Convictions

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Avril - Juin 2006, No. 4
 
En Couverture
Notre Combat!
Par M. l`abbé Patrick Girouard FSSPX

Mgr Lefebvre Explique Pourquoi Nous Devons Combattre La Nouvelle Église


1ère PARTIE: Crise de l'Église ou crise du Sacerdoce

(Conférence prononcée à Tourcoing le 30 janvier 1974 à l'instigation de M. Michel Lefebvre.)

Mesdames, Messieurs,

Je me dois de remercier mon frère Michel de m'avoir présenté et je le remercie ainsi que les personnes qui, avec lui, se sont dévouées pour préparer cette salle de conférence et envoyer les invitations auxquelles vous avez largement répondu, je vous en remercie. Je tiens également à remercier M. le Maire de Tourcoing, qui a bien voulu être présent, ici, à cette conférence, et je dois vous dire toute la joie que j'éprouve à me retrouver parmi mes concitoyens, concitoyens qui s'étendent un peu au-delà de la commune, disons concitoyens du département, car j'ai fait de nombreuses conférences en France et à l'étranger sur le sujet dont je vais vous parler ce soir.

Mais d'abord, je voudrais parler de mes rapports avec les différents mouvements traditionalistes. Je pense que c'est une question préalable qu'il est bon d'éclairer parce que je ne viens pas ici, la preuve en est que c'est mon frère qui m'a présenté, je ne viens pas appelé par un groupement. Certes, tous ceux qui travaillent à la défense de la Foi, à la conservation de la Foi catholique, je ne puis que les encourager. C'est pourquoi, il m'arrive en effet d'encourager ces mouvements, mais je ne veux pas pour autant être lié à l'un ou l'autre; je tiens à garder une indépendance totale. On a voulu, par exemple, me faire dire que c'était moi qui avais pris l'initiative de l'achat du petit séminaire de Flavigny: ce n'est pas exact. Je n'ai aucune responsabilité dans cet achat du petit séminaire de Flavigny: c'est M. l'Abbé Coache qui en a pris l'initiative. Il m'a demandé si je l'encourageais, je lui ai dit qu'en effet, il manquait de petits séminaires actuellement en France, et que s'il y avait un bon petit séminaire, je ne pouvais que m'en réjouir. Je voudrais aussi, avant d'entrer dans le vif du sujet, vous dire que les jugements que je porterai sur les documents que j'ai ici, et sur d'autres documents, ne signifient pas que je porte un jugement sur les personnes qui les ont écrits. Je préfère laisser à Dieu de juger les personnes. Mais il me semble que devant des documents qui nous sont donnés, même venant de Rome, des documents importants qui touchent à notre Foi, nous ne pouvons pas rester indifférents. Nous sommes obligés de juger selon la tradition, selon la Foi de l'Église, selon l'enseignement du magistère de l'Église afin de savoir si tel ou tel document est bien conforme à l'orthodoxie que l'Église nous a toujours enseignée. Mais je ne veux pas porter de jugement sur les personnes. Le Saint-Office, quand il juge d'un document, le juge d'après la teneur des phrases et des paroles qui se trouvent dans le document. On a reproché au Cardinal Ottaviani, étant encore Préfet ou tout au moins Secrétaire du Saint-Office, de ne pas appeler à Rome ceux dont on jugeait les ouvrages. Il a répondu: « il n'est pas nécessaire de connaître l'auteur d'un ouvrage pour dire que des propos tenus dans cet ouvrage sont bons ou mauvais » Il n'est pas nécessaire de connaître l'auteur d'un poison pour qu'un pharmacien puisse dire que tel ingrédient est nocif. Je voudrais me placer dans cette optique, dans laquelle se place le Saint-Office, pour juger les documents, juger sur pièces.

Enfin je vous dis que je ne suis pas venu pour faire une quête pour le Séminaire. Bien qu'évidemment, je recevrai volontiers ce que vous voudrez me donner; mais la Providence pourvoit à mes besoins financiers d'une manière absolument incroyable. J'en remercie surtout Saint-Joseph qui est notre pourvoyeur. Je ne viens même pas pour faire du recrutement pour le Séminaire, rechercher des vocations de Séminaristes, vocations de Frères, car nous avons aussi des Frères dans notre Fraternité. Nous avons également maintenant des Religieuses, nous commençons à avoir des Postulantes. Si Dieu nous en envoie, Deo Gratias, mais ce n'est pas pour cela que je viens. Si j'accepte de faire des conférences, sincèrement c'est pour défendre, protéger et raviver notre Foi. Je pense que nous vivons un temps où notre Foi est attaquée de toutes parts, elle est vraiment en danger. Notre Foi est en danger, de l'intérieur même de l'Église, il faut le dire. Nous recevons maintenant des publications, des enseignements qui ne sont plus conformes à l'orthodoxie, qui ne correspondent pas à la Foi catholique, à la Foi qu'on nous a toujours enseignée, à la Foi qui est enseignée par tous les conciles. Alors nous ne pouvons pas rester indifférents devant cette situation tragique. Je voudrais précisément prendre comme exemple de cette situation, celle qui me semble la plus dramatique, celle qui nous touche au plus profond de notre cœur et de notre Foi de chrétien et de catholique, c'est celle du Sacerdoce. Car si l'Église est touchée, si l'Église est en danger, c'est d'abord le Sacerdoce qui en subit les conséquences. Rien ne peut toucher l'Église sans atteindre immédiatement celui qui est au cœur de l'Église: le prêtre. Et c'est pourquoi je voudrais d'abord vous exposer quelle est cette crise du Sacerdoce, en quoi elle consiste.


En quoi consiste la crise du Sacerdoce

Saint Paul dit à Timothée dans sa première Epître: «Depositum custodi», garde le dépôt. Déjà à cette époque-là, quel était ce dépôt, sinon les vérités que saint Paul avait pu enseigner à Timothée. Garde ces vérités, garde-les précieusement.

