Par
M. l`abbé Patrick Girouard FSSPX
Mgr
Lefebvre Explique Pourquoi Nous Devons Combattre La Nouvelle Église
1ère PARTIE: Crise de l'Église ou crise du Sacerdoce
(Conférence
prononcée à Tourcoing le 30 janvier 1974 à l'instigation
de M. Michel Lefebvre.)
Mesdames,
Messieurs,
Je
me dois de remercier mon frère Michel de m'avoir présenté
et je le remercie ainsi que les personnes qui, avec lui, se sont dévouées
pour préparer cette salle de conférence et envoyer les invitations
auxquelles vous avez largement répondu, je vous en remercie. Je
tiens également à remercier M. le Maire de Tourcoing, qui
a bien voulu être présent, ici, à cette conférence,
et je dois vous dire toute la joie que j'éprouve à me retrouver
parmi mes concitoyens, concitoyens qui s'étendent un peu au-delà
de la commune, disons concitoyens du département, car j'ai fait
de nombreuses conférences en France et à l'étranger
sur le sujet dont je vais vous parler ce soir.
Mais
d'abord, je voudrais parler de mes rapports avec les différents
mouvements traditionalistes. Je pense que c'est une question
préalable qu'il est bon d'éclairer parce que je ne viens
pas ici, la preuve en est que c'est mon frère qui m'a présenté,
je ne viens pas appelé par un groupement. Certes, tous ceux qui
travaillent à la défense de la Foi, à la conservation
de la Foi catholique, je ne puis que les encourager. C'est pourquoi, il
m'arrive en effet d'encourager ces mouvements, mais je ne veux pas pour
autant être lié à l'un ou l'autre; je tiens à
garder une indépendance totale. On a voulu, par exemple, me faire
dire que c'était moi qui avais pris l'initiative de l'achat du
petit séminaire de Flavigny: ce n'est pas exact. Je n'ai aucune
responsabilité dans cet achat du petit séminaire de Flavigny:
c'est M. l'Abbé Coache qui en a pris l'initiative. Il m'a demandé
si je l'encourageais, je lui ai dit qu'en effet, il manquait de petits
séminaires actuellement en France, et que s'il y avait un bon petit
séminaire, je ne pouvais que m'en réjouir. Je voudrais aussi,
avant d'entrer dans le vif du sujet, vous dire que les jugements que je
porterai sur les documents que j'ai ici, et sur d'autres documents, ne
signifient pas que je porte un jugement sur les personnes qui les ont
écrits. Je préfère laisser à Dieu de juger
les personnes. Mais il me semble que devant des documents qui nous sont
donnés, même venant de Rome, des documents importants qui
touchent à notre Foi, nous ne pouvons pas rester indifférents.
Nous sommes obligés de juger selon la tradition, selon la Foi de
l'Église, selon l'enseignement du magistère de l'Église
afin de savoir si tel ou tel document est bien conforme à l'orthodoxie
que l'Église nous a toujours enseignée. Mais je ne veux
pas porter de jugement sur les personnes. Le Saint-Office, quand il juge
d'un document, le juge d'après la teneur des phrases et des paroles
qui se trouvent dans le document. On a reproché au Cardinal Ottaviani,
étant encore Préfet ou tout au moins Secrétaire du
Saint-Office, de ne pas appeler à Rome ceux dont on jugeait les
ouvrages. Il a répondu: « il n'est pas nécessaire
de connaître l'auteur d'un ouvrage pour dire que des propos tenus
dans cet ouvrage sont bons ou mauvais » Il n'est pas nécessaire
de connaître l'auteur d'un poison pour qu'un pharmacien puisse dire
que tel ingrédient est nocif. Je voudrais me placer dans cette
optique, dans laquelle se place le Saint-Office, pour juger les documents,
juger sur pièces.
Enfin
je vous dis que je ne suis pas venu pour faire une quête pour le
Séminaire. Bien qu'évidemment, je recevrai volontiers ce
que vous voudrez me donner; mais la Providence pourvoit à mes besoins
financiers d'une manière absolument incroyable. J'en remercie surtout
Saint-Joseph qui est notre pourvoyeur. Je ne viens même pas pour
faire du recrutement pour le Séminaire, rechercher des vocations
de Séminaristes, vocations de Frères, car nous avons aussi
des Frères dans notre Fraternité. Nous avons également
maintenant des Religieuses, nous commençons à avoir des
Postulantes. Si Dieu nous en envoie, Deo Gratias, mais ce n'est pas pour
cela que je viens. Si j'accepte de faire des conférences, sincèrement
c'est pour défendre, protéger et raviver notre Foi. Je pense
que nous vivons un temps où notre Foi est attaquée de toutes
parts, elle est vraiment en danger. Notre Foi est en danger, de l'intérieur
même de l'Église, il faut le dire. Nous recevons maintenant
des publications, des enseignements qui ne sont plus conformes à
l'orthodoxie, qui ne correspondent pas à la Foi catholique, à
la Foi qu'on nous a toujours enseignée, à la Foi qui est
enseignée par tous les conciles. Alors nous ne pouvons pas rester
indifférents devant cette situation tragique. Je voudrais précisément
prendre comme exemple de cette situation, celle qui me semble la plus
dramatique, celle qui nous touche au plus profond de notre cœur et
de notre Foi de chrétien et de catholique, c'est celle du Sacerdoce.
Car si l'Église est touchée, si l'Église est en danger,
c'est d'abord le Sacerdoce qui en subit les conséquences. Rien
ne peut toucher l'Église sans atteindre immédiatement celui
qui est au cœur de l'Église: le prêtre. Et c'est pourquoi
je voudrais d'abord vous exposer quelle est cette crise du Sacerdoce,
en quoi elle consiste.
En quoi consiste la crise du Sacerdoce
Saint
Paul dit à Timothée dans sa première Epître:
«Depositum custodi», garde le dépôt. Déjà
à cette époque-là, quel était ce dépôt,
sinon les vérités que saint Paul avait pu enseigner à
Timothée. Garde ces vérités, garde-les précieusement.
