Éditorial
Abbé
Dominique De Vriendt
Les
négociations avec Rome : les conciliaires refusent de libérer la
Messe de la Tradition.
Depuis les Sacres épiscopaux de 1988, cette historique « opération
survie » qui donna à la Fraternité Saint-Pie X et à l’Église quatre
évêques qui ne compromettraient pas avec le modernisme, la politique de
Rome avait été celle du silence et de l’ostracisme : reléguer les
oeuvres de la Tradition dans l’oubli derrière la muraille d’une soi-disant
« excommunication ». Or, depuis le mois de décembre dernier,
la Fraternité s’est trouvée soudainement à l’avant plan de l’actualité :
même les médias officiels de l’Église conciliaire comme La Croix
de Paris, ont été obligés d’en parler : Rome et la Fraternité seraient
sur le point de signer un accord!
Espoir fou chez les uns, scepticisme presque cynique chez d’autres.
Trois mois plus tard, la veille du jour de Pâques, la Fraternité, qui
avait posé deux préalables essentiels à toute négociation (voir ci-dessous
l’article de l’abbé Laguérie), reçoit enfin une réponse écrite de Rome
qui met fin, sine die, au processus entamé. Rome, qui en la personne du
cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la commission Ecclesia Dei et de
la congrégation du Clergé, s’était d’abord montrée favorable à l’idée,
fait maintenant marche arrière et refuse de libérer la messe de la Tradition,
c.a.d. refuse de déclarer publiquement le droit de tout prêtre de célébrer
selon la messe de la Tradition.
L’article de l’abbé Laguérie, dont nous reproduisons ci-dessous de
larges extraits, vous donne une bonne synthèse des événements.
Certains se diront : pourquoi parler de cela, pourquoi perdre
notre temps à commenter l’éphémère, le jeu vain et trompeur des tractations
de la politique vaticane ? Nous répondons : parce que le rayonnement,
et même la survie de la Fraternité sont en jeu. Parce que le bien de l’Église
entière est en jeu. Pour le comprendre, nous devons laisser de côté les
rumeurs, les interprétations biaisées, tous les racontars que l’on trouve
sur l’Internet; nous devons nous élever au-dessus des passions. Ce qui
importe, ce sont les principes, les lignes directrices, les intentions
profondes. Du côté de la Fraternité, ceux-ci sont absolument clairs et
n’ont pas changé. Mgr Bernard Fellay, notre Supérieur général, les expose
très clairement dans le numéro 68 de Cor Unum, qu’il nous autorise
à reproduire partiellement ci-dessus :
1- D’une
part, il n’est pas question pour la Fraternité de céder sur l’essentiel :
c’est le trésor de l’Église, le fondement de la vie de la Foi
2- D’autre
part, nous ne devons pas rejeter a priori la possibilité d’une grâce de
conversion à Rome. Car, même occupée par la secte moderniste, Rome reste
la tête visible de l’Église : il n’y aura pas de fin à cette crise
terrible de l’Église sans le retour de Rome à la Tradition.
Certains parmi nous se sont demandés si la Fraternité n’avait pas été
trop exigeante. Devant de si généreuses propositions de Rome (voir article
de l’abbé Laguérie), n’était-il pas inconvenant voire arrogant d’oser
même présenter des conditions ?
Non, les demandes de la Fraternité ne sont nullement excessives. Elles
sont sages et nécessaires, géniales même, comme certains l’ont dit. Mgr
Fellay l’explique très bien : « Vu les contradictions romaines,
il était nécessaire de demander à Rome un acte concret par lequel elle
montrerait à tous qu’elle fait un geste vrai en faveur de la Tradition.
De plus, si nous avions des accords avec Rome, il serait absolument nécessaire
d’avoir l’assurance de la pérennité du rite que nous célébrons. Or la
proclamation officielle de la non abrogation du rite tridentin empêcherait
Rome de ‘supprimer’ la messe de St. Pie V pendant au moins des années
sinon définitivement. Les bienfaits d’une telle mesure seraient immenses
pour toute l’Église. Justice serait enfin faite. Cela permettrait aussi
de tester la bonne volonté de Rome envers nous : car s’ils sont prêts
à endosser les problèmes qui surgiront nécessairement au niveau des évêques
avec la réintroduction de l’ancienne messe, alors nous pouvons penser
qu’ils sont peut-être prêts à assumer aussi les contradictions et les
objections qui s’élèveront lors de notre arrivée. Il est inutile de mentionner
la facilité accrue avec laquelle les prêtres qui le désirent, mais qui
n’osent pas, pourront célébrer à nouveau l’ancienne messe » (Cor
Unum No. 68).