«Devita profanas vocum novitates.» Fais attention aux mots nouveaux. Non pas seulement les idées nouvelles, mais même les mots nouveaux. Prends garde à ce qui a une apparence de fausse science, prends garde à la fausse science, car ceux qui parlent de cette manière perdent la Foi. «Circa fidem exciderunt.» Ils perdent la Foi. Ainsi, nous devons, nous aussi, faire attention à tout ce que nous recevons, à tout ce qui nous est actuellement mis dans les mains. Parlons donc de cette crise du Sacerdoce: le fait de la crise. Je pense que vous la connaissez aussi bien que moi, je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails, nous pourrions donner des statistiques, nous pourrions donner des faits, mais ces faits, malheureusement disons-le, ont paru à la télévision. Depuis dix ans, on parle beaucoup du prêtre, et on en parle de toutes les manières. Sans doute, il y a des manières de parler du prêtre qui sont inexactes. Mais malheureusement nous sommes bien obligés de constater qu'il y a des faits, douloureux, de prêtres qui abandonnent leur sacerdoce, leur activité sacerdotale. Certains avec autorisation, d'autres sans autorisation; d'autres dans des cas vraiment pénibles; d'autres semblent avoir perdu la Foi dans ce qu'ils peuvent affirmer. D'autres souffrent, et je pense que c'est le groupe le plus nombreux: celui des prêtres qui souffrent de la crise de l'Église, parce que le prêtre, qui est précisément l'homme de Dieu, l'homme de l'Église, ne peut pas ne pas souffrir en voyant sa Mère attaquée comme elle l'est et subir une crise qui rarement a été aussi grave que celle que nous subissons aujourd'hui.

Aussi il nous est bon de préciser d'une manière plus claire, plus nette, ce en quoi consiste cette crise du Sacerdoce. Il me semble qu'on enlève au prêtre sa Mère qui est l'Église. On tend du moins à dénaturer sa Mère qui est l'Église, on tend à lui enlever ou à dénaturer ce qu'il a de plus cher, qui est le sacrifice de la Messe, sa liturgie. Et enfin on lui enlève son catéchisme. Dites-moi ce qu'il reste au Prêtre si on lui enlève sa Mère l'Église, si on lui enlève son sacrifice de la Messe, et si on lui enlève son catéchisme. Que reste-t-il au prêtre?

  St Timothée
 
St Timothée (c. 97)

Première douleur du prêtre: on dénature son Église. Quel était l'idéal du prêtre, que pensait le séminariste qui entrait au séminaire, du moins en notre temps? Pour servir l'Église, pour servir sa Mère l'Église. Pourquoi? Parce qu'il croyait que l'Église était le seul moyen de salut, le seul moyen par lequel les âmes pouvaient se sauver. Alors il valait la peine de consacrer sa vie à l'Église pour sauver les âmes. Mais si on n'a plus la Foi en cette Église, si on croit que toutes les religions sauvent les âmes, dans ce cas, à quoi bon servir l'Église? Laissons les âmes dans leur religion, laissons à chacun sa conscience, ce n'est pas la peine de se sacrifier si le salut des âmes est assuré par toutes les religions. On dénature l'Église. L'Église n'est plus présentée comme une société nécessaire au Salut. Comme la voie nécessaire au salut. Elle est présentée comme un moyen utile au Salut, et ceci est complètement différent. C'est changer la définition même de l'Église et ceci est très très grave, car c'est couper à la racine, tout l'esprit missionnaire de l'Église. Pourquoi les missionnaires ont-ils traversé les océans, pourquoi aller s'exposer à des maladies tropicales qui les exterminent, si ce n'est pas pour sauver les âmes? Si leur présence est inutile pour le salut des âmes, mais utile seulement pour un progrès, pour un développement social, pour une justice sociale, pour un progrès matériel. Ce n'est pas pour cela que le prêtre s'est fait prêtre, ce n'est pas pour cela que le missionnaire traverse les océans, c'est pour convertir les âmes, parce qu'il est persuadé que beaucoup d'âmes se perdent, si elles ne connaissent pas Notre Seigneur Jésus-Christ. De plus, il est faux que l'on peut se sauver par d'autres religions. Je dis bien par d'autres religions, je ne dis pas dans les autres religions. II est faux que l'on se sauve par les autres religions, on ne peut se sauver que par l'Église catholique, que par Notre Seigneur Jésus-Christ. I1 n'y a pas d'autre nom sous le Ciel qui soit donné pour notre salut. C'est bien ce que saint Pierre nous a dit: «Pas d'autre nom sous le Ciel que celui de Notre Seigneur Jésus-Christ.» Et par conséquent, pas d'autre moyen que son Église qui est son Épouse mystique, à laquelle Notre Seigneur a donné toutes ses grâces. Aucune grâce en ce monde, aucune grâce dans l'histoire de l'humanité ne sera distribuée sans passer par l'Église, et sans passer par la très Sainte Vierge Marie. Alors les âmes ne peuvent pas se sauver dans les autres religions? Mais si, elles peuvent se sauver. Comment se sauvent-elles ? Elles se sauvent par le baptême de désir, mais pas explicite. Vous savez qu'il y a trois espèces de baptême: le baptême de l'eau, le baptême du sang, le baptême de désir. Le baptême de désir peut être explicite, comme c'est le cas des catéchumènes que nous avions en Afrique; comme il y en a encore maintenant: des personnes, des adultes qui demandent le baptême, donc qui ont le désir explicite du baptême, et qui peuvent se sauver, même avant de recevoir le baptême de l'eau. Quelquefois nous avions en Afrique de braves catéchumènes qui nous disaient: «Mais mon Père, si je ne suis pas baptisé, si je meurs maintenant, je vais en enfer». Nous leur répondions: «Mais non, si vous avez votre coeur bien disposé, si vous aimez le Bon Dieu, si vous voulez faire sa volonté et que vous avez le désir du baptême, vous avez déjà la grâce.» Évidemment elle sera plus complète, plus abondante, le jour où ils recevront le baptême, à moins qu'il y ait un obstacle, qu'il y ait péché grave et qu'ils s'attachent à leurs péchés graves. Donc il y a le baptême de désir explicite pour les catéchumènes, et le baptême de désir implicite, qui est dans l'acte de faire la volonté de Dieu. Les âmes qui sont donc protestantes, bouddhistes, musulmanes, et qui ont ce désir sincère de faire la volonté du Bon Dieu, implicitement, peuvent avoir le désir du baptême, et donc recevoir la Grâce surnaturelle, la Grâce de la vie éternelle, mais ceci par l'Église. Donc le baptême, par ce désir implicite, les rattache à l'âme de l'Église, et c'est par l'Église qu'ils peuvent se sauver, mais jamais par leur religion. Les fausses religions sont contraires à l'Esprit saint, elles ne peuvent pas être la voie de l'Esprit saint. Qu'on lise ce que dit l'Église dans les documents officiels: voici un document qui est dans ce petit livre que beaucoup d'entre vous connaissent sans doute: La Foi Catholique, du Père Dumeige. Voici ce que dit ce document qui avait été préparé pour le concile Vatican I: «L'Église est une société absolument nécessaire pour obtenir le salut. Par là tous peuvent comprendre que l'Église du Christ est la société nécessaire pour obtenir le salut. Sa nécessité est aussi forte que celle de la participation et de l'union au Christ et à son corps mystique. Elle est absolument nécessaire, et non pas seulement en vertu du précepte du Seigneur, mais nécessaire aussi comme un moyen, puisque, dans l'ordre du salut voulu par la Providence, la communication du Saint-Esprit, la participation à la vérité, à la vie, ne s'obtiennent que dans l'Église et par l'Église, dont la tête est le Christ, voilà la doctrine de l'Église.» De plus c'est un dogme de Foi, qu'hors de l'Église personne ne peut être sauvé. On a la Foi ou on ne l'a pas, ce n'est pas moi qui l'invente, ce ne sont pas des idées personnelles, c'est la doctrine de l'Église. Or, maintenant, on a l'impression, dans tous les documents qui nous sont donnés, on a l'impression que dans toutes les religions on peut se sauver, que toutes les religions mènent au salut de l'humanité, que nous marchons tous ensemble vers notre salut. Ce sont des choses absolument fausses et qui ruinent encore une fois l'esprit missionnaire de l'Église. Pas étonnant qu'il n'y ait plus de vocation missionnaire.