«Devita
profanas vocum novitates.» Fais attention aux mots nouveaux.
Non pas seulement les idées nouvelles, mais même les mots
nouveaux. Prends garde à ce qui a une apparence de fausse science,
prends garde à la fausse science, car ceux qui parlent de cette
manière perdent la Foi. «Circa fidem exciderunt.»
Ils perdent la Foi. Ainsi, nous devons, nous aussi, faire attention à
tout ce que nous recevons, à tout ce qui nous est actuellement
mis dans les mains. Parlons donc de cette crise du Sacerdoce: le fait
de la crise. Je pense que vous la connaissez aussi bien que moi, je n'ai
pas besoin d'entrer dans les détails, nous pourrions donner des
statistiques, nous pourrions donner des faits, mais ces faits, malheureusement
disons-le, ont paru à la télévision. Depuis dix ans,
on parle beaucoup du prêtre, et on en parle de toutes les manières.
Sans doute, il y a des manières de parler du prêtre qui sont
inexactes. Mais malheureusement nous sommes bien obligés de constater
qu'il y a des faits, douloureux, de prêtres qui abandonnent leur
sacerdoce, leur activité sacerdotale. Certains avec autorisation,
d'autres sans autorisation; d'autres dans des cas vraiment pénibles;
d'autres semblent avoir perdu la Foi dans ce qu'ils peuvent affirmer.
D'autres souffrent, et je pense que c'est le groupe le plus nombreux:
celui des prêtres qui souffrent de la crise de l'Église,
parce que le prêtre, qui est précisément l'homme de
Dieu, l'homme de l'Église, ne peut pas ne pas souffrir en voyant
sa Mère attaquée comme elle l'est et subir une crise qui
rarement a été aussi grave que celle que nous subissons
aujourd'hui.
Aussi
il nous est bon de préciser d'une manière plus claire, plus
nette, ce en quoi consiste cette crise du Sacerdoce. Il me semble qu'on
enlève au prêtre sa Mère qui est l'Église.
On tend du moins à dénaturer sa Mère qui est l'Église,
on tend à lui enlever ou à dénaturer ce qu'il a de
plus cher, qui est le sacrifice de la Messe, sa liturgie. Et enfin on
lui enlève son catéchisme. Dites-moi ce qu'il reste au Prêtre
si on lui enlève sa Mère l'Église, si on lui enlève
son sacrifice de la Messe, et si on lui enlève son catéchisme.
Que reste-t-il au prêtre?
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St
Timothée (c. 97) |
Première
douleur du prêtre: on dénature son Église.
Quel était l'idéal du prêtre, que pensait le séminariste
qui entrait au séminaire, du moins en notre temps? Pour servir
l'Église, pour servir sa Mère l'Église. Pourquoi?
Parce qu'il croyait que l'Église était le seul moyen de
salut, le seul moyen par lequel les âmes pouvaient se sauver. Alors
il valait la peine de consacrer sa vie à l'Église pour sauver
les âmes. Mais si on n'a plus la Foi en cette Église, si
on croit que toutes les religions sauvent les âmes, dans ce cas,
à quoi bon servir l'Église? Laissons les âmes dans
leur religion, laissons à chacun sa conscience, ce n'est pas la
peine de se sacrifier si le salut des âmes est assuré par
toutes les religions. On dénature l'Église. L'Église
n'est plus présentée comme une société nécessaire
au Salut. Comme la voie nécessaire au salut. Elle est présentée
comme un moyen utile au Salut, et ceci est complètement différent.
C'est changer la définition même de l'Église et ceci
est très très grave, car c'est couper à la racine,
tout l'esprit missionnaire de l'Église. Pourquoi les missionnaires
ont-ils traversé les océans, pourquoi aller s'exposer à
des maladies tropicales qui les exterminent, si ce n'est pas pour sauver
les âmes? Si leur présence est inutile pour le salut des
âmes, mais utile seulement pour un progrès, pour un développement
social, pour une justice sociale, pour un progrès matériel.
Ce n'est pas pour cela que le prêtre s'est fait prêtre, ce
n'est pas pour cela que le missionnaire traverse les océans, c'est
pour convertir les âmes, parce qu'il est persuadé que beaucoup
d'âmes se perdent, si elles ne connaissent pas Notre Seigneur Jésus-Christ.
De plus, il est faux que l'on peut se sauver par d'autres religions. Je
dis bien par d'autres religions, je ne dis pas dans les autres religions.
II est faux que l'on se sauve par les autres religions, on ne peut se
sauver que par l'Église catholique, que par Notre Seigneur Jésus-Christ.
I1 n'y a pas d'autre nom sous le Ciel qui soit donné pour notre
salut. C'est bien ce que saint Pierre nous a dit: «Pas d'autre
nom sous le Ciel que celui de Notre Seigneur Jésus-Christ.»
Et par conséquent, pas d'autre moyen que son Église qui
est son Épouse mystique, à laquelle Notre Seigneur a donné
toutes ses grâces. Aucune grâce en ce monde, aucune grâce
dans l'histoire de l'humanité ne sera distribuée sans passer
par l'Église, et sans passer par la très Sainte Vierge Marie.
Alors les âmes ne peuvent pas se sauver dans les autres religions?
Mais si, elles peuvent se sauver. Comment se sauvent-elles ? Elles se
sauvent par le baptême de désir, mais pas explicite. Vous
savez qu'il y a trois espèces de baptême: le baptême
de l'eau, le baptême du sang, le baptême de désir.
Le baptême de désir peut être explicite, comme c'est
le cas des catéchumènes que nous avions en Afrique; comme
il y en a encore maintenant: des personnes, des adultes qui demandent
le baptême, donc qui ont le désir explicite du baptême,
et qui peuvent se sauver, même avant de recevoir le baptême
de l'eau. Quelquefois nous avions en Afrique de braves catéchumènes
qui nous disaient: «Mais mon Père, si je ne suis pas
baptisé, si je meurs maintenant, je vais en enfer».
