Itinéraire
Spirituel
Monseigneur
Marcel Lefebvre
Nous publions
ici les notes complémentaires qui se trouvent à la fin du dernier ouvrage
de Mgr Lefebvre, qui est en quelque sorte son testament spirituel. Ces
pages jettent une vive lumière sur la crise actuelle.
1. Nécessité
absolue de la religion chrétienne catholique pour le salut et la sainteté.
La recherche de la
sainteté chrétienne en Jésus-Christ et par Jésus-Christ n'est pas libre.
"Elegit nos in Ipso ante mundi constitutionem, ut essemus sancti:
II nous a élus en Jésus-Christ avant la constitution du monde, pour que
nous soyons saints" (Eph. l, 4).
Aucune
créature humaine ne peut échapper à cette nécessité absolue pour
parvenir au salut. Toute l'Ecriture en témoigne. Et Notre Seigneur, par
qui tout a été fait, a institué l’Église, l'État et la famille, pour contribuer,
chacun selon sa nature, à la sanctification des âmes par Jésus-Christ.
La liberté que Dieu
nous donne est essentiellement finalisée vers le Vrai et le Bien
par la loi de charité. Nous ne sommes pas libres d'aimer ou de ne pas
aimer Dieu, la Trinité Sainte, et notre prochain. La liberté est corrélative
à la Loi d'amour et de charité.
Dieu a pris soin
de nous donner ses lois par son Verbe, lois divines toutes inspirées
de l'Esprit de charité, de l'Esprit-Saint. Les lois de l’Église, de l'État,
de la famille, doivent se conformer à ces lois divines et ainsi venir
au secours des âmes sollicitées par l'erreur et le péché, et les aider
à se convertir à l'unique médecin: Jésus-Christ, Vérité et Sainteté.
(Délier les âmes
de l'obéissance aux lois de la société civile qui ne sont que l'application
des lois divines, et faire de cette libération un droit naturel est un
crime de rébellion vis-à-vis de Dieu, de Notre Seigneur. La laïcisation
des états catholiques et leur libération de toute religion est un crime
d'apostasie, qui crie vengeance, quand on en calcule les conséquences
pour la perte des âmes. La liberté des cultes et l'œcuménisme qui l'encourage,
sont un "délire" comme le disait Grégoire XVI dans son encyclique
"Mirari vos".)
2. Objectivité
de notre nature spirituelle et de la sainteté.
Dangers du subjectivisme
conciliaire.
Notre spiritualité
est objective, en ce sens que tout ce qui nous sanctifie vient de
Dieu par Notre Seigneur, "Sans moi, dit Notre Seigneur, vous ne pouvez
rien faire". Tout le chapitre XV de saint Jean est une affirmation
de cette réalité. Notre intelligence se sanctifie dans la vérité qui lui
est enseignée, qui ne vient pas d'elle. Notre volonté se sanctifie dans
la loi et la grâce du Seigneur qui ne viennent pas d'elle.
Cette dépendance
vis-à-vis de la réalité divine qui n'est pas nous, est essentielle pour
maintenir l'âme profondément ancrée dans la vertu d'humilité, dans l'adoration,
dans la reconnaissance et dans un désir toujours plus vif de nous abreuver
et de nous nourrir aux sources de la sainteté, spécialement celles du
Cœur de Jésus.[1]
(Il est difficile
de mesurer les dégâts spirituels accomplis par la tendance subjectiviste
du Concile, par son personnalisme, qui s'efforce, à tort, de faire abstraction
de la finalité de la nature humaine, de sa liberté finalisée; ainsi s'explique
cette exaltation de l'homme, de ses droits, de sa liberté, de sa conscience:
humanisme païen qui ruine la spiritualité catholique, l'esprit sacerdotal
et religieux.)
Combien il nous faut
méditer ces réalités pour demeurer catholiques et garder les principes
et les sources de la vraie sainteté! Bienheureux les "esurientes
–ceux qui ont faim" et les "pauperes spiritu – les pauvres d’esprit"
du Magnificat et des Béatitudes. Malheur aux "divites – les riches"
qui sont remplis d'eux-mêmes et n'ont plus besoin ni de Dieu, ni de Jésus-Christ.
Venant d'un monde
où règne partout le subjectivisme, qui place comme fondement des relations
sociales la conscience individuelle, la liberté de conscience, l'autonomie
de la personne, justifiant toutes les erreurs et tous les vices, les jeunes
séminaristes auront à cœur de retrouver le chemin de la vérité et de la
vertu, dans l'objectivité de nos facultés, et de retrouver en Notre Seigneur
la Vérité et la Sainteté.