Le 1er Concile du Vatican
Le 1er Concile du Vatican (1869-1870)

De même donc que l'on dénature l'Église et que le prêtre ne sait plus exactement ce pourquoi il a été ordonné; de même on a aussi dénaturé la définition de sa Foi. Et ceci est une chose peut-être difficile à comprendre, mais qui pourtant est une chose absolument capitale dans la sainte Église. Il y a une définition de la Foi, on ne peut pas la changer. Or, on est en train de nous changer aussi la définition de la Foi. La Foi est l'adhésion de l'intelligence à la vérité révélée par le Verbe de Dieu, à cause de l'autorité de Dieu qui révèle. Nous croyons à une vérité qui nous vient du dehors, du Verbe de Dieu, et qui doit être crue à cause de l'autorité de Dieu qui révèle. Voilà ce que c'est que la définition de la Foi. Or que fait-on de la Foi maintenant? Un sentiment intérieur. C'est la définition de Foi moderniste, condamnée par le pape s. Pie X. La Foi n'est pas un sentiment personnel, n'est pas quelque chose de purement subjectif, une adhésion de l'âme à Dieu, chacun pour soi, chacun dans sa conscience, ce n'est pas ça la Foi: cela c'est précisément ce qui corrompt toute l'autorité de Dieu, toute l'autorité de l'Église. Mais parce que la Foi nous vient de l'extérieur, nous sommes obligés de nous y soumettre, tout le monde est obligé de s'y soumettre. «Celui qui croit sera sauvé, celui qui ne croit pas sera condamné.» C'est bien ce qu'a dit Notre Seigneur. Donc la Foi est absolument imposée, nous est imposée de l'extérieur, ce n'est pas un sentiment purement personnel, une affection pour Dieu, un sentiment envers la divinité. Or, c'est cela qu'ont pensé les modernistes et que pensent actuellement malheureusement beaucoup de personnes qui commencent à transformer le concept de la Foi. Et ceci fait comprendre pourquoi on dit que toutes les religions sauvent, parce que chacun a une Foi selon sa conscience, donc toutes les Fois sauvent. Les consciences sont différentes, l'un croit de cette manière, l'autre croit d'une autre manière, peu importe, pourvu que la conscience soit orientée vers Dieu, on est uni à Dieu. C'est absolument faux. Et voyez, c'est ce que nous dit le serment antimoderniste que tous les prêtres qui sont ici et qui ont un certain âge ont récité, et d'ailleurs nous l'avons encore lu au moment du concile: «Je tiens très certainement, et je professe sincèrement, que la Foi n'est pas un sentiment religieux aveugle, qui émerge des ténèbres du subconscient sous la pression du coeur et l'inclination de la volonté moralement informée. Mais qu'elle est un véritable assentiment de l'intelligence à la vérité reçue du dehors, par lequel nous croyons vrai, à cause de l'autorité de Dieu souverainement véridique.» Voilà ce que c'est que la Foi, et c'est complètement différent. Il est bon que nous répétions ces choses-là, nous les oublions.