Nous leur répondions: «Mais non, si vous avez votre coeur
bien disposé, si vous aimez le Bon Dieu, si vous voulez faire sa
volonté et que vous avez le désir du baptême, vous
avez déjà la grâce.» Évidemment
elle sera plus complète, plus abondante, le jour où ils
recevront le baptême, à moins qu'il y ait un obstacle, qu'il
y ait péché grave et qu'ils s'attachent à leurs péchés
graves. Donc il y a le baptême de désir explicite pour les
catéchumènes, et le baptême de désir implicite,
qui est dans l'acte de faire la volonté de Dieu. Les âmes
qui sont donc protestantes, bouddhistes, musulmanes, et qui ont ce désir
sincère de faire la volonté du Bon Dieu, implicitement,
peuvent avoir le désir du baptême, et donc recevoir la Grâce
surnaturelle, la Grâce de la vie éternelle, mais ceci par
l'Église. Donc le baptême, par ce désir implicite,
les rattache à l'âme de l'Église, et c'est par l'Église
qu'ils peuvent se sauver, mais jamais par leur religion. Les fausses religions
sont contraires à l'Esprit saint, elles ne peuvent pas être
la voie de l'Esprit saint. Qu'on lise ce que dit l'Église dans
les documents officiels: voici un document qui est dans ce petit livre
que beaucoup d'entre vous connaissent sans doute: La Foi Catholique, du
Père Dumeige. Voici ce que dit ce document qui avait été
préparé pour le concile Vatican I: «L'Église
est une société absolument nécessaire pour obtenir
le salut. Par là tous peuvent comprendre que l'Église du
Christ est la société nécessaire pour obtenir le
salut. Sa nécessité est aussi forte que celle de la participation
et de l'union au Christ et à son corps mystique. Elle est absolument
nécessaire, et non pas seulement en vertu du précepte du
Seigneur, mais nécessaire aussi comme un moyen, puisque, dans l'ordre
du salut voulu par la Providence, la communication du Saint-Esprit, la
participation à la vérité, à la vie, ne s'obtiennent
que dans l'Église et par l'Église, dont la tête est
le Christ, voilà la doctrine de l'Église.» De
plus c'est un dogme de Foi, qu'hors de l'Église personne ne peut
être sauvé. On a la Foi ou on ne l'a pas, ce n'est pas moi
qui l'invente, ce ne sont pas des idées personnelles, c'est la
doctrine de l'Église. Or, maintenant, on a l'impression, dans tous
les documents qui nous sont donnés, on a l'impression que dans
toutes les religions on peut se sauver, que toutes les religions mènent
au salut de l'humanité, que nous marchons tous ensemble vers notre
salut. Ce sont des choses absolument fausses et qui ruinent encore une
fois l'esprit missionnaire de l'Église. Pas étonnant qu'il
n'y ait plus de vocation missionnaire.
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Le 1er Concile du Vatican
(1869-1870) |
De
même donc que l'on dénature l'Église et que le prêtre
ne sait plus exactement ce pourquoi il a été ordonné;
de même on a aussi dénaturé la définition de
sa Foi. Et ceci est une chose peut-être difficile à comprendre,
mais qui pourtant est une chose absolument capitale dans la sainte Église.
Il y a une définition de la Foi, on ne peut pas la changer. Or,
on est en train de nous changer aussi la définition de la Foi.
La Foi est l'adhésion de l'intelligence à la vérité
révélée par le Verbe de Dieu, à cause de l'autorité
de Dieu qui révèle. Nous croyons à une vérité
qui nous vient du dehors, du Verbe de Dieu, et qui doit être crue
à cause de l'autorité de Dieu qui révèle.
Voilà ce que c'est que la définition de la Foi. Or que fait-on
de la Foi maintenant? Un sentiment intérieur. C'est la définition
de Foi moderniste, condamnée par le pape s. Pie X. La Foi n'est
pas un sentiment personnel, n'est pas quelque chose de purement subjectif,
une adhésion de l'âme à Dieu, chacun pour soi, chacun
dans sa conscience, ce n'est pas ça la Foi: cela c'est précisément
ce qui corrompt toute l'autorité de Dieu, toute l'autorité
de l'Église. Mais parce que la Foi nous vient de l'extérieur,
nous sommes obligés de nous y soumettre, tout le monde est obligé
de s'y soumettre. «Celui qui croit sera sauvé, celui qui
ne croit pas sera condamné.» C'est bien ce qu'a dit Notre
Seigneur. Donc la Foi est absolument imposée, nous est imposée
de l'extérieur, ce n'est pas un sentiment purement personnel, une
affection pour Dieu, un sentiment envers la divinité. Or, c'est
cela qu'ont pensé les modernistes et que pensent actuellement malheureusement
beaucoup de personnes qui commencent à transformer le concept de
la Foi. Et ceci fait comprendre pourquoi on dit que toutes les religions
sauvent, parce que chacun a une Foi selon sa conscience, donc toutes les
Fois sauvent. Les consciences sont différentes, l'un croit de cette
manière, l'autre croit d'une autre manière, peu importe,
pourvu que la conscience soit orientée vers Dieu, on est uni à
Dieu. C'est absolument faux. Et voyez, c'est ce que nous dit le serment
antimoderniste que tous les prêtres qui sont ici et qui ont un certain
âge ont récité, et d'ailleurs nous l'avons encore
lu au moment du concile: «Je tiens très certainement, et
je professe sincèrement, que la Foi n'est pas un sentiment religieux
aveugle, qui émerge des ténèbres du subconscient
sous la pression du coeur et l'inclination de la volonté moralement
informée. Mais qu'elle est un véritable assentiment de l'intelligence
à la vérité reçue du dehors, par lequel nous
croyons vrai, à cause de l'autorité de Dieu souverainement
véridique.» Voilà ce que c'est que la Foi, et c'est
complètement différent. Il est bon que nous répétions
ces choses-là, nous les oublions.
