la Bonne Sainte Anne.
Dès les premières
lueurs du jour, cette année a commencé le dix-neuvième pèlerinage. À 6h30,
les pèlerins ont reçu la bénédiction à l’église Saint Ignace, dans le
quartier Robert Giffard à Québec. Puis, ils se sont avancés avec piété
et entrain derrière la statue de la Bonne Sainte-Anne, tout en
chantant le rosaire, des chants religieux, entrecoupés de quelques chants
de marche pour se donner du cœur au ventre en cette matinée pluvieuse.
À 11h15, la messe solennelle a été célébrée chez les Frères Maristes à
Château-Richer. Après un repas tiré du sac, nos marcheurs sont repartis
pour arriver enfin à la basilique de Sainte-Anne vers 18h00. Les pèlerins
sont ensuite entrés en procession dans la basilique. Là, après les litanies
de Sainte-Anne, les fidèles ont pu embrasser les reliques de la sainte
et recevoir la bénédiction finale.
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Le culte à la Bonne
Sainte-Anne s’est d’abord développé en Orient lors du Concile d’Éphèse
en 431. Ce Concile affirmait la maternité de la Vierge Marie et, par le
fait même, a mis en valeur sa mère, Sainte-Anne. C’est à Jérusalem que,
pour la première fois on a rendu hommage à cette sainte. De Jérusalem,
le culte s’est étendu à Constantinople, et ensuite à tout l’Orient. En
Occident, nous ne voyons apparaître le culte à Sainte-Anne que vers le
VIIIème siècle, sous l’influence orientale. De Rome, le culte
se propage de l’Angleterre jusqu’en Scandinavie et de l’Espagne jusqu’en
Hongrie. En Amérique, le culte à Sainte-Anne est arrivé en même temps
que les colons. En effet, nos ancêtres venaient principalement de Paris
et des régions du Nord-Ouest de la France, régions où le culte à la Bonne
Sainte était déjà fort développé. De ces régions il y avait en effet
déjà deux lieux de pèlerinage. Le premier était à Auray, en Bretagne,
qui devint un célèbre pèlerinage à cause des apparitions de Sainte-Anne
à Nicolazic (1624 ‑ 1625) et le second à Paris. Il s’est développé
grâce à l’influence de la reine Anne d’Autriche qui attribuait la naissance
de son fils Louis XIV à Sainte-Anne.
Grâce aux missionnaires
Jésuites, la dévotion à Sainte-Anne fit partie intégrante de la colonisation
française en Amérique du Nord. À Québec, le 24 septembre 1647, on commence
la construction de l’église paroissiale. Dans cette église, une chapelle
est dédiée à Sainte-Anne. Plus tard, en 1658, à Sainte-Anne de Beaupré,
qui s’appelait alors Petit-Cap, on commence la construction d’une petite
église dédiée à Sainte-Anne, pour satisfaire la dévotion des matelots,
probablement à la suite d’un vœu. C’est pendant la construction de cette
première église qu’on note le premier prodige. Un infirme, Louis Guimond,
se traîne péniblement sur le chantier pour déposer trois petites pierres
dans les fondations. Miraculeusement, il est guéri. Cependant les braves
marins avaient compté sans les marées qui pouvaient se faire hautes et
fortes à certaines époques de l’année. Il faut bâtir plus loin et plus
haut.
En
1661, on construit une deuxième église, plus vaste, plus solide, et à
l’abri des marées. Le 22 août de cette même année, monseigneur de Laval
charge l’abbé Thomas Morel du ministère de la côte de Beaupré. C’est dans
cette église que nous déposons la statue miraculeuse probablement apportée
par Monseigneur de Laval. On venait de tous les coins du pays à Sainte-Anne
du Petit Cap. Une longue série de miracles allait alors commencer. Dans
une lettre écrite en 1665, la vénérable Marie de l’Incarnation nous dit :
« A sept lieues de Québec, il y a un bourg appelé le Petit-Cap, où il
y a une église de sainte Anne dans laquelle Notre Seigneur fait de grandes
merveilles en faveur de cette sainte Mère de la très sainte Vierge. On
y voit marcher les paralytiques, les aveugles recevoir la vue, et les
malades de quelque maladie que ce soit recouvrer la santé. »1
Le 30 mars 1666, le gouverneur, Monsieur de Courcelles et sa suite, 30
personnes, viennent en pèlerinage à Sainte-Anne. En août de cette même
année, c’est le lieutenant-général, Monsieur de Tracy, accompagné de son
épouse et Mgr de Laval qui viennent voir la grande Sainte. Le 17 mai,
le lieutenant Talon s’y rend à son tour.