Mais je suis obligé malheureusement de vous présenter un document, édité ces dernières semaines, qui vient de la Commission de Catéchèse officielle de l'épiscopat français dont le siège se trouve au bureau de l'Archevêché de Paris. Voici ce que disent ces personnes, au sujet de la Foi. Ce n'est pas moi qui l'invente, que voulez-vous, je ne fais que lire. D'abord, au sujet de la vérité: «La vérité n'est pas quelque chose de reçu, tout fait, mais quelque chose qui se fait.» Donc la vérité est quelque chose qui se fait.» Donc la vérité est quelque chose qui se fait, comme quelque chose qui se crée. L'homme ne reçoit pas la vérité, il la construit. Voyez la différence totale d'optique. Recevoir la vérité de Dieu, du Verbe de Dieu, de l'Église, du Magistère de l'Église, c'est une chose. Ce qui a toujours été dit. Nous avons reçu notre catéchisme, nous l'avons étudié, comme quelque chose qui nous venait de Dieu. Et nous y croyons, parce que c'est l'autorité de Dieu qui le révèle. Mais la vérité ne se crée pas, elle ne se crée pas à partir du subconscient, à partir de nous-mêmes, ce n'est pas nous qui créons la vérité. C'est terrible n'est-ce-pas, ce sont des choses qui sont très graves, très graves. De tout ceci il résulte des conséquences extrêmement importantes pour notre Foi, par exemple, «Car nous percevrons alors qu'elle est toute autre chose qu'une croyance ou une adhésion intellectuelle à des choses que l'on croit; mais bien plutôt une vie actuelle et active de relations entre Dieu et l'Homme.» Ce n'est plus la Foi, c'est la Foi moderniste. Je regrette infiniment que ce soit des documents qui viennent de Commissions officielles de l'épiscopat, je le regrette... Vous avez entendu ce que je viens de vous lire de la Foi qui nous a toujours été enseignée, et voilà ce qu'on nous dit ici, dans ces documents! C'est très regrettable! Ou nous croyons, ou nous ne croyons pas. Ou nous croyons en l'autorité de Dieu, ou nous n'y croyons pas.

II en est de même pour le dogme de notre salut. Voici la fiche du salut: «Le Salut, deux schémas catéchétiques.» Le Salut réparation, c'est le salut traditionnel, et voilà la fiche traditionnelle: «Nous avions perdu la Grâce de Dieu, mais le Christ nous a rachetés par sa croix, et il a remis à l'Église les moyens de Salut.» - Très bien, c'est en effet ce que l'on nous a toujours appris, que c'est l'Église qui nous sauve. «Espérons que les autres hommes pourront être sauvés aussi.» - Espérons et prions, on aurait bien pu ajouter... «et prions pour que les autres hommes soient sauvés aussi, et qu'il y ait des vocations pour aller les sauver», d'où l'esprit missionnaire de l'Église. Et puis un nouveau schéma, qui est opposé à celui-là, dans lequel il est dit, le Salut Alliance. «L'avenir de l'humanité.» - De l'humanité, déjà voyez, on est un peu perdu, qu'est-ce que ça signifie exactement? «L'avenir de l'humanité, c'est l'alliance de Dieu, scellée en Jésus le jour de Pâques; alors que nous ignorions Dieu, la communauté des croyants en répond dans l'Histoire.» Et voici ce que dit l'auteur de ce schéma: «Ces deux schémas essayaient de cerner dans les grandes lignes, deux conceptions du salut. Ils se voulaient sommaires, qu'on ne les prenne donc pas pour des credos, qui disent tout l'essentiel. Répétons-le, il ne s'agit que de schémas, et le catéchiste peut être convaincu de la convenance pour notre temps d'une présentation du salut, analogue à celle du second schéma; mais il doit se garder de mépriser ceux qui se reconnaissent dans le premier schéma.» C'est très grave: on nous présente un schéma de salut qui n'est plus celui qui a été enseigné pendant deux mille ans par l'Église. Des mots vagues: «l'avenir de l'humanité», «l'alliance avec Dieu », qu'est-ce que cela signifie? On nous parle de la Vérité qui se crée, qui se fait en nous. On retrouve toutes les erreurs modernistes qui ont été condamnées par le pape s. Pie X. Je regrette d'être obligé de constater cela, mais nous sommes obligés de le constater. Il ne faut pas avoir peur de l'affirmer, parce que, peu à peu, nous deviendrons des protestants, des modernistes. Il n'y a aucun doute, nous serons empoisonnés lentement, mais sûrement. Et nous arriverons à nous retrouver, comme se sont retrouvés ariens au temps de l'arianisme, la plupart des fidèles et des évêques..., nous nous retrouverons, protestants et modernistes, sans nous en rendre compte.

Arius  
Arius (4th Century)


Deuxième blessure qui est faite au prêtre: on enlève au prêtre, au fond, sa véritable raison d'être. Quelle est la véritable raison d'être du prêtre dans toutes les religions? Prêtre et Sacrifice, ce sont deux notions absolument nécessaires et liées entre elles d'une manière absolue. Il n'y a pas de sacrifice sans prêtre, il n'y a pas de prêtre sans sacrifice - on ne peut pas comprendre la notion du prêtre sans sacrifice - on ne peut pas comprendre le sacrifice sans un prêtre -, et cela vaut dans toutes les religions, et à plus forte raison dans notre sainte Religion. C'est Dieu lui-même qui a pris soin de nous donner ce sacrifice, de nous le remettre dans les mains, et de faire un sacrement spécial qui donne un caractère au prêtre; caractère qui l'associe, qui lui fait participer au Sacerdoce de Notre Seigneur, pour offrir le Sacrifice. Le Sacrifice unique de la Croix se continue sur nos autels. C'est le même prêtre, c'est la même Victime qui s'offre sur l'autel. C'est Notre Seigneur qui est le vrai prêtre. Nous ne sommes que des instruments, prêtres qui sommes consacrés, qui avons reçu ce caractère. Nous ne sommes que des instruments du Prêtre unique qui est Notre Seigneur, pour offrir l'unique victime qui est Notre Seigneur aussi, présent sur l'autel.