Mais
je suis obligé malheureusement de vous présenter un document,
édité ces dernières semaines, qui vient de la Commission
de Catéchèse officielle de l'épiscopat français
dont le siège se trouve au bureau de l'Archevêché
de Paris. Voici ce que disent ces personnes, au sujet de la Foi. Ce n'est
pas moi qui l'invente, que voulez-vous, je ne fais que lire. D'abord,
au sujet de la vérité: «La vérité
n'est pas quelque chose de reçu, tout fait, mais quelque chose
qui se fait.» Donc la vérité est quelque chose qui
se fait.» Donc la vérité est quelque chose qui
se fait, comme quelque chose qui se crée. L'homme ne reçoit
pas la vérité, il la construit. Voyez la différence
totale d'optique. Recevoir la vérité de Dieu, du Verbe de
Dieu, de l'Église, du Magistère de l'Église, c'est
une chose. Ce qui a toujours été dit. Nous avons reçu
notre catéchisme, nous l'avons étudié, comme quelque
chose qui nous venait de Dieu. Et nous y croyons, parce que c'est l'autorité
de Dieu qui le révèle. Mais la vérité ne se
crée pas, elle ne se crée pas à partir du subconscient,
à partir de nous-mêmes, ce n'est pas nous qui créons
la vérité. C'est terrible n'est-ce-pas, ce sont des choses
qui sont très graves, très graves. De tout ceci il résulte
des conséquences extrêmement importantes pour notre Foi,
par exemple, «Car nous percevrons alors qu'elle est toute autre
chose qu'une croyance ou une adhésion intellectuelle à des
choses que l'on croit; mais bien plutôt une vie actuelle et active
de relations entre Dieu et l'Homme.» Ce n'est plus la Foi,
c'est la Foi moderniste. Je regrette infiniment que ce soit des documents
qui viennent de Commissions officielles de l'épiscopat, je le regrette...
Vous avez entendu ce que je viens de vous lire de la Foi qui nous a toujours
été enseignée, et voilà ce qu'on nous dit
ici, dans ces documents! C'est très regrettable! Ou nous croyons,
ou nous ne croyons pas. Ou nous croyons en l'autorité de Dieu,
ou nous n'y croyons pas.
II
en est de même pour le dogme de notre salut. Voici la fiche du salut:
«Le Salut, deux schémas catéchétiques.»
Le Salut réparation, c'est le salut traditionnel, et voilà
la fiche traditionnelle: «Nous avions perdu la Grâce de Dieu,
mais le Christ nous a rachetés par sa croix, et il a remis à
l'Église les moyens de Salut.» - Très bien, c'est
en effet ce que l'on nous a toujours appris, que c'est l'Église
qui nous sauve. «Espérons que les autres hommes pourront
être sauvés aussi.» - Espérons et prions,
on aurait bien pu ajouter... «et prions pour que les autres
hommes soient sauvés aussi, et qu'il y ait des vocations pour aller
les sauver», d'où l'esprit missionnaire de l'Église.
Et puis un nouveau schéma, qui est opposé à celui-là,
dans lequel il est dit, le Salut Alliance. «L'avenir de l'humanité.»
- De l'humanité, déjà voyez, on est un peu perdu,
qu'est-ce que ça signifie exactement? «L'avenir de l'humanité,
c'est l'alliance de Dieu, scellée en Jésus le jour de Pâques;
alors que nous ignorions Dieu, la communauté des croyants en répond
dans l'Histoire.» Et voici ce que dit l'auteur de ce schéma:
«Ces deux schémas essayaient de cerner dans les grandes
lignes, deux conceptions du salut. Ils se voulaient sommaires, qu'on ne
les prenne donc pas pour des credos, qui disent tout l'essentiel. Répétons-le,
il ne s'agit que de schémas, et le catéchiste peut être
convaincu de la convenance pour notre temps d'une présentation
du salut, analogue à celle du second schéma; mais il doit
se garder de mépriser ceux qui se reconnaissent dans le premier
schéma.» C'est très grave: on nous présente
un schéma de salut qui n'est plus celui qui a été
enseigné pendant deux mille ans par l'Église. Des mots vagues:
«l'avenir de l'humanité», «l'alliance
avec Dieu », qu'est-ce que cela signifie? On nous parle de
la Vérité qui se crée, qui se fait en nous. On retrouve
toutes les erreurs modernistes qui ont été condamnées
par le pape s. Pie X. Je regrette d'être obligé de constater
cela, mais nous sommes obligés de le constater. Il ne faut pas
avoir peur de l'affirmer, parce que, peu à peu, nous deviendrons
des protestants, des modernistes. Il n'y a aucun doute, nous serons empoisonnés
lentement, mais sûrement. Et nous arriverons à nous retrouver,
comme se sont retrouvés ariens au temps de l'arianisme, la plupart
des fidèles et des évêques..., nous nous retrouverons,
protestants et modernistes, sans nous en rendre compte.
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Arius
(4th Century)
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Deuxième
blessure qui est faite au prêtre: on enlève au prêtre,
au fond, sa véritable raison d'être. Quelle est
la véritable raison d'être du prêtre dans toutes les
religions? Prêtre et Sacrifice, ce sont deux notions absolument
nécessaires et liées entre elles d'une manière absolue.
Il n'y a pas de sacrifice sans prêtre, il n'y a pas de prêtre
sans sacrifice - on ne peut pas comprendre la notion du prêtre sans
sacrifice - on ne peut pas comprendre le sacrifice sans un prêtre
-, et cela vaut dans toutes les religions, et à plus forte raison
dans notre sainte Religion. C'est Dieu lui-même qui a pris soin
de nous donner ce sacrifice, de nous le remettre dans les mains, et de
faire un sacrement spécial qui donne un caractère au prêtre;
caractère qui l'associe, qui lui fait participer au Sacerdoce de
Notre Seigneur, pour offrir le Sacrifice. Le Sacrifice unique de la Croix
se continue sur nos autels. C'est le même prêtre, c'est la
même Victime qui s'offre sur l'autel. C'est Notre Seigneur qui est
le vrai prêtre. Nous ne sommes que des instruments, prêtres
qui sommes consacrés, qui avons reçu ce caractère.