Et comme le dit l’abbé Laurençon dans la Lettre à nos Frères Prêtres,
no.9 – mars 2001 : «... à l’heure où, de manière quasi officielle,
on reconnaît combien fut abusive et délétère l’interdiction du missel
tridentin (Cardinal Ratzinger, Ma Vie, p. 132); à l’heure où l’on
estime de plus en plus ouvertement que ‘la crise de l’Église actuelle
repose largement sur la désintégration de la liturgie’ (id), (...) il
n’est pas incongru de lever l’interdiction abusive et infamante qui pèse
sur un missel millénaire dont la sûreté doctrinale et l’efficacité salutaire
ne sont plus à redire ».
La présentation par la Fraternité, le 19 février dernier, du livre
Le problème de la réforme liturgique au cardinal Castrillon Hoyos,
précédé d’une ‘Adresse au Saint-Père’ signée par Mgr Fellay, a
montré, par les réactions hostiles de plusieurs cardinaux, dont Mgr Eyt,
archevêque de Bordeaux, et même le cardinal Ratzinger, que nos interlocuteurs
ne comprennent pas, ou font semblant de ne pas comprendre que le problème
est d’abord doctrinal, et non pas simplement disciplinaire, ou ‘de sensibilité’,
comme le prétend le cardinal Medina (Présent, 10 mars 2001, Paris).
Cette étude reprend les conclusions du ‘Bref Examen Critique’
présenté en 1970 au pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci,
et les complète par une analyse de la théologie nouvelle du mystère pascal
sous-jacente à la nouvelle messe.
Dans le journal parisien La Croix du 27 mars 2001, le cardinal
Eyt réduit cette étude à une « attristante caricature de la théologie
catholique de l’Eucharistie ». Or il s’agit, écrit l’abbé de la Rocque,
dans une lettre publiée par La Croix du 11 avril, « d’un document
profondément enraciné dans l’enseignement du Concile de Trente, qui analyse
patiemment le Concile Vatican II, le Catéchisme de Église catholique,
et les plus grandes encycliques de Jean-Paul II ». D’ailleurs, le
cardinal se contredit un peu plus loin lorsqu’il reconnaît qu’il s’agit
bien de la « doctrine énoncée sur l’Eucharistie par Paul VI et Jean-Paul
II ».
« La question soulevée par ce document est de taille, continue
l’abbé de La Rocque, parce qu’elle touche au cœur de la vie ecclésiale,
parce qu’elle met en jeu la Rédemption opérée par le Christ. Parce que,
peut-être aussi, elle est une clef explicative de la situation difficile
que l’Église traverse aujourd’hui ».
Le communiqué de Mgr Eyt montre que les forces occultes qui, depuis
un demi-siècle, se sont acharnées à jeter bas la forteresse de l’Église
et à l’ouvrir aux erreurs modernes, ne vont pas sans réagir laisser se
reconstituer ce rempart de la foi traditionnelle qu’est la messe tridentine.
Avec une mauvaise foi sans vergogne, les autorités, comme Mgr Eyt, et
même le cardinal Ratzinger, font retomber sur la Fraternité la faute de
l’impasse actuelle. « La Fraternité est trop repliée sur elle-même »
affirme le cardinal allemand, dans le journal italien Il Giornale,
3 avril 2001. Alors que les récents événements ont justement montré le
contraire : c’est parce qu’elle a le souci du bien de l’Église, et
de la conversion de ses chefs, que la Fraternité a discuté avec Rome.
Cela confirme le jugement que Mgr Lefebvre portait en 1988 : « on
n’a pas affaire à des gens honnêtes » ! C’est pourquoi la Fraternité
a raison d’une part de tenir à ce préalable absolu de la pleine liberté
pour la messe traditionnelle, et d’autre part de lancer le débat doctrinal
sur le fond. Sur ce point, la publicité et la diffusion de l’étude Le
problème de la réforme liturgique, fait marquer des points pour le
retour de Rome à la Tradition. Plus que jamais, nous devons prier pour
cela.
Nous présenterons dans notre prochain numéro cette étude capitale pour
comprendre la nocivité doctrinale de la nouvelle messe. Pour l’instant,
nous vous invitons à lire les commentaires suivants qui éclairent les
récents événements :
- Le mot du Supérieur
Général, extraits du Cor Unum No. 68 – février 2001
- Le pape, la messe,
la paix, par M. l’abbé Philippe Laguérie
- Dans la crise de
l’Église.... par M. l’abbé Michel Simoulin
- Entretien avec
Mgr Bernard Fellay, extraits, Fideliter No. 140 – mars-avril 20
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