Voyez l'importance de garder les notions fondamentales. Pour un séminariste, quelle est la chose la plus belle: l'appel de monter à l'autel. Pendant tout notre séminaire nous avons vécu cela: passer par les ordres mineurs puis devenir sous-diacre, diacre, - bientôt je monterai à l'autel: j'offrirai le Corps et le Sang de Notre Seigneur, je pourrai, en prononçant les paroles de la consécration, faire descendre Dieu sur l'autel, comme la Vierge Marie dans son Fiat a fait descendre Notre Seigneur dans son sein. J'aurai la même puissance que la Très Sainte Vierge Marie quand elle a dit son Fiat. Quand nous, nous prononçons les paroles de la consécration, Jésus descend du ciel sous les espèces du Pain et du Vin. C'est une dignité invraisemblable, incroyable, pour la pauvre créature que nous sommes. Alors il vaut la peine d'être prêtre pour monter à l'autel, pour offrir le Divin Sacrifice, pour continuer le Sacrifice de la Croix. Et c'est cela la liturgie, c'est cela la Messe. Donner la sainte communion: que peut faire de mieux le prêtre que de donner la sainte communion? Il ne peut rien faire de mieux que de donner Notre Seigneur Jésus-Christ présent dans l'Eucharistie, c'est la raison même de son célibat. N'allons pas chercher ailleurs. On dit souvent: le célibat du prêtre, c'est pour faciliter son ministère; le prêtre est très surchargé par son ministère, il doit pouvoir être à la disposition des fidèles de nuit et de jour, par conséquent, le prêtre doit être célibataire et doit être vierge. Mais non, ce n'est pas que cela. S'il n'y avait que cela, mais alors les médecins qui sont ici peuvent le dire: eux aussi sont appelés de jour et de nuit, eux aussi sont occupés toute la journée, s'ils veulent se dévouer un peu auprès de leurs malades. Ils ont encore moins de temps que le prêtre probablement. Et puis, bien d'autres personnes qui sont ici, qui sont occupées aussi à d'autres professions. Il y a autre chose : c'est la grandeur de son sacerdoce. C'est sa proximité, son intimité avec Dieu. Précisément, par la faculté qu'il a de prononcer les paroles de la consécration, et de faire descendre Notre Seigneur sur l'autel. C'est cela, la raison profonde de la virginité du prêtre. De même, i1 est normal que la Vierge fût vierge, parce qu'elle était unie si intimement au mystère de la Trinité et au mystère de l'Incarnation, qu'il était normal qu'elle fût vierge. Eh bien ! De même pour le prêtre, qui est si intimement uni à Dieu, si près de Dieu, si près de Notre Seigneur Jésus-Christ, il est normal aussi qu'il donne toute sa vie et toute son activité pour Dieu.

  Mgr Lefebvre
 
Mgr Lefebvre donnant la Sainte Communio

Si on définit comme cela le sacerdoce, on comprend qu'il vaille la peine d'avoir une vocation sacerdotale. Par contre, si lentement, mais sûrement, on dénature le sacrifice de la Messe, pour en faire uniquement un repas, un simple repas mémorial de la Cène, alors ce n'est plus la peine d'être prêtre. Ça ne vaut pas la peine, parce que ce repas mémorial, un président d'assemblée peut le faire. En effet, il suffit de désigner l'un d'entre nous pour faire ce mémorial. Il n'y a plus besoin d'avoir de caractère sacerdotal, puisqu'il n'y a plus de sacrifice. Parce qu'alors, la présence réelle n'est plus nécessaire non plus. Pourquoi la présence réelle de Notre Seigneur est-elle nécessaire? Parce que, précisément, il faut offrir la victime. Pour qu'il y ait sacrifice, il faut que la victime soit présente. Mais, s'il n'y a plus de sacrifice, plus besoin de victime. S'il n'y a plus de victime, plus besoin de présence réelle de Notre Seigneur, une présence spirituelle suffit largement. Si on transforme le sacrifice en repas, nous prenons tout à fait la pensée protestante. Il faut bien le dire, les faits sont là; encore une fois, je n'invente pas, je vais vous donner quelques exemples. Voici, par exemple, la petite brochure qui est éditée au sujet des Messes de petits groupes et de groupes particuliers (Conférence des évêques suisses et Commission suisse de liturgie). Voici comment y parle-t-on de la Messe: «Le repas du Seigneur réalise d'abord la communion avec le Christ. C'est la même communion que Jésus réalisait durant sa vie terrestre en se mettant à table avec les pêcheurs, qui se continue dans le repas eucharistique depuis le jour de la Résurrection. Le Seigneur invite ses amis à se rassembler et il sera présent parmi eux.» Eh bien non! Ce n'est pas ça la Messe. Ce n'est pas la Messe, ce repas, auquel nous convie Notre Seigneur, dans lequel il se trouverait au milieu de nous, comme il s'est trouvé à un repas, là-bas, en Palestine. Non, nous participons à sa Chair et à son Sang, qui sont présents sur le saint autel, et nous L'offrons. Notre Seigneur s'offre en victime à Dieu pour le salut des âmes, et c'est ainsi que se continue la Rédemption, c'est ainsi que se continue l'expiation des péchés. Parce que s'il n'y a plus de Sacrifice, s'il n'y a plus de sang qui est répandu, il n'y a plus non plus la rémission des péchés. Un simple souvenir mémorial ne suffit pas pour la rémission des péchés.