Nous ne sommes que des instruments du Prêtre unique qui est Notre
Seigneur, pour offrir l'unique victime qui est Notre Seigneur aussi, présent
sur l'autel.
Voyez
l'importance de garder les notions fondamentales. Pour un séminariste,
quelle est la chose la plus belle: l'appel de monter à l'autel.
Pendant tout notre séminaire nous avons vécu cela: passer
par les ordres mineurs puis devenir sous-diacre, diacre, - bientôt
je monterai à l'autel: j'offrirai le Corps et le Sang de Notre
Seigneur, je pourrai, en prononçant les paroles de la consécration,
faire descendre Dieu sur l'autel, comme la Vierge Marie dans son Fiat
a fait descendre Notre Seigneur dans son sein. J'aurai la même puissance
que la Très Sainte Vierge Marie quand elle a dit son Fiat. Quand
nous, nous prononçons les paroles de la consécration, Jésus
descend du ciel sous les espèces du Pain et du Vin. C'est une dignité
invraisemblable, incroyable, pour la pauvre créature que nous sommes.
Alors il vaut la peine d'être prêtre pour monter à
l'autel, pour offrir le Divin Sacrifice, pour continuer le Sacrifice de
la Croix. Et c'est cela la liturgie, c'est cela la Messe. Donner la sainte
communion: que peut faire de mieux le prêtre que de donner la sainte
communion? Il ne peut rien faire de mieux que de donner Notre Seigneur
Jésus-Christ présent dans l'Eucharistie, c'est la raison
même de son célibat. N'allons pas chercher ailleurs. On dit
souvent: le célibat du prêtre, c'est pour faciliter son ministère;
le prêtre est très surchargé par son ministère,
il doit pouvoir être à la disposition des fidèles
de nuit et de jour, par conséquent, le prêtre doit être
célibataire et doit être vierge. Mais non, ce n'est pas que
cela. S'il n'y avait que cela, mais alors les médecins qui sont
ici peuvent le dire: eux aussi sont appelés de jour et de nuit,
eux aussi sont occupés toute la journée, s'ils veulent se
dévouer un peu auprès de leurs malades. Ils ont encore moins
de temps que le prêtre probablement. Et puis, bien d'autres personnes
qui sont ici, qui sont occupées aussi à d'autres professions.
Il y a autre chose : c'est la grandeur de son sacerdoce. C'est sa proximité,
son intimité avec Dieu. Précisément, par la faculté
qu'il a de prononcer les paroles de la consécration, et de faire
descendre Notre Seigneur sur l'autel. C'est cela, la raison profonde de
la virginité du prêtre. De même, i1 est normal que
la Vierge fût vierge, parce qu'elle était unie si intimement
au mystère de la Trinité et au mystère de l'Incarnation,
qu'il était normal qu'elle fût vierge. Eh bien ! De même
pour le prêtre, qui est si intimement uni à Dieu, si près
de Dieu, si près de Notre Seigneur Jésus-Christ, il est
normal aussi qu'il donne toute sa vie et toute son activité pour
Dieu.
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Mgr
Lefebvre donnant la Sainte Communio
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Si on
définit comme cela le sacerdoce, on comprend qu'il vaille la peine
d'avoir une vocation sacerdotale. Par contre, si lentement, mais sûrement,
on dénature le sacrifice de la Messe, pour en faire uniquement
un repas, un simple repas mémorial de la Cène, alors ce
n'est plus la peine d'être prêtre. Ça ne vaut pas la
peine, parce que ce repas mémorial, un président d'assemblée
peut le faire. En effet, il suffit de désigner l'un d'entre nous
pour faire ce mémorial. Il n'y a plus besoin d'avoir de caractère
sacerdotal, puisqu'il n'y a plus de sacrifice. Parce qu'alors, la présence
réelle n'est plus nécessaire non plus. Pourquoi la présence
réelle de Notre Seigneur est-elle nécessaire? Parce que,
précisément, il faut offrir la victime. Pour qu'il y ait
sacrifice, il faut que la victime soit présente. Mais, s'il n'y
a plus de sacrifice, plus besoin de victime. S'il n'y a plus de victime,
plus besoin de présence réelle de Notre Seigneur, une présence
spirituelle suffit largement. Si on transforme le sacrifice en repas,
nous prenons tout à fait la pensée protestante. Il faut
bien le dire, les faits sont là; encore une fois, je n'invente
pas, je vais vous donner quelques exemples. Voici, par exemple, la petite
brochure qui est éditée au sujet des Messes de petits groupes
et de groupes particuliers (Conférence des évêques
suisses et Commission suisse de liturgie). Voici comment y parle-t-on
de la Messe: «Le repas du Seigneur réalise d'abord la
communion avec le Christ. C'est la même communion que Jésus
réalisait durant sa vie terrestre en se mettant à table
avec les pêcheurs, qui se continue dans le repas eucharistique depuis
le jour de la Résurrection. Le Seigneur invite ses amis à
se rassembler et il sera présent parmi eux.» Eh bien
non! Ce n'est pas ça la Messe. Ce n'est pas la Messe, ce repas,
auquel nous convie Notre Seigneur, dans lequel il se trouverait au milieu
de nous, comme il s'est trouvé à un repas, là-bas,
en Palestine. Non, nous participons à sa Chair et à son
Sang, qui sont présents sur le saint autel, et nous L'offrons.
Notre Seigneur s'offre en victime à Dieu pour le salut des âmes,
et c'est ainsi que se continue la Rédemption, c'est ainsi que se
continue l'expiation des péchés. Parce que s'il n'y a plus
de Sacrifice, s'il n'y a plus de sang qui est répandu, il n'y a
plus non plus la rémission des péchés. Un simple
souvenir mémorial ne suffit pas pour la rémission des péchés.