Le 3 décembre 1667,
Mgr de Laval décrète la fête de Sainte- Anne, le 26 juillet, d’obligation
pour toute la Nouvelle-France. En 1668, il obtient du chapitre de Carcassonne
une première relique, une partie de l’os d’un doigt de la mère de la Vierge.
Le 10 mars 1670, cette relique est exposée solennellement à la vénération
publique.
Le premier pèlerinage
organisé fut fait par les Hurons de la Côte Saint-Michel ( aujourd’hui
Sainte- Foy) en 1671 sous la conduite du Père Chaumonot. Les Indiens venaient
de partout pour honorer Sainte-Anne, qu’ils appelaient la Bonne Grand-Mère.
Plusieurs se rendaient à genoux des bords de la grève jusqu’à l’église.
Cette
église devint rapidement trop petite. En 1676, une troisième église s’élève.
Après cinq ans de pèlerinage, il faut agrandir. En 1882, on construit
des bas-côtés sous forme de chapelles latérales. En 1886, il faut de nouveau
agrandir; on allonge l’édifice de quarante pieds et on surmonte la façade
de deux tours avec au milieu une statue de Sainte Anne.
En 1759, lors de
la conquête, l’église va être miraculeusement sauvée. Trois fois les envahisseurs
vont essayer d’y mettre le feu qui s’éteindra de lui-même à chaque tentative.
On venait de très
loin et en tout temps pour honorer la Bonne Sainte-Anne. Elle était
particulièrement vénérée par les marins, qui, en passant devant l’église,
tiraient des salves de canon, et par les Indiens. Pierre Le Moyne d’Iberville,
notre grand explorateur, fut un grand dévot à Sainte-Anne. Il a laissé
deux ex-voto à l’église. De fil en aiguille, le culte à Sainte-Anne a
gagné toute l’Amérique. Au Canada l’église Sainte-Anne de Varennes, près
de Montréal, fut fondée en 1693. Cinq ans plus tard, en 1698, ce fut Sainte-Anne
de la Pointe Saint-Charles. En 1710, à la pointe ouest de l’île de Montréal,
fut fondée Sainte-Anne de Bellevue et, près de Trois-Rivières, en 1714
Sainte-Anne de la Pérade. Aux États-Unis, nous comptons aujourd’hui plus
de trois cents églises ou chapelles dédiées à Sainte Anne. De plus, beaucoup
d’Américains venaient et viennent encore à Sainte Anne de Beaupré.
De
1844 à 1890, une longue série de pèlerinages en bateaux commence. En 1870,
un service régulier de transport par voie fluviale est même instauré.
Le 7 mai 1876, le pape Pie IX proclame, à la requête de Mgr Taschereau,
Sainte-Anne patronne de la province de Québec. En même temps, Mgr Taschereau
confie le sanctuaire aux Rédemptoristes. Le pèlerinage prend une ampleur
grandissante d’année en année. En 1878, nous pouvons compter quarante
mille pèlerins, en 1900, cent trente cinq mille, et en 1923, deux cent
cinquante mille personnes. Le 5 mai 1887, Léon XIII donne au sanctuaire
de Sainte-Anne de Beaupré le titre de Basilique mineure. Le 29 mars 1922,
la basilique est anéantie par le feu ; tout est incendié, sauf la
statue de Sainte-Anne. La basilique fut rapidement reconstruite grâce
aux dons généreux des catholiques du Canada et des États-Unis et aujourd’hui,
nous nous rencontrons chaque année pour aller rendre hommage à la Bonne
Sainte-Anne.
L’année prochaine
notre pèlerinage aura lieu le 26 juillet, en la fête de Sainte Anne. Venez
nombreux, catholiques de l’Amérique. Il nous faut agrandir nos rangs pour
rendre à Sainte Anne l’hommage qui lui est dû, et pour chanter la gloire
de l’ Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique, car comme le disait
Mgr de Laval à propos de la dévotion à Sainte-Anne : « Nous le confessons,
rien ne nous a aidés plus efficacement à soutenir le poids de la charge
pastorale de cette Église naissante que la dévotion spéciale que portent
à Sainte-Anne les habitants de ce pays : dévotion, qui, nous l’assurons
avec certitude, les distingue de tous les autres peuples.» 2
1.
Pèlerinages Canadiens,
2.
Mgr de Laval, le 25 juin 1680, dans le texte d’aprobation du recueil
de miracles du curé Morel, premier curé de Sainte-Anne du Petit Cap.
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