Et voici bien d'autres documents: par exemple, l'École théologique du soir de Strasbourg: «Nous devons reconnaître aujourd'hui que nous sommes en présence d'une véritable mutation culturelle. Une certaine manière de célébrer le mémorial du Seigneur était liée à un univers religieux qui n'est plus le nôtre.» Moyennant quoi, évidemment, on change toute la définition de la Messe. Cette idée du changement, qu'aujourd'hui nous sommes complètement différents, que nous n'avons plus aucune idée semblable à celles qu'ont eues ceux qui nous ont précédés, n'est-ce pas une absurdité? Est-ce que nous sommes vraiment des hommes complètement différents de ceux qui sont nés il y a un siècle? On nous répète ça à satiété, pour nous amener à changer notre Foi. Si tout change, si le Monde change, si l'humanité change, si nos conditions changent, comme on le prétend ici: «le mémorial du Seigneur a été lié à un univers religieux qui n'est plus le nôtre». C'est vite dit, et tout disparaît: «un univers religieux qui n'est plus le nôtre». Alors il faut commencer à zéro. Commencer, et on en arrive à ce que dit ce doyen de la Faculté de théologie de Strasbourg au sujet de la présence réelle de Notre Seigneur: «On parle aussi de la présence d'un orateur, d'un acteur, désignant par là une qualité autre qu'un simple ‘être là’ topographique. Enfin, quelqu'un peut être présent, par une action symbolique, qu'il n'accomplit pas physiquement, mais que d'autres accomplissent par fidélité créatrice à son intention profonde. Par exemple, le festival de Bayreuth réalise, sans doute, une présence de Richard Wagner, qui est bien supérieure en intensité à celle que peuvent manifester des ouvrages ou des concerts occasionnels, consacrés au musicien. C'est dans cette dernière perspective, me semble-t-il, qu'il convient de situer la présence eucharistique du Christ.» On joue un morceau d'un auteur et la présence de cet auteur est semblable à la présence de Notre Seigneur dans l'Eucharistie. Enfin! Un doyen de la Faculté de théologie de Strasbourg! Comment voulez-vous que les séminaristes qui écoutent des choses comme cela, ensuite, gardent la Foi?... Ce n'est pas moi qui l'invente, je n'invente rien.

  Mgr Lefebvre
 
Mgr Lefebvre
élève le calice


Et voici un autre document du Centre Jean-Bart, centre officiel de l'Évêché de Paris, il y est dit des choses invraisemblables: «Aujourd'hui l'Eucharistie du Christ» (c'est du 17 mars 1973), « La Messe n'est-elle pas le repas du Seigneur, une invitation à la communion?»... et plus rien du sacrifice. Ensuite: «Au cœur de la Messe, il y a un récit» - Il y a un récit ! Et ceci est dit aussi dans la petite brochure des Évêques suisses, ... «Il y a un récit». Mais non, ce n'est pas un récit, ce n'est pas un récit le Canon, c'est une action. Regardez sur les vieux missels d'autel, au-dessus du `Communicantes', vous verrez `Infra actionem’. Regardez sur vos missels, par curiosité. `Infra actionem’, ‘durant l'action’. Qu'est-ce que ça veut dire? Mais c'est que le prêtre fait une action, une action sacrificielle. C'est une action que la transsubstantiation, c'est une action que le sacrifice, ce n'est pas simplement une narration. C'est pourquoi le prêtre va se pencher et se préparer à cette action extraordinaire, qui va s'accomplir au moment où Notre Seigneur sera présent sur le saint Autel. C'est à ce moment que Notre Seigneur de nouveau s'offre à son Père et expie nos péchés. C'est une action, ce n'est pas une narration. Or, au coeur de la Messe... «c'est un récit». Mais non, ce n'est pas un récit. «Ce que nous célébrons, c'est donc le mémorial de notre rédemption. Mémorial, un mot qu'il faut bien comprendre. Il ne s'agit pas de la commémoration d'un événement passé, comme si on se réunissait seulement pour se souvenir. Il ne s'agit pas, non plus, du renouvellement de cet événement. Le Christ est mort, ressuscité une fois pour toutes, et cet événement ne peut plus se reproduire...» «... Ne peut plus se reproduire.» Est-ce que Notre Seigneur n'est pas capable de faire un miracle, qui nous reproduit son sacrifice du calvaire? Ils ont l'air de dire que c'est impossible. Il y a eu le sacrifice du calvaire et c'est terminé pour toujours. C'est absolument faux, le sacrifice du calvaire est là réellement, continué sur l'autel, d'une manière non sanglante. C'est la seule chose qui diffère avec le sacrifice du calvaire. D'un côté, Notre Seigneur s'est offert d'une manière sanglante, et sur nos autels, il s'offre d'une manière non sanglante. Mais son Sang est présent, son Corps est présent. Si on ne croit plus à ça, on ne croit plus à rien dans la Sainte Église. Parce que tout est là, voyez-vous, toute la spiritualité chrétienne est dans le sacrifice de la Messe. Nous ne devons jamais oublier cela. On a peut-être trop parlé de l'Eucharistie: Communion; et pas suffisamment du sacrifice de la Messe. Et je pense qu'il faut revenir aux notions fondamentales, à cette notion fondamentale qui a été celle de toute la tradition de l'Église: Le Sacrifice de la Messe, qui est le cœur de l'Église. La communion n'étant que le fruit, le fruit du sacrifice. La communion des fidèles une communion à la Victime qui s'offre, qui s'est offerte. Il faut revenir à ces principes essentiels. Si nous abandonnons ces principes essentiels, il n'y a plus de raisons du sacerdoce d'abord. Parce que le prêtre, s'il n'a plus son sacrifice à offrir, n'a plus de raison d'être. Il n'y a plus de raison d'être religieux. Pourquoi? Qu'est-ce qu'un religieux? Un religieux est celui qui offre toute sa vie complète, toute son activité, en union avec la Victime qui s'offre sur l'autel. La meilleure preuve c'est que, chaque fois que l'on fait une profession solennelle, chaque fois qu'il y a profession, ou un renouvellement de profession, c'est toujours à l'autel. C'est toujours en union avec la Sainte Victime et c'est ça qui est la joie, la consolation des religieux et des religieuses de savoir que, publiquement, officiellement dans l'Église, et reçus par l'Église, ils se sont offerts définitivement pour toute leur vie, avec la Victime qui s'offre sur l'autel. S'il n'y a plus de Victime qui s'offre sur l'autel, il n'y a plus de raison d'être religieux et religieuses.

