Editorial
Chers fidèles,
Campos, petit diocèse
du Brésil au bord de l'océan atlantique, à environ 3 heures de route au
nord de Rio de Janeiro, est illustre par la résistance anti-moderniste
de Mgr Antonio de Castro Mayer. Au Concile Vatican II (1962 à 1965), le
vaillant évêque de Campos était aux côtés de Mgr Marcel Lefebvre comme
membre du Coetus Internationale Patrum, ce regroupement de plus de 200
évêques conservateurs qui essayèrent tant bien que mal de contrecarrer
le puissant lobby des évêques progressistes. Déjà avant le Concile, en
1953, Mgr de Castro Mayer publiait son magistral Catéchisme des vérités
opportunes qui s'opposent aux erreurs contemporaines, dans lequel il réfute
les principales erreurs des néo-modernistes sur la Liturgie, la structure
de l'Église, les méthodes d'apostolat et la vie spirituelle. Quand le
Vatican promulgua le Nouvel Ordo de la Messe, en 1969, Mgr de Castro Mayer,
et la quasi totalité de ses prêtres, dénoncèrent l'abus d'autorité selon
lequel on prétendait interdire le missel traditionnel et imposer un rite
nouveau qui rompait avec la Tradition et favorisait les erreurs protestantes.
En 1969, il écrivit au pape Paul VI : « Le Novus Ordo non seulement
n'inspire pas la ferveur, mais au contraire il diminue la Foi dans les
vérités centrales de la vie catholique, comme la présence réelle de Jésus
dans le Saint Sacrement, la réalité du Sacrifice propitiatoire, le Sacerdoce
hiérarchique ». « Résistance ", telle est l'expression
que Campos aimait employer pour résumer l'attitude des catholiques traditionalistes
face aux abus de pouvoir de la hiérarchie. En 1988, Mgr de Castro Mayer
était aux côtés de Mgr Lefebvre comme coconsécrateur dans la cérémonie
du sacre des 4 évêques, cette historique « opération survie »
de la Tradition. En 1981, deux ans après que Mgr de Castro Mayer eut atteint
l'âge de la retraite obligatoire (75 ans), le Vatican nomma à Campos un
nouvel évêque qui fit la vie tellement dure aux prêtres traditionalistes
du diocèse qu'il finit par les chasser de toutes les paroisses. Ceux-ci,
plutôt que d'accepter la nouvelle messe et les réformes modernistes, construisirent
des nouvelles églises pour la messe de la Tradition avec le soutien de
plusieurs dizaines de milliers de fidèles. Ils fondèrent une association
sacerdotale appelée « Fraternité Saint Jean Marie Vianney ».
Le 25 avril 1991, Mgr de Castro Mayer, l'ami de Mgr Lefebre, le seul évêque
diocésain, à l'époque, qui avait fait sien le combat du fondateur d'Ecône
contre le néo-modernisme, rendait son âme à Dieu. En 1992, les évêques
de la Fraternité Saint-Pie X répondirent à l'appel à l'aide de leurs compagnons
d'armes de Campos en consacrant évêque l'un de leurs prêtres : Mgr Licinio
Rangel.
Et voilà que nous
apprenons qu'un accord a été signé entre Rome et les prêtres traditionalistes
de Campos lors d'une cérémonie le 18 janvier dernier dans la cathédrale
du diocèse. Par ce fait même, il est reconnu par Rome que Mgr Rangel est
bien un évêque catholique, placé à la tête d'une administration apostolique
personnelle nouvellement érigée en faveur des prêtres et des fidèles traditionalistes
de ce diocèse.
Que des amis qui
ont combattu à nos côtés jusqu'à présent signent une paix séparée sans
avoir réglé la question doctrinale avec Rome ne nous réjouit pas, parce
que la Tradition va s'en trouver affaiblie. Nous estimons aussi, que cet
accord manque énormément de prudence, car il est apparu toujours plus
clairement au cours des discussions de l'année passée qu'il n'est pas
dans l'intention de Rome, actuellement, de rendre justice à la Tradition
et de renoncer à ses principes modernistes destructeurs de la foi. Rome
ne cherche qu'à intégrer l'oeuvre de la Tradition dans le système moderniste
de l'Église conciliaire. Le thème de la cérémonie de « réconciliation
» était justement cette « unité dans la diversité »,
selon les propres paroles de Mgr Norberto Guimaraes, l'évêque de Campos
(cf. le commentaire de l'abbé Peter Scott, dans notre dossier Campos,
plus loin dans ce numéro). Ce principe est le fondement de la messe de
l'indult : la messe en latin n'est qu'une question de sensibilité religieuse,
la nouvelle messe et l'enseignement de Vatican II, l'oecuménisme forcené,
la liberté religieuse et les droits de l'homme doivent continuer d'inspirer
le gouvernement de l'Église.