Et
voici bien d'autres documents: par exemple, l'École théologique
du soir de Strasbourg: «Nous devons reconnaître aujourd'hui
que nous sommes en présence d'une véritable mutation culturelle.
Une certaine manière de célébrer le mémorial
du Seigneur était liée à un univers religieux qui
n'est plus le nôtre.» Moyennant quoi, évidemment,
on change toute la définition de la Messe. Cette idée du
changement, qu'aujourd'hui nous sommes complètement différents,
que nous n'avons plus aucune idée semblable à celles qu'ont
eues ceux qui nous ont précédés, n'est-ce pas une
absurdité? Est-ce que nous sommes vraiment des hommes complètement
différents de ceux qui sont nés il y a un siècle?
On nous répète ça à satiété,
pour nous amener à changer notre Foi. Si tout change, si le Monde
change, si l'humanité change, si nos conditions changent, comme
on le prétend ici: «le mémorial du Seigneur a
été lié à un univers religieux qui n'est plus
le nôtre». C'est vite dit, et tout disparaît: «un
univers religieux qui n'est plus le nôtre». Alors il
faut commencer à zéro. Commencer, et on en arrive à
ce que dit ce doyen de la Faculté de théologie de Strasbourg
au sujet de la présence réelle de Notre Seigneur: «On
parle aussi de la présence d'un orateur, d'un acteur, désignant
par là une qualité autre qu'un simple ‘être
là’ topographique. Enfin, quelqu'un peut être présent,
par une action symbolique, qu'il n'accomplit pas physiquement, mais que
d'autres accomplissent par fidélité créatrice à
son intention profonde. Par exemple, le festival de Bayreuth réalise,
sans doute, une présence de Richard Wagner, qui est bien supérieure
en intensité à celle que peuvent manifester des ouvrages
ou des concerts occasionnels, consacrés au musicien. C'est dans
cette dernière perspective, me semble-t-il, qu'il convient de situer
la présence eucharistique du Christ.» On joue un morceau
d'un auteur et la présence de cet auteur est semblable à
la présence de Notre Seigneur dans l'Eucharistie. Enfin! Un doyen
de la Faculté de théologie de Strasbourg! Comment voulez-vous
que les séminaristes qui écoutent des choses comme cela,
ensuite, gardent la Foi?... Ce n'est pas moi qui l'invente, je n'invente
rien.
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Mgr
Lefebvre
élève le calice
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Et voici
un autre document du Centre Jean-Bart, centre officiel de l'Évêché
de Paris, il y est dit des choses invraisemblables: «Aujourd'hui
l'Eucharistie du Christ» (c'est du 17 mars 1973), «
La Messe n'est-elle pas le repas du Seigneur, une invitation à
la communion?»... et plus rien du sacrifice. Ensuite: «Au
cœur de la Messe, il y a un récit» - Il y a un
récit ! Et ceci est dit aussi dans la petite brochure des Évêques
suisses, ... «Il y a un récit». Mais non,
ce n'est pas un récit, ce n'est pas un récit le Canon, c'est
une action. Regardez sur les vieux missels d'autel, au-dessus du `Communicantes',
vous verrez `Infra actionem’. Regardez sur vos missels, par curiosité.
`Infra actionem’, ‘durant l'action’.
Qu'est-ce que ça veut dire? Mais c'est que le prêtre fait
une action, une action sacrificielle. C'est une action que la transsubstantiation,
c'est une action que le sacrifice, ce n'est pas simplement une narration.
C'est pourquoi le prêtre va se pencher et se préparer à
cette action extraordinaire, qui va s'accomplir au moment où Notre
Seigneur sera présent sur le saint Autel. C'est à ce moment
que Notre Seigneur de nouveau s'offre à son Père et expie
nos péchés. C'est une action, ce n'est pas une narration.
Or, au coeur de la Messe... «c'est un récit».
Mais non, ce n'est pas un récit. «Ce que nous célébrons,
c'est donc le mémorial de notre rédemption. Mémorial,
un mot qu'il faut bien comprendre. Il ne s'agit pas de la commémoration
d'un événement passé, comme si on se réunissait
seulement pour se souvenir. Il ne s'agit pas, non plus, du renouvellement
de cet événement. Le Christ est mort, ressuscité
une fois pour toutes, et cet événement ne peut plus se reproduire...»
«... Ne peut plus se reproduire.» Est-ce que Notre
Seigneur n'est pas capable de faire un miracle, qui nous reproduit son
sacrifice du calvaire? Ils ont l'air de dire que c'est impossible. Il
y a eu le sacrifice du calvaire et c'est terminé pour toujours.
C'est absolument faux, le sacrifice du calvaire est là réellement,
continué sur l'autel, d'une manière non sanglante. C'est
la seule chose qui diffère avec le sacrifice du calvaire. D'un
côté, Notre Seigneur s'est offert d'une manière sanglante,
et sur nos autels, il s'offre d'une manière non sanglante. Mais
son Sang est présent, son Corps est présent. Si on ne croit
plus à ça, on ne croit plus à rien dans la Sainte
Église. Parce que tout est là, voyez-vous, toute la spiritualité
chrétienne est dans le sacrifice de la Messe. Nous ne devons jamais
oublier cela. On a peut-être trop parlé de l'Eucharistie:
Communion; et pas suffisamment du sacrifice de la Messe. Et je pense qu'il
faut revenir aux notions fondamentales, à cette notion fondamentale
qui a été celle de toute la tradition de l'Église:
Le Sacrifice de la Messe, qui est le cœur de l'Église. La
communion n'étant que le fruit, le fruit du sacrifice. La communion
des fidèles une communion à la Victime qui s'offre, qui
s'est offerte. Il faut revenir à ces principes essentiels. Si nous
abandonnons ces principes essentiels, il n'y a plus de raisons du sacerdoce
d'abord. Parce que le prêtre, s'il n'a plus son sacrifice à
offrir, n'a plus de raison d'être. Il n'y a plus de raison d'être
religieux. Pourquoi? Qu'est-ce qu'un religieux? Un religieux est celui
qui offre toute sa vie complète, toute son activité, en
union avec la Victime qui s'offre sur l'autel. La meilleure preuve c'est
que, chaque fois que l'on fait une profession solennelle, chaque fois
qu'il y a profession, ou un renouvellement de profession, c'est toujours
à l'autel. C'est toujours en union avec la Sainte Victime et c'est
ça qui est la joie, la consolation des religieux et des religieuses
de savoir que, publiquement, officiellement dans l'Église, et reçus
par l'Église, ils se sont offerts définitivement pour toute
leur vie, avec la Victime qui s'offre sur l'autel. S'il n'y a plus de
Victime qui s'offre sur l'autel, il n'y a plus de raison d'être
religieux et religieuses.