Et même pour vous, chrétiens fidèles, c'est le sens de votre vie chrétienne. Quel est le sens de votre vie? Quel est le sens de votre baptême? Mais c'est de s'offrir, d'offrir vos vies tout entières, avec Notre Seigneur Jésus-Christ comme Victime sur l'autel. C'est cela qui est la consolation de vos vies. C'est cela qui, dans vos épreuves, peut vous soutenir. Allez dans les hôpitaux, allez parler à ceux qui meurent, qui se préparent à la mort. Si vous ne leur parlez pas du sacrifice de Notre Seigneur, si vous ne joignez pas leur sacrifice à celui de Notre Seigneur, vous pouvez parler de n'importe quoi, ils ne comprendront pas. Mais, parlez-leur de Notre Seigneur s'offrant sur la Croix, sur les autels, dites-leur: «Unissez vos souffrances et vos douleurs à celles de Notre Seigneur Jésus-Christ, en même temps vous sauverez votre âme et vous sauverez celle des autres.» Alors les malades comprennent que cela vaut la peine de souffrir. Parmi ceux qui ont été en prison, dans des camps de concentration, combien sont revenus à la Foi, en pensant qu'ils souffraient et qu'ils s'offraient avec la victime qui s'offre sur l'autel. S'il n'y a pas cela, s'il n'y a plus la croix dans nos vies, voyez-vous, s'il n'y a plus le sacrifice de la croix, et le sacrifice de l'autel, il n'y a plus rien dans nos vies chrétiennes, c'est terminé. C'est très important: toute la spiritualité chrétienne est suspendue en quelque sorte au sacrifice de l'autel. Donc, nous n'avons pas le droit de dire que la Sainte Messe est un simple repas.

Or, que voulez-vous, il faut dire les choses comme elles sont. On nous a remplacé l'autel du sacrifice qui est un autel de pierre, un autel massif sur lequel on offre le sacrifice, on l'a transformé en table, qui est une table de repas. On a enlevé dans bien des cas, les reliques des martyrs qui étaient dans la pierre d'autel. Il y avait au moins une pierre d'autel qui représentait justement la pierre du sacrifice, parce que le sacrifice se fait sur un autel de pierre. Et les reliques des martyrs, pourquoi les reliques des martyrs? Parce qu'ils ont offert leur sang pour Notre Seigneur Jésus-Christ. Cette communion du sang de Notre Seigneur, avec le sang des martyrs, n'est-ce pas là une évocation admirable qui nous encourage justement à offrir nos vies avec celle de Notre Seigneur, comme l'ont fait les martyrs? Mais maintenant, on supprime les reliques des martyrs. Si la Messe est un repas, je comprends très bien que le prêtre se tourne vers les fidèles. On ne préside pas un repas en tournant le dos aux convives. Mais, par contre, si c'est un sacrifice, le sacrifice s'offre à Dieu, il ne s'offre pas aux fidèles. Alors on comprend que le prêtre soit à la tête des fidèles et se tourne vers Dieu, se tourne vers le Crucifix, il offre le sacrifice à Dieu. Quand il doit parler aux fidèles pour l'enseignement, il est très normal qu'il se tourne vers les fidèles. Mais dès que le prêtre s'adresse à Dieu, c'est lui qui agit, à partir de l'Offertoire, c'est lui qui entre en action, avec son caractère sacerdotal, ce ne sont pas les fidèles. Là encore, il y a une notion confuse: on mélange le sacerdoce des fidèles et le sacerdoce des prêtres. Le sacerdoce des prêtres est essentiellement différent de celui des fidèles. C'est ce qu'ont dit les cardinaux, lorsqu'ils ont fait leurs commentaires du catéchisme hollandais. Ils ont demandé que le catéchisme hollandais revienne sur cette notion: le sacerdoce ministériel. Il y a dix points sur lesquels ils ont demandé au catéchisme hollandais de changer le texte. On n'a rien changé du tout. On a mis cette déclaration de la Commission cardinalice sur ce nouveau catéchisme à la fin de l'édition, mais elle a bien vite disparu. Et maintenant les catéchismes hollandais sont traduits dans toutes les langues, et on n'y voit pas les transformations faites, demandées par les cardinaux, sur des points capitaux, sur des points fondamentaux de notre Foi. «Qu'on évite de diminuer la grandeur du sacerdoce ministériel qui, dans sa participation au sacerdoce du Christ, diffère du sacerdoce commun des fidèles d'une manière non seulement graduelle, mais essentielle.» Voilà ce que disent les cardinaux. Or, il ne faut pas oublier que la plupart des catéchismes ont été faits sous l'influence du catéchisme hollandais, le nouveau catéchisme.