3. Le choix
providentiel de Rome, comme Siège de Pierre, et les bienfaits de ce choix
pour la croissance du Corps mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Je crois devoir ajouter
quelques lignes pour attirer l'attention de nos prêtres et de nos séminaristes
sur le fait incontestable des influences romaines sur notre spiritualité,
sur notre liturgie, et même sur notre théologie.
On ne peut nier que
ce soit là un fait providentiel: Dieu, qui conduit toutes choses, a dans
sa sagesse infinie préparé Rome à devenir le siège de Pierre et le centre
du rayonnement de l'Evangile. D'où l'adage "Unde Christo e Romano".
Dom Guéranger dans
son "Histoire de sainte Cécile" montre la grande part qu'ont
pris les membres des grandes familles romaines dans la fondation de l’Église,
donnant leurs biens et leur sang pour la victoire et le règne de Jésus-Christ.
Notre liturgie romaine en est le témoin fidèle.
La "Romanité"
n'est pas un vain mot. La langue latine en est un exemple important. Elle
a porté l'expression de la foi et du culte catholique jusqu'aux confins
du monde. Et les peuples convertis étaient fiers de chanter leur foi dans
cette langue, symbole réel de l'unité de la foi catholique.
Les schismes et les
hérésies ont souvent commencé par une rupture avec la Romanité, rupture
avec la liturgie romaine, avec le latin, avec la théologie des Pères et
des théologiens latins et romains.
C'est cette force
de la foi catholique enracinée dans la Romanité, que la Maçonnerie a voulu
faire disparaître en occupant les États Pontificaux et en enfermant la
Rome catholique dans la Cité du Vatican. Cette occupation de Rome par
les maçons a permis l'infiltration du modernisme dans Église et la destruction
de la Rome catholique par les clercs et les Papes modernistes qui s'empressent
de détruire tout vestige de "Romanité": la langue latine, la
liturgie romaine. Le Pape slave est le plus acharné à changer le peu que
gardait le Traité du Latran et le Concordat. Rome n'est plus ville sacrée.
Il encourage l'implantation des fausses religions à Rome, y accomplit
de scandaleuses réunions œcuméniques, pousse partout à l'inculturation
de la liturgie, détruisant les derniers vestiges de la liturgie romaine.
Il a modifié dans la pratique le statut de l'Etat du Vatican. Il a renoncé
au couronnement, refusant ainsi d'être chef d'état. Cet acharnement contre
la "Romanité" est un signe infaillible de rupture avec la foi
catholique, qu'il ne défend plus.
Les Universités pontificales
romaines sont devenues des chaires de pestilence moderniste. La mixité
de la Grégorienne est un scandale perpétuel.
Tout est à restaurer
in Christo Domino, à Rome comme ailleurs.
Aimons scruter comme
les voies de la Providence et de la Sagesse divine passent par Rome et
nous conclurons qu'on ne peut être catholique sans être romain. Cela s'applique
aussi aux catholiques qui n'ont ni la langue latine, ni la liturgie romaine;
s'ils demeurent catholiques, c'est parce qu'ils demeurent romains - comme
les maronites par exemple, par les liens de la culture française catholique
et romaine qui les a formés.
C'est d'ailleurs
faire une erreur, à propos de la culture romaine, que de parler de culture
occidentale. Les juifs catholiques ont apporté avec eux de l'Orient tout
ce qui était chrétien, tout ce qui dans l'Ancien Testament était une préparation
et allait être un apport au Christianisme, tout ce que Notre Seigneur
a assumé et que l'Esprit-Saint a inspiré aux Apôtres d'utiliser. Que de
fois les épîtres de saint Paul nous renseignent à ce sujet!
Dieu a voulu que
le Christianisme, coulé en quelques sorte dans le moule romain, en reçoive
une vigueur et une expansion exceptionnelles. Tout est grâce dans le plan
divin et Notre divin Sauveur a tout disposé, comme il est dit des Romains,
"cum consilio et patientia –avec conseil et patience" ou "suaviter
et fortiter – avec douceur et force"!
A nous aussi de garder
cette Tradition romaine voulue par Notre Seigneur, comme II a voulu que
nous ayons Marie pour Mère.
[1] Le R.P. Garrigou-Lagrange, dans son introduction au De Christo
Salvatore, a sur l'objectivité de la spiritualité de très profondes
considérations, très utiles en notre temps de subjectivisme.
|