Et même
pour vous, chrétiens fidèles, c'est le sens de votre vie
chrétienne. Quel est le sens de votre vie? Quel est le sens de
votre baptême? Mais c'est de s'offrir, d'offrir vos vies tout entières,
avec Notre Seigneur Jésus-Christ comme Victime sur l'autel. C'est
cela qui est la consolation de vos vies. C'est cela qui, dans vos épreuves,
peut vous soutenir. Allez dans les hôpitaux, allez parler à
ceux qui meurent, qui se préparent à la mort. Si vous ne
leur parlez pas du sacrifice de Notre Seigneur, si vous ne joignez pas
leur sacrifice à celui de Notre Seigneur, vous pouvez parler de
n'importe quoi, ils ne comprendront pas. Mais, parlez-leur de Notre Seigneur
s'offrant sur la Croix, sur les autels, dites-leur: «Unissez
vos souffrances et vos douleurs à celles de Notre Seigneur Jésus-Christ,
en même temps vous sauverez votre âme et vous sauverez celle
des autres.» Alors les malades comprennent que cela vaut la peine
de souffrir. Parmi ceux qui ont été en prison, dans des
camps de concentration, combien sont revenus à la Foi, en
pensant qu'ils souffraient et qu'ils s'offraient avec la victime qui s'offre
sur l'autel. S'il n'y a pas cela, s'il n'y a plus la croix dans nos vies,
voyez-vous, s'il n'y a plus le sacrifice de la croix, et le sacrifice
de l'autel, il n'y a plus rien dans nos vies chrétiennes, c'est
terminé. C'est très important: toute la spiritualité
chrétienne est suspendue en quelque sorte au sacrifice de l'autel.
Donc, nous n'avons pas le droit de dire que la Sainte Messe est un simple
repas.
Or,
que voulez-vous, il faut dire les choses comme elles sont. On nous a remplacé
l'autel du sacrifice qui est un autel de pierre, un autel massif sur lequel
on offre le sacrifice, on l'a transformé en table, qui est une
table de repas. On a enlevé dans bien des cas, les reliques des
martyrs qui étaient dans la pierre d'autel. Il y avait au moins
une pierre d'autel qui représentait justement la pierre du sacrifice,
parce que le sacrifice se fait sur un autel de pierre. Et les reliques
des martyrs, pourquoi les reliques des martyrs? Parce qu'ils ont offert
leur sang pour Notre Seigneur Jésus-Christ. Cette communion du
sang de Notre Seigneur, avec le sang des martyrs, n'est-ce pas là
une évocation admirable qui nous encourage justement à offrir
nos vies avec celle de Notre Seigneur, comme l'ont fait les martyrs? Mais
maintenant, on supprime les reliques des martyrs. Si la Messe est un repas,
je comprends très bien que le prêtre se tourne vers les fidèles.
On ne préside pas un repas en tournant le dos aux convives. Mais,
par contre, si c'est un sacrifice, le sacrifice s'offre à Dieu,
il ne s'offre pas aux fidèles. Alors on comprend que le prêtre
soit à la tête des fidèles et se tourne vers Dieu,
se tourne vers le Crucifix, il offre le sacrifice à Dieu. Quand
il doit parler aux fidèles pour l'enseignement, il est très
normal qu'il se tourne vers les fidèles. Mais dès que le
prêtre s'adresse à Dieu, c'est lui qui agit, à partir
de l'Offertoire, c'est lui qui entre en action, avec son caractère
sacerdotal, ce ne sont pas les fidèles. Là encore, il y
a une notion confuse: on mélange le sacerdoce des fidèles
et le sacerdoce des prêtres. Le sacerdoce des prêtres est
essentiellement différent de celui des fidèles. C'est ce
qu'ont dit les cardinaux, lorsqu'ils ont fait leurs commentaires du catéchisme
hollandais. Ils ont demandé que le catéchisme hollandais
revienne sur cette notion: le sacerdoce ministériel. Il y a dix
points sur lesquels ils ont demandé au catéchisme hollandais
de changer le texte. On n'a rien changé du tout. On a mis cette
déclaration de la Commission cardinalice sur ce nouveau catéchisme
à la fin de l'édition, mais elle a bien vite disparu. Et
maintenant les catéchismes hollandais sont traduits dans toutes
les langues, et on n'y voit pas les transformations faites, demandées
par les cardinaux, sur des points capitaux, sur des points fondamentaux
de notre Foi. «Qu'on évite de diminuer la grandeur du
sacerdoce ministériel qui, dans sa participation au sacerdoce du
Christ, diffère du sacerdoce commun des fidèles d'une manière
non seulement graduelle, mais essentielle.» Voilà ce
que disent les cardinaux. Or, il ne faut pas oublier que la plupart des
catéchismes ont été faits sous l'influence du catéchisme
hollandais, le nouveau catéchisme.
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Année Scolaire 1986-1987,
Écône, Suisse |
Ce
sont autant de choses qui sont très graves, que nous n'avons pas
le droit de minimiser. Si on tend à faire du sacrifice de la Messe
un repas, il est très normal aussi qu'on communie dans la main;
si c'est un repas, on distribue un pain, qui est un souvenir, un mémorial.