Année Scolaire 1986-1987, Écône, Suisse

Ce sont autant de choses qui sont très graves, que nous n'avons pas le droit de minimiser. Si on tend à faire du sacrifice de la Messe un repas, il est très normal aussi qu'on communie dans la main; si c'est un repas, on distribue un pain, qui est un souvenir, un mémorial. Mais quand on sait que Notre Seigneur est présent! Quand on sait ce qu'est Notre Seigneur! Certes nous ne savons pas, nous sommes incapables de nous rendre compte! Qu'on songe que tous les anges du ciel s'inclinent devant Notre Seigneur, que tout genou fléchira au seul nom de Jésus, dans le ciel, sur la terre, et dans les enfers. Alors nous, nous avons peur de nous mettre à genoux, devant Celui dont le seul nom prononcé fera mettre à genoux toute l'humanité au moment du jugement dernier, toutes les âmes qui sont au ciel, tous les anges, et tous ceux qui sont en enfer. Nous devrions réfléchir à ces choses-là.

Enfin, dernière blessure qui est faite au prêtre, on lui enlève son catéchisme. Je viens déjà d'en parler, donc je n'insisterai pas beaucoup. Mais on a transformé le catéchisme, et ce catéchisme est fait sous l'inspiration du catéchisme hollandais. Je lisais, il n'y a pas très longtemps, dans une enquête faite par le Pèlerin, un questionnaire à des mères de famille auxquelles on demandait ce qu'elles pensaient du nouveau catéchisme et des nouvelles méthodes et du nouvel enseignement qui étaient faits pour leurs enfants. Eh bien ! Je ne crois pas me tromper, sur neuf ou dix réponses qui étaient données, il n'y en avait que deux qui étaient un peu favorables à la nouvelle méthode et au nouveau catéchisme. Toutes les autres réponses des mères de famille étaient défavorables: «Nous nous rendons compte, disaient-elles, que nos enfants ne savent plus rien, ils ne savent même plus leurs prières, ils ne savent plus se confesser, ils ne retiennent rien.» C'était la conclusion des mères de famille, dans le Pèlerin. C'est tout de même grave. Or, nous entendons tous les jours ces plaintes. J'avais pensé faire, pour mes séminaristes, une année de spiritualité avant le séminaire, une véritable année de spiritualité, telle qu'on pouvait la concevoir autrefois, c'est-à-dire l'ascétisme, la mystique. Leur parler des vertus, des dons, des béatitudes, que sais-je, de la présence du Saint-Esprit en eux, de la grâce surnaturelle, et des choses de ce genre. Mais nous nous sommes aperçus qu'ils ne connaissent même plus les notions fondamentales. A ces jeunes gens, qui viennent pour être prêtres, et qui ont un désir d'être de vrais prêtres, nous avons été obligés, en définitive, pendant cette année de spiritualité, de leur faire tout simplement un catéchisme expliqué. Il a fallu reprendre toutes les notions. C'est inimaginable, c'est d'une gravité incroyable. Est-ce que oui ou non, nous avons conscience que notre Foi, c'est la Vie Éternelle? Dans le baptême, quand le prêtre baptise, il demande bien au parrain: «Que vous procure la Foi?» - La Foi vous procure la Vie Éternelle. La Vie Éternelle est-elle quelque chose pour nous? Ou bien n'est-elle rien? Si vraiment la Foi nous procure la Vie Éternelle, nous n'avons pas le droit de minimiser notre Foi, avec des: «Qu'est-ce que vous voulez», ou bien, «On nous dit qu'il faut faire cela. On nous dit qu'il faut penser comme cela… Que voulez-vous que j'y fasse? Moi je n'y connais rien...» Vous n'avez pas le droit de dire cela, vous avez été éduqués dans la Foi. On n'a pas le droit de changer la Foi. Saint Paul l'a dit lui-même, si un ange venait du ciel et vous disait le contraire de ce que je vous ai dit, ne l'écoutez pas. Voilà ce que disait saint Paul à ses fidèles. Ce ne sont pas des idées personnelles, encore une fois, que je défends, c'est toute la tradition de l'Église. Nous n'avons pas le droit de minimiser notre catéchisme. Il faut revenir à nos anciens catéchismes. Il le faut. Sinon nos enfants ne sauront plus rien, et ils perdront la Foi. On n'a pas le droit de laisser les enfants abandonner la Foi catholique. Il faut leur apprendre le vrai catéchisme.

  Fr Hans Küng
 
Le Père
Hans Küng

Voilà donc la situation actuelle du Sacerdoce. Mais, enfin, comment a-t-on pu arriver à des choses comme celles-là ? C'est inimaginable. Comment peut-on penser, qu'on met maintenant dans les mains des enfants, des catéchismes qui ne reflètent plus vraiment la Foi traditionnelle? Je regrette de n'avoir pas apporté ici les catéchismes canadiens pour montrer ce que sont ces catéchismes. C'est une aberration, une abomination... Évidemment, la plupart des catéchismes et des livrets de catéchisme ont de longs développements sur la vie sexuelle. Vraiment on croirait qu'il n'y a plus que cela à enseigner aux enfants. Et encore, de quelle manière! D'une manière qui leur donne une espèce d'obsession. Sur toutes les pages de ces catéchismes et de ces deux ou trois livrets qui parlent de ces choses, on ne voit qu'en grosses lettres: Sexe, Sexe, Sexe, partout, sur toutes les pages, de quoi obséder... Obséder absolument l'enfant. Quand on pense qu'à la fin de ces catéchismes, il y a un imprimatur: Monseigneur Couderc, Évêque de Saint-Hyacinthe, Président de la Commission épiscopale catéchétique. J'avoue que, pour moi, ce sont des mystères, je ne comprends pas. Comment en est-on arrivé là? Eh bien! Je crois qu'il faut voir les choses de loin. Évidemment, on pourrait remonter, bien sûr, au péché originel. On peut remonter aussi au diable, il est là certainement, il n'y a pas de doute. Parce que pour accomplir une action pareille dans l'Église, arriver à cette autodestruction dans l'Église, dont a parlé le saint Père Paul VI, il faut que le diable soit là, ce n'est pas possible autrement. Et il y est, soyez sûrs.

2° pg


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