Il semble pour l'instant
que les prêtres de Campos n'ont fait aucune concession substantielle au
niveau doctrinal. Ils affirment vouloir poursuivre le combat en faveur
de la Tradition. Seul l'avenir nous dira quelle tournure prendra maintenant
leur oeuvre.
Mais comme le dit
très bien l'abbé Matthias Gaudron, directeur du séminaire de langue allemande
de la Fraternité Saint-Pie X, quelques points nous laissent sceptiques.
" Tout d'abord, les marques excessives de reconnaissance envers le
Pape et l'évêque conciliaire du lieu manifestées à présent par les prêtres
de Campos nous semblent bien étranges. Ce n'est pas à la Tradition de
présenter des excuses aux pasteurs modernistes, mais bien plutôt l'inverse.
Le Pape et les évêques modernistes se sont montrés injustes envers la
Tradition, ce qui n'est pas le cas des prêtres traditionalistes qui ont
maintenu l'intégrité de la foi.
« Par ailleurs, certains points importants de l'accord ne semblent
pas être réglés définitivement, comme par exemple la succession de Mgr
Rangel et le statut juridique exact de l'administration apostolique. En
l'occurence, c'est agir avec beaucoup de légèreté.
« En effet,
Rome, qui n'a pas hésité à violer les promesses qu'elle avait faites à
la Fraternité Saint-Pierre, n'hésitera pas davantage envers les prêtres
de Campos. Ainsi, dès le lendemain de l'accord a paru un entretien avec
le théologien de la maison pontificale, le père Georges Cottier, dominicain,
dans lequel celui-ci exprimait qu'il était insuffisant que les prêtres
de Campos reconnaissent la validité de la nouvelle messe, mais que l'on
devait les amener à la célébrer : « Nous devons nous attendre peu à peu
à d'autres actes de rapprochement : par exemple, la participation à des
concélébrations dans le rite réformé. Mais il faut encore faire preuve
de patience. Il est essentiel que leurs coeurs ne s'y refusent pas plus
longtemps. L'unité retrouvée au sein de l'Église renferme en elle-même
une dynamique interne qui portera ses fruits ».
Le temps est-il venu
de faire confiance aux autorités à Rome, au moment où la rencontre oecuménique
d'Assise provoque au contraire « notre profonde indignation et notre
réprobation » comme l'écrit Mgr Fellay dans son communiqué
de presse du 24 janvier dernier «
Inviter ces religions à prier, c'est les inviter à poser un acte que Dieu
réprouve, qu'il condamne dans le premier commandement : un seul Dieu tu
adoreras. C'est induire en erreur les adeptes de ces religions et les
conforter dans leur ignorance et leur malheur. Plus grave encore : cette
invitation fait croire que leur prière pourrait être utile, voire nécessaire
pour obtenir la paix. »
Non, véritablement,
le temps ne semble pas encore mûr pour un accord avec Rome. Mais nous
ne voulons pas condamner à l'avance les prêtres de Campos, bien que leur
précipitation et leur imprudence soient manifestes. Nous partageons entièrement
le jugement équilibré porté par Mgr Bernard Fellay dans sa déclaration
du 16 janvier. Seul le temps dira si la fraternité sacerdotale Saint Jean
Marie Vianney demeurera fidèle aux principes de Mgr de Castro Mayer ou
si elle ne deviendra pas une garantie pour le pluralisme de l'Église conciliaire.
A l'heure où, à cause des scandales venant des autorités religieuses,
des millions d'âmes perdent la foi, Dieu nous demande la fidélité sans
compromis. Il nous demande de continuer à témoigner, sans acrimonie mais
dans la sérénité, avec patience et persévérance, avec l'espérance inébranlable
que cette crise aura une fin, et que le Pape reviendra tôt ou tard à la
Tradition, même si c'est par étapes. Offrons nos prières et nos souffrances
pour l'Église, notre Mère, et abandonnons-nous à la Providence du Dieu
Tout Puissant.
P.S. : au moment
de mettre sous presse, nous recevons une deuxième
déclaration de Mgr Fellay concernant Campos. Nous vous invitons à
la lire attentivement.
Father Dominique
De Vriendt
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