Mais quand on sait que Notre Seigneur est présent! Quand on sait
ce qu'est Notre Seigneur! Certes nous ne savons pas, nous sommes incapables
de nous rendre compte! Qu'on songe que tous les anges du ciel s'inclinent
devant Notre Seigneur, que tout genou fléchira au seul nom de Jésus,
dans le ciel, sur la terre, et dans les enfers. Alors nous, nous avons
peur de nous mettre à genoux, devant Celui dont le seul nom prononcé
fera mettre à genoux toute l'humanité au moment du jugement
dernier, toutes les âmes qui sont au ciel, tous les anges, et tous
ceux qui sont en enfer. Nous devrions réfléchir à
ces choses-là.
Enfin,
dernière blessure qui est faite au prêtre, on lui enlève
son catéchisme. Je viens déjà d'en
parler, donc je n'insisterai pas beaucoup. Mais on a transformé
le catéchisme, et ce catéchisme est fait sous l'inspiration
du catéchisme hollandais. Je lisais, il n'y a pas très longtemps,
dans une enquête faite par le Pèlerin, un questionnaire à
des mères de famille auxquelles on demandait ce qu'elles pensaient
du nouveau catéchisme et des nouvelles méthodes et du nouvel
enseignement qui étaient faits pour leurs enfants. Eh bien ! Je
ne crois pas me tromper, sur neuf ou dix réponses qui étaient
données, il n'y en avait que deux qui étaient un peu favorables
à la nouvelle méthode et au nouveau catéchisme. Toutes
les autres réponses des mères de famille étaient
défavorables: «Nous nous rendons compte, disaient-elles,
que nos enfants ne savent plus rien, ils ne savent même plus leurs
prières, ils ne savent plus se confesser, ils ne retiennent rien.»
C'était la conclusion des mères de famille, dans le Pèlerin.
C'est tout de même grave. Or, nous entendons tous les jours ces
plaintes. J'avais pensé faire, pour mes séminaristes, une
année de spiritualité avant le séminaire, une véritable
année de spiritualité, telle qu'on pouvait la concevoir
autrefois, c'est-à-dire l'ascétisme, la mystique. Leur parler
des vertus, des dons, des béatitudes, que sais-je, de la présence
du Saint-Esprit en eux, de la grâce surnaturelle, et des choses
de ce genre. Mais nous nous sommes aperçus qu'ils ne connaissent
même plus les notions fondamentales. A ces jeunes gens, qui viennent
pour être prêtres, et qui ont un désir d'être
de vrais prêtres, nous avons été obligés, en
définitive, pendant cette année de spiritualité,
de leur faire tout simplement un catéchisme expliqué. Il
a fallu reprendre toutes les notions. C'est inimaginable, c'est d'une
gravité incroyable. Est-ce que oui ou non, nous avons conscience
que notre Foi, c'est la Vie Éternelle? Dans le baptême, quand
le prêtre baptise, il demande bien au parrain: «Que vous
procure la Foi?» - La Foi vous procure la Vie Éternelle.
La Vie Éternelle est-elle quelque chose pour nous? Ou bien n'est-elle
rien? Si vraiment la Foi nous procure la Vie Éternelle, nous n'avons
pas le droit de minimiser notre Foi, avec des: «Qu'est-ce que
vous voulez», ou bien, «On nous dit qu'il faut faire
cela. On nous dit qu'il faut penser comme cela… Que voulez-vous
que j'y fasse? Moi je n'y connais rien...» Vous n'avez pas
le droit de dire cela, vous avez été éduqués
dans la Foi. On n'a pas le droit de changer la Foi. Saint Paul l'a dit
lui-même, si un ange venait du ciel et vous disait le contraire
de ce que je vous ai dit, ne l'écoutez pas. Voilà ce que
disait saint Paul à ses fidèles. Ce ne sont pas des idées
personnelles, encore une fois, que je défends, c'est toute la tradition
de l'Église. Nous n'avons pas le droit de minimiser notre catéchisme.
Il faut revenir à nos anciens catéchismes. Il le faut. Sinon
nos enfants ne sauront plus rien, et ils perdront la Foi. On n'a pas le
droit de laisser les enfants abandonner la Foi catholique. Il faut leur
apprendre le vrai catéchisme.
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Le
Père
Hans Küng
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Voilà
donc la situation actuelle du Sacerdoce. Mais, enfin, comment a-t-on pu
arriver à des choses comme celles-là ? C'est inimaginable.
Comment peut-on penser, qu'on met maintenant dans les mains des enfants,
des catéchismes qui ne reflètent plus vraiment la Foi traditionnelle?
Je regrette de n'avoir pas apporté ici les catéchismes canadiens
pour montrer ce que sont ces catéchismes. C'est une aberration,
une abomination... Évidemment, la plupart des catéchismes
et des livrets de catéchisme ont de longs développements
sur la vie sexuelle. Vraiment on croirait qu'il n'y a plus que cela à
enseigner aux enfants. Et encore, de quelle manière! D'une manière
qui leur donne une espèce d'obsession. Sur toutes les pages de
ces catéchismes et de ces deux ou trois livrets qui parlent de
ces choses, on ne voit qu'en grosses lettres: Sexe, Sexe, Sexe, partout,
sur toutes les pages, de quoi obséder... Obséder absolument
l'enfant. Quand on pense qu'à la fin de ces catéchismes,
il y a un imprimatur: Monseigneur Couderc, Évêque de Saint-Hyacinthe,
Président de la Commission épiscopale catéchétique.
J'avoue que, pour moi, ce sont des mystères, je ne comprends pas.
Comment en est-on arrivé là? Eh bien! Je crois qu'il faut
voir les choses de loin. Évidemment, on pourrait remonter, bien
sûr, au péché originel. On peut remonter aussi au
diable, il est là certainement, il n'y a pas de doute. Parce que
pour accomplir une action pareille dans l'Église, arriver à
cette autodestruction dans l'Église, dont a parlé le saint
Père Paul VI, il faut que le diable soit là, ce n'est pas
possible autrement. Et il y est, soyez sûrs.
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